#1179 – FK Žalgiris Vilnius : Žalgiris

Pour les connaisseurs de sport, le mot Žalgiris, qui signifie forêt verte, a une résonance particulière, qui renvoie à la balle orange, au célèbre club du Žalgiris Kaunas, vainqueur de l’Euroleague en 1999. Mais, en Lituanie, le club de basket n’est pas l’unique porteur de ce nom. On retrouve principalement deux clubs de football (FK Žalgiris Vilnius et FK Kauno Žalgiris, section football du club de basket) et un de handball féminin (MRK Žalgiris Kaunas). Fondé en 1947, le club de Vilnius se dénomma au départ Dinamo puis l’année suivante, il prit le nom de Spartak. Žalgiris s’imposa en 1962 et est resté jusqu’à ce jour. L’utilisation de ce nom rappelle une bataille historique, symbole de résistance des Lituaniens face aux envahisseurs et une source de fierté nationale.

Le 15 Juillet 1410, les moines-chevaliers de l’ordre teutonique affrontèrent les troupes du Roi Ladislas II Jagellon de Pologne et le Grand-Duc Vytautas de Lituanie. Depuis deux siècles, les Teutons s’étaient installés dans des régions de Pologne et de Lituanie, et pour des raisons soi-disant religieuses, réalisaient des raides en Pologne et en Lituanie. A force, l’occupation et ces expéditions exaspèrent, surtout après la conversion au Christianisme de ces deux pays. En mai 1409, les soulèvements dans les régions teutoniques à l’encontre des chevaliers débutèrent et trouvèrent pour soutien le Grand-Duché de Lituanie puis le Royaume de Pologne. Et donc, en Juillet 1410, les forces en présence allaient s’affronter dans une plaine partagée en trois villages : Grünfelde à l’ouest, Tannenberg au nord-est et Ludwigsdorf au sud. Pour les chroniqueurs polonais, le nom du village Grünfelde fut traduit en Grünwald, littéralement « forêt verte » en allemand. Les Lituaniens suivirent leur exemple en traduisant le nom par « Žalgiris ». Pour les Allemands, la bataille prit le nom Tanenberg qui désigne une « colline de sapins » ou « colline de pins ». La bataille fut remportée par les armées lituano-polonaises et devint un symbole nationale pour les deux pays. En Lituanie, la victoire représente l’apogée politique et militaire du Grand-Duché. Repris par les mouvements nationalistes lituaniens, elle inspira leur résistance face aux politiques de germanisation et de russification de ses grands voisins. En effet, dans l’imaginaire nationale, elle marque la victoire d’une petite nation opprimée face à un ordre Teutonique, décrit comme des envahisseurs assoiffés de sang.

#1161 – FC Den Bosch : Blue White Dragons

Les dragons bleus et blancs. En néerlandais, le terme approprié serait de blauwwitte draken et pourtant, c’est bien le surnom en anglais qui est usité. Et en regardant le blason du club, il paraît logique. Le bleu et le blanc sont bien les couleurs du club tandis qu’une tête de dragon l’orne. D’où provient ce dragon ? Certainement du surnom gagné par la ville de Bois-le-Duc pendant la guerre de Quatre-Vingts ans, qui opposa les 7 des 17 Provinces des Pays-Bas espagnols (soutenus par la France et l’Angleterre) à la monarchie espagnole (soutenue par le Saint-Empire Germanique) de 1568 à 1648.

Au XVIème siècle, les Pays-Bas espagnols, alors possession de Philippe II, Roi des Espagnes, regroupaient de riches villes et régions (certaines villes – Bruges, Gand, Anvers – constituaient des places fortes économiques mondiales), divisées entre les 7 provinces du Nord (actuels Pays-Bas), où le protestantisme dominait, et les Pays-Bas méridionaux (actuels Belgique, Luxembourg et Nord-Pas-de-Calais), plutôt catholiques. Sur fond d’oppositions religieuses, les 7 provinces du Nord se rebellèrent et déclarèrent leur indépendance. En 1648, après 80 ans de combat, interrompu par une trêve de 12 ans, le Roi d’Espagne la reconnut, avec le traité de Münster, qui mit également fin à la guerre. Mais, revenons plus tôt dans le conflit, en 1629 précisément, quand Bois-le-Duc constituait un bastion fidèle au Roi d’Espagne, difficile à conquérir avec ses imposantes fortifications et défenses. Surtout, la ville comptait plusieurs marécages qui l’entouraient et lui donnaient la réputation d’être imprenable. D’ailleurs, en 1601 et 1603, Maurice de Nassau, leader des indépendantistes néerlandais, s’y étaient cassés les dents par deux fois. La ville gagna le surnom de moerasdraak (dragon des marais). Son demi-frère, Frédéric-Henri d’Orange-Nassau, entama un nouveau siège en Avril 1629 avec d’importants moyens humains et techniques (il fit assécher les marais en détournant le lit de deux rivières, l’Aa et le Dommel). Après 5 mois de siège, la ville céda enfin, perdant alors son surnom, et cette victoire porta un coup fatal aux positions espagnols dans le Nord du pays. Aujourd’hui, sur la place Stationsplein, la plus célèbre fontaine de la ville représente un dragon en or, au sommet d’une colonne, et aux pieds de cette dernières 4 dragons crachant de l’eau. Cela pourrait être une allusion à ce surnom tout comme le surnom et l’écusson du club.

L’origine des couleurs bleu et blanche est méconnue. Le club fut fondé en 1965, par la fusion de deux rivaux de la ville, RKVV Wilhelmina (1897) et BVV (1906), afin de constituer un club capable de rivaliser en première division. Wilhelmina évoluait en jaune et noir, tandis que le BVV affichait du rouge et du noir. Peut-être que dans un esprit de conciliation, le bleu et le blanc furent choisis pour créer une nouvelle identité, héritée d’aucun de ses prédécesseurs.

#1139 – NK Domžale : Ravbarji

Le surnom est souvent traduit par les brigands, les voleurs. Il est vrai qu’en Slovène le terme signifie des voleurs. Mais, pour l’origine du surnom du club de Domžale, il faut avant tout se reporter à une famille noble célèbre de la ville, dont le nom signifie voleur. A Gorjuša, près de la ville de Domžale, se trouve le chateau de Krumperk. Des sources mentionnent un manoir dès 1338 qui fut la possession de la famille Krumperk, puis de la famille Rusbach, qui le vendit enfin au Zellenperger au XVème siècle. A la fin du XVIème siècle, la famille Zellenperger s’éteignit et le château passa par héritage à la maison Ravbar (Rauber en Allemand). Originaire de Kravjek en Carinthie vers 1400, cette dernière famille s’appelait à l’origine Engelšalk. En l’échange de cadeaux et de services rendus au prince de Carinthie, ils auraient eut droit à piller et voler. Voler se disant rauben en allemand, cela leur resta comme nom. Aux XVème et XVIème siècles, elle comptait parmi les familles les plus remarquables de Slovénie et ses membres reçurent le titre de baron en 1516.

L’un des personnages illustres de la famille fut le Baron Adam Ravbar. Vers 1580, il fit des travaux et donna au manoir sa conception et son style renaissance actuel. En 1590, le baron fut élu commandant de la cavalerie de Carniole, une des régions historiques de la Slovénie actuel. A cette époque, les ottomans occupaient déjà depuis un siècle les Balkans et la Bosnie et leurs incursions dans les régions adjacentes (Croatie, Slovénie, Autriche) étaient fréquentes. En 1593, l’armée ottomane conquit plusieurs territoires et se présentait devant la ville de Sisak en Croatie qui constituait le dernier obstacle à la prise de Zagreb, et surtout à l’invasion de l’Europe centrale et occidentale. Adam Ravbar partit au combat avec 200 cavaliers du Duché de Carniole et se joignit aux troupes croates, de Carinthie, d’Autriche et de Styrie. Le 22 juin 1593, les troupes ottomanes, au nombre de près de 20 000 soldats, subirent une sévère défaite à Sisak et leur chef, Beylerbey Telli Hasan Pacha, y mourut. Adam Ravbar s’illustra comme un fin stratège et un ardent combattant durant cette bataille. Depuis, héros légendaire et national, il est loué dans une chanson folklorique slovène et représente une fierté de la ville de Domžale.

#1112 – UD Almería : los Rojiblancos

Les blanc et rouge. Si, par des choix erronés et contestables, l’arbitre a désavantagé Almería en offrant au Real une victoire imméritée ce week-end à Bernabéu, le choix de porter des maillots rayés rouge et blanc, similaires à ceux du rival madrilène de l’Atlético Madrid, n’en est pas la raison. Les couleurs d’Almería ne s’inspirèrent pas des clubs anglais comme pour l’Atlético et Bilbao (cf #43 et #9) et remontent à une époque plus ancienne que l’invention du football.

En effet, le club a tout simplement repris les deux couleurs de la bannière de la ville et de la province (la dernière étant une copie de la première) et qui se retrouvent également dans les armoiries. Il s’agit d’une croix de Saint Georges (donc rouge sur fond blanc), qui n’est autre que le drapeau de l’Angleterre. Mais, une fois de plus, pas de lien avec le pays de Charles III. En 1147, les musulmans Almoravides occupaient la région d’Almería depuis des siècles. Outre les croisades vers Jérusalem et la Palestine, les Chrétiens s’étaient également donnés pour mission de chasser les musulmans d’Espagne. Le Roi de León et Castille, puis à compter de 1135, Imperator totius Hispaniæ (empereur de toutes les Espagnes), Alphonse VII décida de reprendre Almería et monta une expédition avec l’aide du Roi de Pampelune García V de Navarre, du Prince d’Aragon et Comte de Barcelone Raimond-Bérenger IV, du seigneur de Montpellier Guillaume VI, des chevaliers du Temple de Castille et d’Aragon ainsi qu’avec le soutien naval décisif des républiques de Pise et de Gênes. Les troupes génoises, composées de près de 200 navires, débarquèrent sur une des plages de Cabo de Gata et y campèrent dans cette baie pendant au moins deux mois jusqu’à l’attaque de la ville. La plage prit le nom de Playa de los Genoveses (Plage des Génois) et le drapeau de Gênes flotte désormais comme bannière de la ville et de la province.

La Croix de Saint Georges est un dérivé de l’étendard papale, le Vexillum Sancti Petri. Cette croix fut cousu sur les vêtements des chevaliers partant en croisade (pour certain en rouge, car cette couleur représentait la passion du Christ). Certains des Etats européens participant aux croisades adoptèrent alors la croix. Ce fut le cas de la République des Gênes qui prit la croix de Saint-Georges comme drapeau. Qui inspira donc à son tour, un territoire d’une autre croisade.

#1094 – Hartlepool United FC : the Monkey Hangers

Les pendeurs de singe. Ce surnom apparaît peu flatteur et il est vrai qu’il fut au départ utilisé pour se moquer des habitants de la ville et en conséquence des supporteurs du club de la ville. Et comme souvent, les locaux se sont appropriés ce sobriquet pour en faire un élément de différenciation, d’identité. Il en faut pour ce club, certes plus que centenaire (1908) et ayant adopté le statut professionnel dès sa fondation, qui ne jouit pas ni d’une grande aura, ni d’un palmarès.

La légende remonte au XIXème siècle, lors des guerres napoléoniennes. A cette époque de forte rivalité entre la perfide Albion et l’Empire Français, les britanniques craignaient une invasion française et l’opinion publique était très préoccupée par la possibilité d’infiltrations d’espions français. Il s’avéra qu’un bateau français (certainement un navire marchand) qui luttait contre les éléments coula au large d’Hartlepool. Le seul survivant était un singe vêtu d’un uniforme militaire (probablement pour divertir les marins). Malheureusement, l’inculture des habitants de la cité anglaise était telle qu’ils s’imaginèrent que l’animal était un espion français. Pour les excuser, il est souvent raconter qu’à l’époque, les journaux britanniques peignaient les français comme des créatures ressemblant à des singes avec des queues et des griffes. Un procès s’improvisa et la peine capitale (la mort) fut déclarée à l’encontre du singe. Le mât d’un bateau de pêche constitua la potence et le singe fut pendu. Malheureusement, il se peut que le singe fusse un enfant. Sur les bateaux, le terme powder-monkey (singe à poudre) était couramment utilisé pour désigner les enfants employés sur les navires de guerre pour amorcer les canons avec de la poudre à canon.

Cette image de pendeur de singe est nettement répandue dans la culture populaire et les références sont nombreuses dans les chansons, films, bandes dessinés et romans britanniques (et même parfois étrangers). La première chanson mentionnant cette légende, « The Monkey Song », remonte au XIXème siècle et était interprétée par l’artiste comique Ned Corvan. Les statuts de singes se multiplièrent également dans la cité. Au niveau sportif, 2 des six clubs de rugby de la ville utilisent des variantes du singe dans leurs symboles. Le club de Hartlepool United capitalisa également sur cette histoire en créant une mascotte appelée « H’Angus the Monkey » en 1999. Enfin, de manière inattendue, Stuart Drummond, qui fit campagne vêtu du costume de H’Angus et en utilisant le slogan électoral « free bananas for schoolchildren » (bananes gratuites pour les écoliers), fut élu Maire en 2002.

#1089 – Brescia Calcio : Leonessa

La lionne. Le vocabulaire animalier sied bien au club lombard puisque le premier surnom expliqué était rondinelle (qui signifie les petites hirondelles – cf #325). Cette fois, nous changeons de dimension en passant à la femelle du roi des animaux. Pourtant, sur l’écusson du club, il s’agit bien d’un lion qui trône depuis le premier blason établi en 1965 (sa crinière est visible). D’où vient cette divergence de genre ?

Le blason du club s’inspire directement des armoiries de la cité qui se décrivent comme « d’argent au lion d’azur, armé, langue et queue de gueule ». Le lion rampant est le symbole de la commune de Brescia depuis au moins le XIIème siècle. Mais, la genèse des armoiries de Brescia est encore inconnue en raison de l’absence de sources et de témoignages fiables. Une chose est sure : même si la commune de Brescia fut durant près de 4 siècles (de 1404 à 1797) intégrée à la république de Venise, son lion rampant ne provient pas des armes de Venise (le fameux lion de St Marc). Sa plus vieille représentation connue apparaît dans une sculpture de la Porta Romana de Milan datant de 1171 (il s’agissait de la principale porte d’entrée de la ville détruite en 1793). La frise du chapiteau montre des soldats de plusieurs villes lombarde dont Brescia en route vers Milan pour reconstruire la ville détruite par l’empereur Frédéric Barberousse en 1167. Le capitaine représentant Brescia porte sur son écu le lion rampant. Une autre représentation se trouve également à Milan sur l’arche funéraire d’Azzone Visconti (Brescia était alors sous domination de la famille Visconti) datant de 1343. Des statues représentant les villes lombardes sous l’influence des Visconti et tenant un bouclier y sont sculptées. Celle de Brescia se présente avec un lion rampant.

Il s’agit donc bien d’un lion sur les armes de la ville et pourtant la commune de Brescia est connue dans toute l’Italie comme la Leonessa d’Italia (lionne d’Italie), tous les italiens ayant appris dans leur jeunesse les vers d’un poème qui désignèrent la ville ainsi. Ces vers concluent la pièce poétique « Alla Vittoria » (A la victoire) de Giosuè Carducci, chantre du Risorgimento (période de l’unité italienne au XIXème siècle), composée en 1877 et partie intégrante de sa grande oeuvre « Odi barbare » (Odes barbares) :

Lieta del fato Brescia raccolsemi, / Heureuse du destin, Brescia me rassemble,
Brescia la forte, Brescia la ferrea, / Brescia la forte, Brescia le fer,
Brescia leonessa d’Italia / Brescia la lionne de l’Italie
beverata nel sangue nemico / ivre du sang de l’ennemi

Ces vers soulignaient le soulèvement et la résistance de la ville durant la période connue sous le nom des Dieci giornate di Brescia (Dix jours de Brescia). Dans le contexte des affrontements entre l’armée piémontaise et les troupes autrichiennes, du 23 mars au 1er avril 1849, les citoyens de Brescia se révoltèrent contre l’oppression autrichienne en résistant vaillamment aux bombardements et aux attaques des forces des Habsbourg. La révolte fut finalement violement réprimée (plus d’un millier de victimes). Malgré la défaite, la fierté manifestée par les insurgés dans les combats valut à la ville de Brescia la médaille d’or en 1899. Un autre poète, 20 ans avant Carducci, avait attribué ce surnom à Brescia suite à cette évènement : Aleardo Aleardi dans son poème « Canti patrii » publié en 1857.

D’un de’ tuoi monti fertili di spade, / De l’une de vos montagnes fertiles en épées,
Niobe guerriera de le mie contrade, / Niobé guerrière de mes terres,
Leonessa d’Italia, / Lionne d’Italie
Brescia grande e infelice / Brescia grande et malheureuse

L’héroïsme et le sacrifice de la population de Brescia, porté au nue par ces vers, contribuèrent à construire une identité italienne qui en était à ses balbutiement dans la seconde moitié du XIXème siècle.

#1083 – AO Xanthi : Ακρίτες

Les Akrites, gardiens des frontières à l’époque byzantine. Xhanti se situe dans la région administrative de Macédoine-Orientale-et-Thrace, dans le Nord-Est de la Grèce. Après avoir été habité par les peuples Thrace qui en firent un Royaume, la Thrace, région historique, traversa les siècles en étant disputée parmi plusieurs nations (Grèce, Bulgarie, Byzantin, Ottoman …). Aujourd’hui, la région se divise entre la Bulgarie (Thrace du Nord), la Grèce (Thrace occidentale) et la Turquie (Thrace orientale). Cette histoire et situation ont naturellement conduit la province à constituer la frontière entre différents Etats.

L’Empire Byzantin poursuivit la politique romaine aux frontières en délégant sa sécurité à des troupes constituées de militaires et de paysans locaux. En l’échange de terres et d’exonération d’impôts et de taxes, ses gardes-frontières protégeaient l’Empire des invasions barbares et tucs. Sous l’Empire Romain, ils prenaient le nom Limitanei (soldats des frontières) et, sous l’Empire Byzantin, ils se dénommèrent Akrites. Ils se trouvaient particulièrement sur les frontières orientales de l’Empire, à lutter contre les Turcs Seldjoukides, qui à cette époque s’étaient déjà développés dans les pays d’Asie Mineur. Régulièrement soumis aux attaques des Turcs et des Sarrasins, les Akrites passaient leur vie à cultiver et se battre. En cas de raid, leur rôle était de donner l’alarme, aider à l’évacuation de la population vers les différents bastions, et suivre et harceler les ennemies jusqu’à l’arrivée des renforts. Ceci contribua à leur forger une réputation auprès des populations de héros équivalents aux chevaliers occidentaux, entretenues par des poèmes et chansons épiques dédiées. Ecrits en grec médiéval, ces derniers, qui célébraient les exploits et la bravoure des Akrites, auraient émergé dans l’Empire Byzantin probablement vers le IXème siècle. Un poème en particulier connut une certaine renommée : Digénis Akritas (Διγενής Ακρίτας).

Au XIXème siècle, afin d’entretenir l’élan nationaliste d’une Grèce sous le joug ottoman, les mouvements indépendantistes furent à la recherche de héros pouvant contribuer à un récit national. Les Akrites répondaient à tous les critères et devinrent une source d’inspiration. Aujourd’hui, les Grecs continuent d’appeler les habitants de la Grèce qui vivent près de la frontière, Akrites, comme un vestige du passé. Mais, au delà de la situation géographique de Xanthi, le club se trouve surtout à la frontière du dépôt de bilan depuis que ses différents propriétaires successifs connurent des démêlés judiciaires.

#1017 – FC Metz : le Club à la Croix de Lorraine

Le club lorrain n’a pas résisté aux sirènes du marketing en modernisant ses symboles afin de vendre toujours plus de merchandising. Depuis 1967, le Graoully, un dragon qui résidait dans l’arène de l’amphithéâtre de Metz, côtoyait sur les armes du club la croix de Lorraine. Mais, en 2015, l’animal mythique disparaissait du maillot grenat. Puis, en 2021, il est achevé en abandonnant l’écusson du club où seul désormais la croix de Lorraine apparaît. Alors, vous me direz « Une croix de Lorraine pour un club Lorrain, rien d’anormal !« . Et pourtant, ce n’est pas aussi simple.

La croix de Lorraine se compose d’une barre croisée de deux traverses (dont l’une est plus courte que l’autre). Elle représenterait la vrai croix sur laquelle le Christ a été crucifié. La seconde traverse qui enrichit le classique symbole chrétien de la croix latine qui figure l’écriteau surmontant le Christ et sur lequel était inscrit « INRI » (Iesvs Nazarenvs, Rex Ivdæorvm signifiant « Jésus le Nazaréen, roi des Judéens »). Malgré son nom, elle ne provient pas de Lorraine mais d’Anjou. Au IVème siècle, l’impératrice Hélène, mère de Constantin, premier empereur romain chrétien, fondateur de l’Empire d’Orient, découvrit prétendument les restes de la Vraie Croix. Au travers des âges, une partie de cette relique se retrouva dans le Duché d’Anjou (à l’abbaye de la Boissière puis chez les Jacobins d’Angers et enfin dans la chapelle des Incurables de l’hospice de Baugé). Louis Ier d’Anjou fit broder ce symbole sur sa bannière et créa un ordre de chevalerie, « l’Ordre de la Croix d’Anjou », dont le blason était une croix à double traverse. Cette croix se retrouva également sur les armes du Royaume de Hongrie dès le XIIème siècle puis lorsque ce Royaume intégra le Royaume d’Anjou-Sicile suite à un marriage, il fit définitivement son apparition sur les armes de cette dernière maison. Enfin, René Ier, petit-fils de Louis Ier d’Anjou et héritier de Louis Ier de Hongrie, régna sur le duché de Bar puis sur le duché de Lorraine à partir de 1431. Il intégra alors la croix de Lorraine sur l’aigle qui supportait les armes du Duché de Lorraine. Puis, lors de la bataille de Nancy de janvier 1477, les soldats du duc René II, issu de la famille d’Anjou-Sicile, arborait pour la première fois sur leur habits une croix d’Anjou afin de se différencier des troupes de Charles le Téméraire, duc de Bourgogne, qui avaient pour étendard la croix de Saint André. Ces derniers furent défaits et depuis cette victoire du duc de Lorraine sur le duc de Bourgogne, la croix devint un emblème du duché et finalement de cette région sous le nom de croix de Lorraine.

Lors de la Second Guerre Mondiale, la France Libre adopta le 2 juillet 1940 à la proue de ses bâtiments de guerre et de commerce un pavillon carré bleu orné en son centre de la croix de Lorraine et pour les avions, une cocarde à croix de Lorraine. Comme pour René Ier face à son ennemie bourguignon, l’objectif de l’Amiral Muselier, qui proposa ce choix au Général de Gaulle, était d’opposer ce symbole à la croix gammée des Nazis. Il est possible que la croix de Lorraine fut choisit car l’Amiral Muselier était d’origine lorraine et que les armes du 507ème régiment de chars de combat que commandait le colonel de Gaulle en 1937-1939 comportaient une croix de Lorraine. La 2ème DB arbora une croix de Lorraine inscrite dans la carte de France. Certains mouvements de résistants adoptèrent également cette croix. La croix de Lorraine devint finalement le symbole des Forces françaises libres (FFL) et, après la guerre, le symbole de la France qui s’opposa à l’Allemagne Nazi.

A la fin de la Seconde Guerre Mondiale, quelques anciens du FC Metz tentèrent de ranimer le club alors qu’ils manquaient de tout (maillots, ballons, chaussures, filets …). Début 1945, le FC Metz commença à affronter des équipes françaises (Blénod, Equipe de France B …) en compétition ou en amical. Ces premiers matchs amicaux avaient une haute portée symbolique puisqu’ils marquaient le retour de la Moselle au sein du territoire français, Metz ayant été libéré le 22 Novembre 1944. Pour renforcer la symbolique, le FC Metz fut autorisé à porter sur son maillot la croix de Lorraine, symbole de la résistance et de la France libre. Elle apparaît pour la première fois le 19 mars 1945 à l’occasion d’un match contre une sélection de l’armée française (victoire de Metz 3 buts à 0). Le président du club, Raymond Herlory, déclara après le match « Comme vous pouvez le penser, les difficultés de mise en route sont nombreuses et certaines insurmontables pour le moment. J’ai foi dans l’avenir et dès maintenant je peux vous assurer que dans le prochain championnat de France, le FC Metz se trouvera à nouveau parmi l’élite du football français, et portera dans tous les coins de France l’insigne symbolique de la foi, notre belle Croix de Lorraine. Car, désormais, ce sera l’emblème du FC Metz« . Désormais, le FC Metz est le seul club autorisé à porter la croix de Lorraine.

#1010 – HNK Rijeka : Riječki Bijeli

Les blancs de Rijeka. Les joueurs du club croate évoluent avec un maillot blanc, qui présente également quelques parements bleu ciel. Ces deux couleurs du club s’installèrent dès sa fondation en 1946 mais les raisons de ce choix ne sont pas formellement identifiées. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les autorités communistes yougoslaves banissèrent tous les anciennes formations sportives d’avant guerre qui n’avaient pas d’origine prolétariennes. Or, la ville de Rijeka, depuis 1926, était représentée par le club de football Unione Sportiva Fiumana, qui résultait de la fusion de deux associations historiques et rivales de la ville, Olympia et Gloria. Cette fusion avait été dictée par le dictateur italien Mussolini, qui après avoir annexé en 1924 la région de Rijeka, exigea que la ville créât une équipe de football forte qui la représenterait au niveau national. Avec un tel historique, l’US Fiumana (qui portait en outre le nom italien de la cité) ne pouvait pas survivre après la guerre à la lessiveuse communiste. Ainsi, sur les ruines de l’US Fiumana (8 de ses joueurs rejoindront notamment le nouveau club), le Sportsko društvo Kvarner naquit. Etant donné l’histoire italienne de Rijeka et du bilinguisme locale, le nom du club était également Socetà sportiva Quarnero.

Pour les couleurs, le club ne reprit pas celles du drapeau de la ville, rouge-jaune-bleu, car ce fut celles de l’Unione Sportiva Fiumana. En outre, les patriotes socialistes croates s’opposèrent à ce symbole tricolore qu’ils considéraient comme anti-croate et impopulaire. Ces couleurs avaient été choisies lorsque la cité possédait une certaine autonomie au sein de l’Empire Austro-Hongrois. Or, pour ces socialistes, Rijeka et sa région étaient croates et non autonomes. Néanmoins, en 1945, avec la défaite de l’Italie, la propriété de Rijeka redevenait un enjeu international. Comptant dans sa population des croates, des italiens, des slovènes et des allemands, la cité fut déchirée, au fil des siècles, entre différents Empires et Nations. Le 4 mai 1945, la ville fut prise par les troupes yougoslaves de Tito qui réussit l’annexion définitive à la Yougoslavie suite au traité de Paris le 10 février 1947. Durant ces deux ans, alors que l’incertitude régnait, le choix du blanc, couleur neutre, pouvait signifier la neutralité du club dans ces débats, la paix après des années de guerre et un symbole d’espoir et de nouveau départ pour le club nouvellement créé.

D’autres pensent qu’il faut chercher du côté du CS Olimpia, l’un des clubs prédécesseurs. A ses débuts, Olimpia évoluait en noir et blanc et après 10 ans d’existence, opta pour un maillot intégralement blanc. Mais, ce lien est fragile et pourquoi les couleurs d’Olimpia et pas de Gloria (jaune, noir et rouge) ? En 2021, l’équipementier du club, Joma, proposa un maillot qui reprenait les couleurs des différents clubs prédécesseurs ainsi que l’année 1906 dans le dos (supposant donc que la création du club remontait au début du XXème siècle et non à 1946). Cette initiative fut très mal reçue par les supporteurs du club.

#993 – CD Coronel Bolognesi : Bolo, el Coronel

Diminutifs du nom du club. Colonel Bolognesi, drôle de nom pour un club de la ville de Tacna mais qui s’explique par l’histoire de la province du même nom. Située à l’extrême sud du Pérou, Tacna est l’un des 25 départements qui composent le pays et est bordé à l’Est par la Bolivie et au Sud-Est par le Chili. Cette proximité avec d’autres pays rendit la région disputée. Entre 1879 et 1884, un conflit opposa d’un côté le Chili et de l’autre une coalition réunissant la Bolivie et le Pérou. Si la séparation entre le Chili et la Bolivie était un héritage des colonies espagnoles, la région minière et frontalière du désert d’Atacama était fortement disputée. Le Chili avait des ambitions expansionnistes qui s’étaient déjà exprimées par le passé. En 1879, suite à des décisions fiscales de la Bolivie, le Chili annexa la ville bolivienne d’Antofagasta. Le 1er Mars, la Bolivie, avec comme allié le Pérou, déclara la guerre au Chili. La guerre, dénommée « guerre du Pacifique », prit fin le 20 octobre 1883 par la victoire du Chili qui récupéra plusieurs territoires qui appartenaient au Pérou, dont la région de Tacna. Durant près de 50 ans, ces territoires perdus furent administrés et incorporés au Chili. Puis, sous l’égide des USA, une solution pacifique fut trouvée pour permettre la restitution de ces régions au Pérou entre 1925 et 1929.

Ainsi, le 28 août 1929, Tacna réintégra la nation péruvienne. A peine quelques mois après, le 18 octobre 1929, un groupe d’avocats et d’hommes d’affaires dont Fausto Gallirgos et Manuel Chepote, se réunirent pour fonder un club de football. Evidemment, dans ce contexte de retour dans le giron péruvien, les fondateurs souhaitaient au travers de leur association exprimer leur amour du pays, enfin retrouvé. Fausto Gallirgos proposa de prendre pour nom du club celui d’un héros national, qui défendit le pays pendant la guerre du Pacifique, Francisco Bolognesi. Francisco Bolognesi, né à Lima le 4 novembre 1816, était un soldat péruvien, ayant le grade de colonel. Après avoir fréquenté le séminaire et tenté une aventure entrepreneuriale, il débuta sa carrière militaire en 1853, en commandant en second un régiment de cavalerie. Il participa aux grands affrontements et batailles qui constituèrent les étapes de la construction du Pérou moderne comme la guerre civile (1856-1858) et la guerre péruano-équatorienne (1858-1860). Mais, son principal fait d’armes demeura ses combats lors de la guerre du Pacifique. Ainsi, il participa activement aux actions contre les forces chiliennes lors les batailles de San Francisco et de Tarapacá. Lors de cette dernière bataille, il combattit 10 heures durant bien qu’il avait une très forte fièvre. Enfin, le 3 avril 1880, Francisco Bolognesi prit le commandement du port d’Arica, assiégé par les forces chiliennes du général Manuel Baquedano. Il fit face avec ses hommes à des forces chiliennes bien supérieures en nombre et en puissance et promit alors de combattre « hasta quemar el último cartucho » (jusqu’à que la dernière cartouche soit brulée). Jetant toutes ses forces et malgré une bataille acharnée, Bolognesi mourut au combat et la ville tomba aux mains de l’armée chilienne. Son corps repose dans la crypte des héros de la guerre du Pacifique dans le cimetière Presbítero Maestro. En 1905, une statue en son hommage fut érigé à Lima. En 1951, il fut déclaré patron de l’armée du Pérou et élevé au rang de grand maréchal du Pérou en 1989. Face à une telle aura, gagné notamment pendant la guerre qui scella le sort de la région de Tacna, la proposition de Fausto Gallirgos fut immédiatement acceptée.