#1099 – AFC Leopards : Ingwe

Les léopards en langue Luyia. Au Kenya, le football est dominé par deux équipes, Gor Mahia et Leopard, chacune étant le représentant d’une des principales ethnies du pays, respectivement les Luo (11%-13% de la population) qui vivent principalement dans la province de Nyanza, au sud-ouest du pays sur les bords du lac Victoria et les Luyia (14%-15%), établie dans la Province de l’Ouest, au nord du Lac Victoria. Ces deux clubs furent créés pour offrir des possibilités de socialisation et pour forger les identités ethniques des groupes luhya et Luo dans la capitale, Nairobi. A sa création le 12 Mars 1964, peu après l’indépendance du pays (12 Décembre 1963), le club prit le nom de Abaluhya United, Abaluhya étant une autre dénomination anglaise des luyia. Puis, en 1973, après l’assimilation de plusieurs petits clubs, il devint Abaluhya FC. En 1980, le président kenyan, Daniel arap Moi, décida de détribaliser le nom des clubs kenyans afin de développer l’unité nationale. En effet, cette division tribale des clubs football nuisait à la performance sportive (les joueurs ne pouvaient pas changer de club s’il n’appartenait pas à l’ethnie du club) et encourager les rivalités internes aux pays. Ainsi, Abaluhya FC changea de nom pour AFC Leopards. Le « A » signifiait toujours Abaluhya mais le nom principal devint l’animal endémique du pays.

Dans ses parcs naturels, le Kenya compte en effet de nombreuses girafes (plus de 30 000) mais surtout un big five connu mondialement (lion, éléphant, rhinocéros, buffle et donc léopard) qui font le bonheur du pays et des touristes. Mais, le léopard est également un animal-totem sacré du peuple Luyia. Un dicton luyia dit « omwami kafwile ingwe yasalile » (une personne importante est morte, le léopard a accouché). Pour ce peuple, la mort d’une personne importante serait marquée par les dieux en provoquant l’accouchement d’un léopard dans la nature. Pour de nombreux peuples luyia, l’animal symbolise le courage, la noblesse et l’honneur. Un poème « Nise Ingwe » (Je suis un léopard) rappelle que le léopard est invincible, car même provoqué, il demeure calme, sans-pitié et méticuleux. Ainsi, il est interdit de tuer des léopards et ces peuples sont censés préserver son habitat et environnement. Le fait de prendre le léopard comme nom et emblème était un moyen de contourner le décret présidentiel. Car, le peuple Luyia, qui est apparu à compter des années 1940 et qui est composé de plus de 800 clans et 18 dialectes, ne connait l’unité et le succès qu’à travers son équipe de football et il était donc difficile de perdre ce marqueur fort de leur identité qu’est le club de football.

#727 – Gor Mahia FC : Sirkal

Le gouvernement en langue Luo. Le Kenya n’a pas une grande notoriété, ni popularité dans le football mondial comme africain. Pour les français, on peut se souvenir de l’attaquant Denis Oliech qui évolua au FC Nantes et à l’AJ Auxerre ou encore du milieu Victor Wanyama qui joua pour Southampton et Tottenham en Premier League. Sur le plan continental, une équipe du pays émergea et réalisa quelques belles épopées voire à remporter un titre africain. Il s’agit du Gor Mahia FC. En 1979, Gor Mahia représentait le Kenya à la Coupe d’Afrique des vainqueurs de Coupe. Il élimina tour à tour les Nsambya Old Timers FC d’Ouganda, Kadiogo FC du Burkina Faso et en demi-finale, les guinéens d’Horoya FC, club réputé sur la scène continentale. En finale, le club kenyan affronta les redoutables camerounais du Canon de Yaoundé (déjà deux fois vainqueurs de la Coupe des clubs Champions en 1971 et 1978, également finaliste de la Coupe des vainqueurs de Coupe en 1977).

Pour se préparer au match aller de la finale, l’équipe se mit au vert dans la ville de Limuru où elle s’entraina pendant près d’une semaine. Premier club du pays à atteindre la finale d’une coupe africaine, l’ambiance montait dans la ville et des foules immenses venaient regarder les joueurs s’entraîner. La veille du match, l’équipe se déplaça en bus dans la ville. Entouré de plusieurs véhicules et d’une escorte policière, le bus se frayait un chemin parmi le trafic tandis que les habitaient se massèrent le long de la route pour saluer les joueurs et admirer le convoi. Certains fans couraient partout pour régler la circulation et dégager la voie de circulation pour le bus. Cette émulation et liesse populaire donnaient un magnifique spectacle et rappelaient également les déplacements du président de la république ou de toute délégation gouvernementale importante. Par cette agitation et l’importance du convoi, les fans avaient élevé l’équipe au rang gouvernemental. Malheureusement, l’équipe s’inclina lourdement (2-0 au match aller puis 6-0 au retour). Il fallut attendre 1987 pour que Gor Mahia atteignît une nouvelle finale et remportât le premier titre continental pour une équipe kenyane (Coupe des vainqueurs de Coupe).

Ce sentiment politique pour l’équipe est renforcé par le fait qu’il représente l’ethnie Luo, une des principales du pays (près de 11% à 13% de la population). Or, cette dernière fut régulièrement au pouvoir depuis l’indépendance du Kenya en 1963.