#994 – AS Monaco : le Club Princier

Monaco a un statut à part (je ne rentrerai pas dans les considérations fiscales). En effet, Monaco est un état indépendant de la France mais il possède une équipe qui évolue dans le championnat de France. Ce type de curiosité n’est pas unique en Europe. Derry City, club nord-irlandais, affilié à la fédération de la République d’Irlande. Les gallois de Swansea et Cardiff City évoluent également dans les championnats anglais. A l’inverse, les anglais du Berwick Rangers participe au championnat écossais. Cette particularité ne se limite pas aux anglo-saxons. En Espagne, Andorra FC joue en seconde division. Sept clubs du Liechtenstein (dont le FC Vaduz) et un club amateur allemand (FC Büsingen) évoluent dans les ligues Suisses.

Dès sa création en 1924, l’AS Monaco, qui est un club et non l’équipe nationale de Monaco, fut affilié à la Fédération Française de Football et fit ses débuts en première division française lors de la saison 1953-1954. Ce lien footballistique avec la France s’explique par les relations étroites entre la Principauté et la République Française. Enclavée dans le territoire français, la cité-Etat de la French Riviera est indépendante de la France depuis 1489 mais en était devenu un protectorat à compter du XVIIème siècle. A la fin de la Première Guerre Mondiale, un traité franco-monégasque était signé et établissait que Monaco devait s’aligner sur les intérêts politiques, militaires et économiques de la France. En outre, Union douanière, utilisation du Français, monnaie commune, code civile basée sur le code napoléonien … l’influence française sur la vie monégasque est forte.

Il n’en demeure pas moins que Monaco est un Etat indépendant et une principauté. La famille Grimaldi, par son ancêtre François Grimaldi dit Malizia, mit le grapin sur le rocher en janvier 1297. Au fil des ans, le Saint Empire Romain Germanique, le Royaume Espagnol et le Royaume de France reconnaitront la souveraineté de Monaco tout en faisant un protectorat. Etant donné sa faible étendue (à peine 24 km2 dans ses temps les plus forts) et son lien de vassalité avec d’autres royaumes, Monaco ne pouvait alors qu’être une principauté et son suzerain, un prince. Le club représentant la principauté et étant même détenu par elle (à hauteur du tiers du capital aujourd’hui), il est devenue le club princier.

#985 – ADO La Haye : de Residentieclub

Le club de la résidence. Pour un français, vivant dans un Etat jacobin où Paris concentre l’ensemble des pouvoirs, l’organisation administrative des Pays-Bas peut lui apparaître baroque. L’article 32 de la Constitution du Royaume des Pays-Bas établit que la capitale est Amsterdam. Pourtant, l’ensemble des institutions gouvernementales — exécutives, législatives et judiciaires — siègent à La Haye. D’un côté, Amsterdam est dans les faits le centre économique et culturel des Pays-Bas, abritant la Bourse d’Amsterdam (AEX) et le siège de grandes entreprises (AkzoNobel, Heineken, ING, Ahold …). De l’autre côté, La Haye constitue le centre de la politique néerlandaise, acceuillant le gouvernement et le parlement néerlandais ainsi que la résidence de la famille royale néerlandaise.

L’actuelle cité existe depuis 1230, lorsque le comte Floris IV de Hollande fit construire un modeste château, qui lui servait de résidence de chasse. Cette résidence, dénommée Ridderzaal, fut agrandie par son fils Guillaume II, roi des Romains (ie roi du Saint Empire romain germanique entre 1248 et 1256), ce qui donna du lustre à la ville. Par la suite, La Haye devint le centre administratif des Comtes de Hollande, avec la résidence du Comte. Ce statut fut confirmé avec les Ducs de Bourgogne et les Habsbourg. À partir de 1585, après avoir déclarée son indépendance dans la cité (Acte de La Haye), la République des Sept Provinces-Unies des Pays-Bas (Provinces-Unies) poursuivit cette pratique. La Haye était alors le lieu où se trouvait la plus haute instance gouvernementale, les États généraux (une assemblée des 7 provinces qui prenaient des décisions communes concernant les politiques militaires et navales ainsi que la diplomatie) ainsi que la cour du Stathouder (un des représentants des Provinces-Unies). Même si La Haye ne devint officiellement une ville qu’en 1806, son rôle politique était alors établi et se transmit jusqu’à nos jours, au travers de son complexe bâtimentaire, le Binnenhof.

Le Binnenhof abrite aujourd’hui notamment les deux chambres du Parlement (Sénat et Etats Généraux), les bureaux du Premier ministre (dans le bâtiment nommé Torentje), le ministère des Affaires générales ainsi que le Conseil d’Etat, la plus haute autorité administrative. Le Ridderzaal s’y trouve aussi, où le Roi des Pays-Bas prononce son discours annuel. A côté de ces instances politiques, la vie royale s’organise aussi à La Haye. Après avoir constitué la résidence royale entre 1817 à 1940, le Palais Noordeinde, également connu sous le nom de Het Oude Hof (La Vieille Cour), est le palais de travail du roi des Pays-Bas depuis 1984. Enfin, le palais de Huis ten Bosch (Maison au Bois) est la résidence principale du roi des Pays-Bas. D’où, en abritant la résidence royale, La Haye a hérité du surnom De Residentie (la résidence).

En plus d’être le centre politique nationale, La Haye compte au niveau international. En 1899 et en 1907, la ville accueillit deux conférences de paix. Aujourd’hui, elle abrite plus de 100 organisations internationales dont la Cour Pénale Internationale, la Cour Internationale de Justice, la Cour d’Arbitrage International, Europol, Eurojust …

#974 – CA Chacarita Juniors : Tricolor

Le tricolor. Surnom qui n’a rien d’étonnant étant donné que les joueurs du club arborent un maillot avec 3 couleurs, rouge, noir et blanc. Précisément, il s’agit d’une tunique rayée de ces 3 couleurs. Le dessinateur et écrivain argentin, Roberto Fontanarrosa, passionné de football et supporteur de Rosario Central, exprimait dans son livre référence sur le football argentin « No te vayas campeón » son amour pour le maillot de Chacarita « Qué linda es la camiseta de Chacarita. Es más, si algún día me hacen uno de esos tontos reportajes llamados “ping-pong”, cuando me pregunten por “una camiseta”, diré: “La de Chacarita”. Es la que más me gusta (…) la de Chacarita tiene, si se quiere, un toque de sofisticación, de ingenio. Y yo creo que ese toque reside en esa línea finita, blanca, que se ha colado entre las rojas y las negras, más anchas y prepotentes. Esa línea delgada y blanca aporta un trazo de distinción, brinda luz, relieve, cierto brillo. » (Qu’elle est belle la chemise de Chacarita. D’ailleurs, si un jour ils font un de ces interviews « ping-pong » à la con, quand ils me demanderont « une chemise », je dirai : « Celle de Chacarita ». C’est celle que j’aime le plus (…) Chacarita’s a, si vous voulez, une touche de sophistication, d’ingéniosité. Et je pense que cette touche réside dans cette fine ligne blanche, qui s’est glissée entre les lignes rouge et noire, plus larges et plus imposantes. Cette fine ligne blanche apporte une touche de distinction, de lumière, de relief, un certain éclat.).

La tradition raconte que ces couleurs faisaient référence à leurs origines. Le club fut fondé le jour de la fête du travail, le 1er mai 1906, par une bande d’amis, dans les bureaux de la section 17 du Parti Socialiste local. Dans ce quartier populaire, les membres étaient tous proches des idées socialistes d’où le choix du rouge. Le noir pourrait laisser penser à une autre tendance politique de gauche, l’anarchisme de la puissante Federación Obrera Regional Argentina (Fédération Ouvrière Régionale Argentine – FORA), rattachée à la Première Internationale. Mais, il est plus communément admis que le noir représenterait le cimetière qui rythme la vie du quartier de Chacarita depuis le XIXème siècle et demeure l’un des plus grands du monde (cf. #855). Enfin, le blanc signifierait la pureté qui caractérise la jeunesse, le lien avec le terme « junior » dans le nom du club.

Toutefois, initialement, le club n’évolua pas dans ces couleurs devenues traditionnelles. Tout débuta avec un maillot bleu ciel avec une bande blanche horizontale sur la poitrine. Mais, à partir de 1911, certains des joueurs désertèrent vers d’autres clubs voisins et la section football perdit de sa splendeur. En 1919, une nouvelle direction décida de donner une nouvelle impulsion avec une « refondation » . Cette renaissance serait passée par le nouveau maillot tricolore. Toutefois, aucun document ou témoignage permet de prouver les raisons de ce changement, ni de le dater. D’ailleurs, l’acte de refondation ne mentionnait ni les couleurs ni les maillots.

Avant même le maillot bleu ciel, selon l’un des fondateurs, José Manuel Lema, le premier équipement porté par l’équipe consistait en une veste blanche avec un petit bouclier en guise de poche et était un cadeau de la sœur d’un des membres, Alfredo Palacios. Le 18 avril 1907, le journal « La Argentina » publiait un article qui décrivait le maillot du club comme rouge et blanc accompagné d’un pantalon blanc. Le 2 mai 1908, le journal « El Mundo » rapportait un changement de tenue avec une chemise rayée verte et blanche ainsi qu’un short bleu marine. Le 9 août 1922, le journal « La República » mentionnait un match entre Chacarita Juniors et Vida y Acción où le club évoluait avec une tenue bleue. Finalement, le fameux tricolore serait apparu en 1924. Le 12 avril de cette année, une publication de « Última hora » annonçait que Chacarita changeait ses couleurs. Selon le journal, Chacarita Juniors s’était fourni auprès d’une entreprise européenne après que les dirigeants de l’institution décidèrent ce changement afin de se distinguer des nombreux clubs qui portaient du bleu. Ces 3 couleurs proviendraient d’un maillot porté par l’un des acteurs de la refondation, Nicodemo Perticone. Selon son fils, le tissu de ce maillot aurait été offert à la mère de Nicodemo par une autre immigrée d’origine arabe sur le bateau qui les emmenaient vers l’Argentine. Mais, le tissu étant trop coloré pour la mode de l’époque, la mère de Nicodemo aurait confectionné un maillot pour que son fils pût jouer au football. Nicolás Caputo, un autre pionner de la refondation, fut séduit par les couleurs originales du maillot de son compère et les proposa à la direction.

#877 – CA Colón : los Rojinegros

Les rouge et noir. Il s’agit évidemment des deux couleurs du club. Mais, comme il y a deux couleurs, il existe deux versions quand aux choix de ces teintes. Une histoire a pris le pas sur l’autre en étant quasi-officielle. Elle est d’ailleurs racontée par le club sur son site internet. En 1905, un groupe d’ami fonda le club du CA Colón et jouait des partis de football face à d’autres clubs de leur quartier près du port, sur un champs dénommé « el Campito » . Les membres décidèrent d’uniformiser leur équipement et lancèrent une collecte pour les acheter. Ils retinrent les couleurs noires et rouges d’une péniche qui se trouvait non loin de leur terrain de jeu pour leur nouveau maillot, avec une exigence particulière. Ils indiquèrent que le maillot devait se partager en deux parties (à la façon du célèbre maillot de Blackburn) : le rouge à gauche et le noir à droite. La commande fut passée à un fabriquant de la ville « voisine » de Rosario. Toutefois, la surprise fut grande quand à la réception des kits, les membres se rendirent compte que les couleurs étaient inversées : rouge à droite, noir à gauche. L’autre surprise pour le club de Santa Fe fut de découvrir qu’une équipe de Rosario possédait le même maillot, Newell’s Old Boys (cf. Article #340). Il était impossible pour les deux clubs d’évoluer avec le même maillot en particulier s’il devait s’affronter lors d’un match. En 1911, les deux clubs décidèrent de jouer un match pour déterminer laquelle des deux équipes conserverait le maillot et ses couleurs. Le match fut remporté par Colón (1-0), mais Newell’s ne respecta pas l’accord et aujourd’hui, les deux clubs portent le même maillot.

L’autre version beaucoup moins connue avance qu’au sein du groupe des fondateurs, certains voulaient un maillot comme celui de Newell’s (qui avait été fondé deux ans auparavant) et les autres préféraient prendre les couleurs, rouges et blanches, qui étaient celles de l’Union civique radicale (un parti argentin de centre gauche). Entre la fin du XIXème siècle et le début du XXème siècle, ce parti participa à de nombreux soulèvements, notamment à celui de 1905 qui fut l’un des plus importants de l’époque et qui se déroula à Santa Fe en particulier. Pour régler le choix du maillot, les fondateurs organisèrent un match opposant les deux camps et dont le vainqueur pourrait décider la proposition retenue. Vous vous en doutez le camp du rouge et noir l’emporta.

Le club joue donc depuis ses débuts avec ce maillot rouge à droite et noir à gauche sauf lors de deux saisons. En 1974 et lors du championnat 1984-1985, les deux couleurs furent inversées, comme si le club avait tenté de coller à la première version. Mais, après tant d’habitude, les fans n’étaient pas prêts pour ce changement et le club revint toujours à son design originel.

#852 – Wisła Cracovie : Psy

Les chiens. Ce surnom ne réfère pas à un gentil caniche ou un affectueux toutou. Il s’agit plutôt d’une insulte inventée et scandée par les fans adverses à l’attention des supporteurs du Wisła. Car, les rivalités footballistiques en Pologne demeurent malheureusement conflictuels. Le hooliganisme dans les stades est enraciné et tenace, transformant les chants en couplets d’insultes et les tribunes en champs de bataille. Cracovie n’échappe pas aux mouvements avec ces deux clubs historiques qui s’affrontent pour la suprématie sportive sur la cité : le Wisła et le KS Cracovie. Lors des derbys, appelé la guerre sainte, les affrontements entre supporteurs sont nombreux et se règlent à coup de batte de baseball et de couteau, avec malheureusement des décès. Cette hostilité ouverte s’est diffusée dans les surnoms qui deviennent haineux. Ainsi, le « chien » qui caractérise les fans du Wisła a une connotation négative, rebondissant à la fois sur l’histoire du club et sur l’imagerie populaire.

Créé vers 1906 par un professeur et ses étudiants, le club se trouve, depuis l’époque communiste, attaché à la milice (Milicja Obywatelska – Milice Citoyenne). A partir de 1944 jusqu’en 1990, cette force professionnelle (elle n’était pas constituée de citoyens volontaires comme le mot milice aurait pu le laisser supposer) assuraient les missions de police et notamment de police politique (via sa branche dénommée ZOMO). Je n’ai pas retrouvé les conditions exactes de rattachement du club à la Milice Citoyenne mais selon certains, comme le club comptait de nombreux supporteurs et que l’autre grand club polonais, le Legia Varsovie, dépendait déjà de l’Armée Polonaise, la Milice aurait forcé la main des dirigeants du club pour se soumettre. Or, dépendre de la police n’était pas bien vu et donner lieu à du mépris. En effet, la détermination de la Milice à défendre le gouvernement communiste et à réprimer toute opposition, en commettant des exactions, conduisit à une image déplorable et sa détestation par la population. Pour les adversaires, le club représente donc encore cet appareil de la terreur communiste. Une légende colporte que le souhait de la Milice d’intégrer le club dans son giron avait pour objectif de recruter parmi ses nombreux supporteurs de nouveaux collaborateurs dévoués et bénévoles. D’où ses supporteurs gardent l’image de suppôts au service de cette autorité. Or travailler pour cette police secrète était un acte de traitrise pour la population.

Le chien, animal utilisé par les forces de l’ordre (et donc la Milice), devint donc son symbole. Mais, cette représentation ne mettait pas en avant les qualités de l’animal (fidélité, force …). Il est né dans le vocabulaire des criminels, qui se transposât dans l’argot polonais. Le sens dégradant donnait à l’animal provient du fait que, comme le cochon, dans l’imagerie populaire, le chien, notamment errant, représente un statut inférieur, inspire la répugnance et le mépris. Le transfert de cette symbolique insultante envers l’homme est connu dans de nombreuses cultures : l’homme est dégradé au rang du pire animal pour signifier son absence de toute valeur (notamment morale) et caractériser un comportement indigne (ne dit-on pas en français « sale chien ! »).

Comme vous pouvez le voir, ce surnom exprime la haine et le mépris envers le Wisła mais ses supporteurs le retournèrent aussi en leur faveur. Car ce qui catalyse la haine et la fureur de l’adversaire mérite d’être transformé en une forme capable de susciter sa terreur. Il n’est donc pas rare de voir les fans du Wisła faire vibrer des tifos arborant des chiens, mais cette fois, forts et féroces (aux crocs acérés ou bavant ie ayant la rage).

#841 – ASCK : les Chauffeurs

Le surnom des conducteurs est également utilisé. Le club de la ville de Kara située au nord du pays est devenu un acteur majeur du football togolais depuis ces dernières années. Fondé en 1997, il a longtemps stagné en seconde division avant d’atteindre en 2017 l’élite togolaise. Alors qu’il disputait seulement sa 2ème saison en première division en 2019, il remporta le titre de champion. Pour ne pas bouder ce plaisir, l’équipe réalisa même le doublé cette année-là. Mais, cette rapidité à conquérir les titres ne mena pas à ce surnom. En réalité, tout est lié à la naissance du club. Passionné de football, un jeune membre du syndicat des conducteurs (transport en commun, taxi …) de la région de Kara créa un club de football, afin de renforcer les liens entre les jeunes qui constituent le syndicat. Le club prit le nom d’Association Sportive des Chauffeurs de la Kozah (ASCK). Pari réussit 20 ans plus tard et même au delà. Le club est populaire aussi bien parmi les membres du syndicat que les différentes couches de la cité.

#831 – Engen Santos FC : the People’s Team

L’équipe du peuple. Malgré un championnat d’Afrique du Sud remporté en 2002, ce n’est pas son palmarès qui a rendu le club populaire. D’autant que la compétition est rude dans la ville du Cap qui compte d’autres clubs dans les premiers échelons des ligues sud-africaines (Cape Town Spurs, Cape Town City, Cape Town All Stars …). Fondé en 1982 à Heideveld, banlieue du Cap, le club gagna sa notoriété en étant ouvert à toutes les communautés, sans distinction de race ou de religion. Cela paraît anodin mais dans le contexte de l’Apartheid, ceci constitua un affront à la politique ségrégationniste d’Etat.

Introduit par les colons anglais, le football fut considéré comme le sport du peuple noir par les autorités politiques blanches du pays, ces dernières privilégiant le cricket et le rugby. Mais, cette « préférence » ne devait pas pour autant conduire à mélanger les différentes communautés dans la pratique du football. Avant même l’établissement de l’Apartheid, le pays était déjà divisé entre ses différentes composantes (blancs, noirs, indiens, métis). Résultat, chaque communauté créa sa propre fédération de football : FASA (blanc en 1892), SAIFA (indien en 1903), SABFA (noir en 1933) et SACFA (métis en 1936). Chacune avait ses propres équipes qui pouvaient s’affronter mais les équipes blanches demeuraient plutôt à l’écart des autres fédérations. A partir de l’établissement de l’Apartheid en 1948, la séparation s’institutionalisa dans la vie publique et s’imposa définitivement dans le football : blanc d’un côté et les autres (en particulier les noirs) de l’autre côté.

En 1951, les africains, les métis et les indiens se réunirent au sein d’une seule fédération (SASF) pour s’opposer à l’apartheid dans le sport. Mais, ce fut surtout l’expulsion des équipes et des instances sportives africaines des compétitions et organisations internationales (à compter de 1961 pour le football) qui aida à affaiblir cette politique de ségrégation. Les entailles aux discriminations se succédèrent à compter des années 1970. En 1974 et 1975, des compétitions nationales (Embassy Multinational Series et Chevrolet Champion of Champions) opposaient des clubs noirs et blancs les uns contre les autres. Leurs succès d’audience confirmèrent la popularité du football mixte. En 1976, le gouvernement autorisa une équipe sud-africaine composée de joueurs blancs et noirs à jouer contre l’Argentine en visite à Johannesburg. Même si dans les tribunes, les deux communautés étaient toujours séparées, cette première équipe mixte remporta le match sur le score de 5 buts à 0. En 1976, l’équipe d’Arcadia Shepherds, membre du championnat de football sud-africain réservé aux équipes composées de joueurs blancs (NFL), intégra pour la première fois un joueur africain. Deux ans plus tard, cette même ligue s’effondra du fait de sa faiblesse face aux autres championnats tels que le NPSL, réservé aux africains. Résultat, naquit en 1978 une nouvelle ligue non-raciale où se côtoyaient des équipes composées d’africains et des équipes composées de blanc (qui pouvaient inclure jusqu’à 3 joueurs noirs). Dans les années 1980, le football était devenu un lieu d’expression politique dans le pays. Les rassemblements politiques de toute nature étant interdits, les matchs de football étaient la couverture parfaite pour les réunions des dirigeants de l’ANC. Ce fut dans ce contexte qu’apparût Santos FC qui s’affranchissait de toutes les barrières raciales. Evidemment, ce choix ne plut pas et le club connut des débuts tourmentés avec des problèmes financiers, des obstacles politiques, des fraudes et vols. Cette politique non-raciale et les difficultés liées lui permit de gagner rapidement en popularité au sein de toutes les communautés et le surnom d’équipe du peuple.

#830 – Real Republicans FC : Osagyefo’s Own Club

Le club de Osagyefo (chef victorieux). Ce club ghanéen connut une brève existence de 1961 à 1966 mais, pourtant, il fut le fer de lance du football ghanéen et l’icone de la vision politique du président du pays, Kwame Nkrumah. Remontons en 1957, année où la Gold Coast, nom colonial du Ghana, obtint son indépendance de l’emprise britannique. L’un des leaders qui permit ce résultat était Kwame Nkrumah qui devint logiquement président du pays en 1960. Mais, l’indépendance du Ghana, premier Etat subsaharien à l’obtenir, n’était qu’une étape dans l’ambition de Kwame Nkrumah. En effet, conscient de la faiblesse du nouvel état, morcelé entre différentes ethnies, face aux grandes puissances, Kwame Nkrumah milita pour une vision transfrontalière de l’ensemble du continent africain (panafricanisme). Son Ghana se devait à la fois de s’élever au-delà de ses différents peuples mais également devenir l’élément fédérateur d’une Afrique unie et solidaire. Le sport apparaissait comme un catalyseur pour promouvoir cet objectif. En particulier, Nkrumah considérait le football africain indépendant comme un symbole de la libération du continent de la domination coloniale et la démonstration de l’unité africaine. Kwame Nkrumah fit donc de l’équipe nationale du Ghana le porte-voix du continent africain.

Sur le plan local, Kwame Nkrumah et son ministre des sports, Ohene Djan, œuvrèrent pour fonder un nouveau « super » club pour renforcer le sentiment nationaliste. Pour cela, ce club, qui fut nommé Real Republicans (inspiré par le grand Real Madrid), se devait de représenter l’ensemble du Ghana et donc ne pas être rattaché à une ethnie particulière (comme les autres associations sportives du pays). Pour faciliter l’identification de tous les ghanéens, quelque soit leur région d’origine, avec le nouveau club, la direction avait la bénédiction du gouvernement pour piller les autres équipes (choix de deux joueurs dans chacune des autres équipes du championnat) pour constituer la sienne et naturellement elle ne se priva pas de prendre les meilleurs (d’autant plus que ces recrutés ne pouvaient pas refuser l’offre sous peine de représailles par le gouvernement). Ainsi favorisé par Kwame Nkrumah qui se faisait appeler Osagyefo, le Real Republicans se vit affublé de ce surnom qui devint même le second nom du club.

Les résultats ne se firent pas attendre avec un titre de champion en 1963 et 4 coupes du pays d’affilée (de 1962 à 1965). Les athlètes du club étaient traités comme des rois et avaient un accès illimité au président. Mais, ces privilèges accordés au Real Republicans traduisaient aussi la dérive autoritaire de Kwame Nkrumah dans l’exercice du pouvoir (arrestation des opposants, censure de la presse, contrôle de la justice, culte de la personnalité). Tant au niveau politique que sportif la colère monta contre Kwame Nkrumah (les clubs historiques dépouillés chaque année de leurs meilleurs éléments menacèrent régulièrement de boycotter le championnat). Résultat, le 24 février 1966, alors en voyage en Chine, Kwame Nkrumah fut renversé par un coup d’état militaire qui ne rencontra aucune résistance. Totalement identifié à son créateur et supporteur, le Real Republicans fut immédiatement dissout après le renversement de Kwame Nkrumah.

#827 – FK Dinamo Tirana : Dinamovitët

Le surnom est dérivé du célèbre nom du club (dans les anciens pays de l’Est). Pendant la Seconde Guerre Mondiale, la résistance albanaise à l’occupation italienne puis allemande était tombée sous la coupe des communistes et son leader Enver Hoxha. Résultat, en 1946, les communistes prirent définitivement le pouvoir et instaurèrent la république populaire d’Albanie. Comme dans les autres pays du bloc de l’Est, le gouvernement copia l’organisation et les structures du grande frère soviétique pour rapidement affirmer leur pouvoir. Ceci passa par la main mise des grandes administrations et syndicats sur les mouvements sportifs et culturels. En 1950, le Ministère de l’Intérieur fonda donc son club de sport, dans le cadre de l’association sportive Dynamo. Ce dernier regroupait dans les pays de l’Est les associations sportives des membres et fonctionnaires des affaires intérieures et des organes de sécurité de l’État (principalement la police judiciaire et politique). La structure Dynamo fut créée en Russie le 18 avril 1923. Le choix du nom Dynamo s’expliquerait selon l’écrivain Maxim Gorky, membre honoraire de l’association ainsi : « Греческое слово «дина» значит сила, «динамика» — движение, а «динамит» — взрывчатое вещество. «Динамо» — это сила в движении, призванная взорвать и разрушить в прах и пыль всё старое, гнилое, все, что затрудняет рост нового, разумного, чистого и светлого — рост пролетарской социалистической культуры » (Le mot grec « dina » signifie force, « dynamique » signifie mouvement et « dynamite » signifie explosif. « Dynamo » est une force en mouvement, appelée à faire exploser et à réduire en cendres et en poussière tout ce qui est vieux, pourri, tout ce qui entrave la croissance du nouveau, raisonnable, propre et brillant – la croissance de la culture socialiste prolétarienne). L’idée était que les forces de police n’œuvraient pas contre le peuple mais par leur action repressive visait à protéger l’ordre nouveau et luttait contre les ennemies du peuple. Le slogan de l’association sportive fut donc « Сила — в движении » (la force en mouvement).

Le club albanais s’installa rapidement comme une pierre angulaire du football albanais, remportant déjà quatre championnats consécutifs rapidement après sa naissance (de 1950 à 1953). Par la suite, le club partagea avec le Partizani les trophées albanais jusqu’à la chute du régime communiste (15 titres de champions et 12 Coupes nationales). Mais, le communisme albanais qui rompit avec l’URSS en 1956 afin de ne pas se « déstaliniser » fut l’un des régimes les plus durs et fermés du bloc de l’Est, avec une police politique, Sigurimi, particulièrement repressive. En 1995, afin de laisser derrière eux ce lourd passé, certains estimèrent qu’il fallait changer de nom qui apparaissait comme un symbole négatif de cette époque (comme le Dynamo Zagreb avait pu le faire deux ans auparavant en devenant le Croatia Zagreb). Ainsi, le nouveau nom, KS Olimpik Tirana, était plus consensuel en se référant à l’esprit olympique. Mais, finalement, dans de nombreux pays de l’ancien bloc de l’Est, la quasi-totalité des clubs dont le nom se rattachait aux structures des régimes communistes tels que Lokomotiv (Ministère des Transports), CSKA (armée) et Spartak (Coopérative de production), ne changèrent pas de nom, estimant que celui-ci faisait parti de l’histoire du club, dépassant les liens avec l’autoritaire communisme. Et malgré la rattachement à la police, qui au vue de son action sous ces dictatures avait une mauvaise image, ce fut aussi le cas pour les Dynamo tels que le Dynamo Dresde, Dynamo Moscou, Dynamo Kiev, Dinamo Bucarest ou Dinamo Tbilissi. Finalement, deux ans plus tard, la direction du club de Tirana décida de revenir à l’ancien nom. Cette attachement des supporteurs à leur histoire s’est encore manifesté dernièrement quand le club modifia son écusson. Les fans ne cessèrent jamais de réclamer le retour du logo original de leur club de cœur et obtinrent gain de cause cette année.

#825 – Neftchi PFK Bakou : Neftçilər

Les pétroliers. Tiré du nom du club qui lui même dérive du terme azéri neft qui signifie pétrole. Le club naquit le 18 mars 1937 de la volonté des ouvriers des compagnies pétrolières situées à Bakou. Les fondateurs relièrent le club avec leur métier avec de nombreux symboles. Le plus évident fut le choix du nom du club нефтяник (à l’époque en russe, l’Azerbaïdjan étant une république soviétique) qui signifiait « pétrolier ». Puis, le blason du club incorpora un derrick, ouvrage le plus visible des puits de forage (encore dans l’écusson aujourd’hui), avec en arrière plan un H, première lettre du nom du club. Enfin, l’équipe évolua dans un maillot noir et blanc, dont la couleur noire rappelait évidemment l’or noir. Le club fut intégré au syndicat des ouvriers du pétrole sous l’égide du Ministère Soviétique de l’Energie. Ce lien avec l’activité pétrolière n’a jamais cessé malgré l’effondrement du système soviétique. Aujourd’hui, Azərbaycan Respublikası Dövlət Neft Şirkəti (SOCAR), compagnie pétrolière détenue par l’Etat azéri, demeure toujours l’un des sponsors principaux de l’équipe.

Situé sur les rives de la Mer Caspienne, Bakou est une ville portuaire et une station balnéaire, dont la vue du soleil couchant est perturbée par les derricks et les plateformes pétrolières. En effet, les champs pétrolifères de Bakou constituent l’un des plus vieux centres de production de pétrole et de ses dérivés. L’exploitation industrielle de cette ressource débuta en 1871 avec Ivan Mirzoev et l’activité attira rapidement les frères Nobel (acquisition en 1873 d’une raffinerie pour 25 000 roubles) et les Rotchild. Mais, il semble que l’histoire d’amour entre le pétrole et la cité remonte encore plus loin. Marco Polo mentionnait déjà la présence de pétrole dans la région. Un puits de 35 mètres de profondeur, datant de 1594, selon une inscription, a été retrouvé près de Bakou. Au XVIIème siècle, le scientifique turc Evliya Çelebi rapporta que Bakou était entourée de 500 puits et cette description de la ville était également partagé par le voyageur allemand, Adam Olearius et le secrétaire de l’ambassade de Suède en Perse, Engelbert Kaempfer à la même époque. En 1813, le nombre de puits producteurs était de 116 et doubla quasiment en 1860. Toutefois, creusé souvent à la main, ces forages étaient peu profonds et la production était donc limitée. Mais, avec les machines et l’ingéniosité de la révolution industrielle, la production s’intensifia et à la fin du XIXème siècle, Bakou comptait déjà plus de 3 000 puits de pétrole. La cité représentait alors 95% de la production de l’Empire Russe, qui avait mis la main sur la région et était le premier producteur de pétrole mondial. En 1900, Bakou produisait 11 millions de tonnes par an de pétrole, soit 50 % de la production mondiale. Avant la Seconde Guerre mondiale, l’Azerbaïdjan produisait 23 millions de tonnes de pétrole brut par an et couvrait les trois quarts des besoins de l’Union Soviétique. En 1920, l’Institut polytechnique de Bakou fut créé, devenant la référence européenne et asiatique de la formation des scientifiques et des ingénieurs de l’industrie pétrolière. En 1947, débuta l’exploitation offshore. Le pays est devenu nettement dépendant de cet or noir, qui génèrent les deux tiers de ses revenus. Néanmoins, même si le sol regorge de pétrole et de gaz, d’autres champs apparurent en Asie Centrale (et ailleurs dans le monde évidemment) et les espoirs des compagnies pétrolières se sont progressivement déplacés vers le Kazakhstan. A fin 2020, l’Azerbaïdjan ne représentait plus que 0,4% des réserves mondiales de pétrole et en 2021, sa production s’élevait à 722 000 barils par jour, soit 1,2% de la production mondiale.