#648 – SC Preußen Münster : die Adler, die Adlerträger

Les aigles, les porteurs de l’Aigle. 1871, la France de Napoléon III venait de s’effondrer face à la Confédération de l’Allemagne du Nord (qui réunissait 22 Etats du Saint Empire). La Prusse, avec son ministre-président Otto von Bismarck, dominait cette confédération qui était l’une des ultimes étapes vers l’unification de l’Allemagne. Depuis l’effondrement de l’Empire Romain d’Occident, la future Allemagne était constituée de nombreux Etats indépendants réunis dans le Saint-Empire romain germanique. A partir de 1850, le développement économique de ces Etats les poussait vers l’unification, soutenus également par les révolutions politiques européennes de 1848. La Prusse était alors le royaume le plus vaste et le plus puissant, notamment militairement, ce qui conduisit en 1849 le parlement de Francfort à offrir le titre de kaiser (empereur) au roi de Prusse Frédéric-Guillaume IV. Ce dernier refusa pour diverses raisons mais l’unification était en route sous l’impulsion et l’aura de la Prusse. A partir de 1862 et sa nomination en tant que président-ministre de Prusse, Otto von Bismarck devint l’architecte de l’unification. Les guerres face à l’Autriche (1866) puis la France (1870) permirent de fédérer les Etats derrière la Prusse. Ces deux pays défaits, l’Empire Allemand put être proclamé le 18 janvier 1871 dans la galerie des Glaces du château de Versailles, avec Guillaume Ier de Prusse à sa tête. Un peu plus de trente ans plus tard, le nationalisme allemand était encore bien présents, le nouvel Empire se construisant économiquement et politiquement dans l’affrontement avec la France et l’Empire britannique.

Ce fut dans ce contexte que les clubs sportifs allemands (principalement en gymnastique et en football) naquirent au sein des collèges. Les étudiants, emprunts de romantisme et de nationalisme allemand, donnèrent souvent des noms à leurs nouvelles associations en lien avec l’histoire allemande et en particulier la Prusse : Borussia qui signifie Prusse en latin (à Dortmund, Mönchengladbach et un club de Berlin), Preussen qui signifie prusse en allemand (à Hamm et à Berlin), Germania nom latin de l’Allemagne (à Berlin, Brême, Francfort, Mühlhausen, Mannheim et Braunschweig), Arminia, en rapport avec le chef barbare Arminus, présenté comme un héros national (à Bielefeld), Alemannia pour le peuple germanique qui donna son nom à l’Allemagne (à Aix-la-Chapelle), Teutonia détivé du peuple germanique Teuton, parfois synonyme d’Allemagne (pour un club de Berlin), Deutsche Fahne qui signifiait Drapeau Allemand (à Dortmund), et Deutscher, Allemand en allemand (à Hannovre) Ainsi, le 30 avril 1906, le club fut fondé sous le nom de FC Preußen Münster par des étudiants du collège Johann-Conrad-Schlaun. Ces derniers reprirent également les couleurs du royaume de Prusse, le noir et le blanc (auquel le vert fut ajouté) et surtout son emblème, l’Aigle, qui trône depuis sur l’écusson du club et donc sur le maillot des joueurs.

La Prusse vit le jour à partir de la conquête des terres sur la Pologne par les chevaliers teutoniques. Puis, la famille noble des Hohenzollern conquit et unifia terre après terre les régions brandebourgeoises et prussiennes pour fonder le Royaume de Prusse au début du XVIIIème siècle. Les armes de la Prusse reprirent les couleurs de cette famille, noir et blanc, ainsi que l’aigle monocéphale. Ce symbole fut transmis alors à l’Empire Allemand de 1871. Mais, l’oiseau était aussi un symbole du Saint-Empire romain germanique. Lorsque Charlemagne devint souverain de l’Empire d’Occident en l’an 800, il souhaita son titre comme un transfert de l’Empire Romain (selon l’idée de la Translatio imperii). Les armes du Saint-Empire poursuivit cette idée. Ces dernières représentant un aigle noir sur fond jaune devint attestées vers 1250, la « Chronica maiora » , un livre historique du moine bénédictin anglais, Matthieu Paris, attribuant un Reichsadler (l’aigle impérial) à deux têtes à l’Empereur Otto IV. Ce symbolisme était une reprise des attributs de l’Empire Romain. Depuis la nuit des temps, l’aigle était considéré comme un messager des dieux. Dans la mythologie, il symbolisait Zeus pour les grecs, Jupiter pour les Romains et Odin pour les Teutons. En plus de l’éternité divine, il représentait également le courage et la force, d’où l’apparition de l’oiseau sur les bannières militaires. Ainsi, l’aigle s’imposa sur l’étendard des légions romaines entre 104 et 102 av. J.-C. par la volonté de Caius Marius, dont la remise de l’Aquila était une distinction honorifique.