#371 – FC Steaua Bucarest : Militarii

Les militaires. A la fin de la Seconde Guerre Mondiale, l’armée roumaine sortit affaibli. D’une part, les pertes de ces 5 années de guerre étaient de près de 500 000 hommes (plus 200.000 prisonniers) et les effectifs en 1945 sont de 316 000 hommes, un tiers des troupes de 1944. D’autre part, dès 1944, l’Union Soviétique mit la main sur l’armée, effectuant une purge au niveau des officiers. Dans une structure militaire en reconstruction, l’activité sportive pouvait être à la fois un élément fédérateur et favorisant l’entretien physique des jeunes recrues. Ainsi, l’Inspection générale de l’armée créa une section « Art et Sports » qui organisait notamment des compétitions sportives internes à l’armée. Le succès des compétitions poussa un groupe d’officiers à faire plus. Sous l’égide du Ministère de la Guerre, il fut décidé de créer une structure unique à Bucarest puis, en cas de succès, de l’étendre au niveau national. Le 7 juin 1947, le général Mihai Lascăr signa l’arrêté portant création de l’Asociația Sportivă a Armatei (Association Sportive de l’Armée), club qui comportait huit disciplines: football, escrime, équitation, boxe, tir, volley-ball, athlétisme et tennis. Le football se développa et le club changea plusieurs fois de nom pour arriver au Steaua (Etoile) en 1961. Les militaires dirigèrent le club jusqu’en 1998, la section professionnelle se séparant alors de l’organisation militaire (le CSA Steaua). Le nom de Steaua ainsi que le blason furent concédés pour 20 ans à la nouvelle organisation sportive par l’armée. Mais, en 2011, le CSA Steaua poursuivit le club de football, exigeant l’annulation du logo enregistré par ce dernier. Après plusieurs décisions contradictoires, la justice roumaine se prononça en faveur de l’armée. L’équipe de football perdit les droits sur l’emblème et le nom hérité du précédent Steaua. Le CSA Steaua conserva l’ancien blason et rétablit une nouvelle équipe de football qui commença sa nouvelle histoire dans les ligues mineures de Bucarest. Quand à l’équipe professionnelle, elle créa alors un nouveau blason et changea de nom pour FCSB en avril 2017. Mais, toutes ces péripéties ne changèrent pas l’histoire de ce club, intimement lié à l’Armée.

#370 – Belenenses SAD : Torres de Belém

Les tours de Belém. Pour tout amateur de football portugais, Belenenses n’est pas un club inconnu. Club fondateur de la ligue portugaise et vainqueur du championnat en 1946, le club lisboète a tout de même sa petite renommée. Jusqu’en 1982, il faisait même parti du quatuor des Grandes, avec Porto, Benfica et le Sporting, car jusqu’à cette date, ces quatre clubs n’avaient jamais quitté la première division. Malheureusement, cette année-là, Belenenses fut rétrogradé. En 1999, comme beaucoup d’autres associations, le club créa sa Sociedade Anónima Desportiva (Société Anonyme Sportive) pour gérer l’équipe professionnelle, le reste des activités amateures demeurant en son sein. En 2012, aux prises avec des difficultés financières, le club amateur vendit 51% des parts de la SAD à un investisseur, Codecity, dirigé par Rui Pedro Soares. En parallèle de cette vente, un pacte d’actionnaires fut également signé dans lequel le club fondateur conservait certains droits (droit de veto sur certaines résolutions et droit de racheter, unilatéralement, les actions de la SAD à un prix et une échéance convenue). Toutefois, les relations entre le club, Codecity et les supporteurs se dégradèrent et cette situation conduisit Codecity à rompre le pacte d’actionnaires, acte validé par le Tribunal Arbitral du Sport en 2017. La SAD conserva ainsi le statut professionnel et changea de nom pour Belenenses SAD. Le nom, le palmarès comme le stade demeurèrent, suite à une nouvelle décision judiciaire, la propriété de l’équipe amateure, CF Os Belenenses (mais cette dernière redémarra au 6ème échelon nationale). Dénué de toute histoire et palmarès, le club professionnel se devait de créer un nouveau symbolisme pour enraciner le club et ne pas perdre ses fans. Comme Os Belenenses était un club de Belém, un quartier de Lisbonne, Belenenses SAD garda la référence à ce quartier en reprenant dans son nouveau blason un B majuscule, couronné d’un mâchicoulis, rappelant la Tour de Belém, monument emblème du quartier. En effet, sur les bords du Tage, se dresse depuis le XVIème siècle, cette tour de style manuélin qui avait pour vocation de défendre l’entrée maritime de la ville mais également servait de port pour les expéditions portugaises vers les nouveaux mondes. Symbole majestueux qui servait le destin du nouveau club.

#369 – Coritiba FC : Coxa-Branca

Les cuisses blanches. Au début du XXème siècle, les clubs sportifs brésiliens étaient souvent une association communautaire. A sa fondation en 1909, Coritiba regroupait alors la communauté allemande résidente de la ville de Curitiba. La ville se développa avec l’immigration européenne au XIXème siècle et les allemands furent les premiers à partir de 1833. Ils participèrent à l’industrialisation de la ville (sidérurgie, imprimeries), développèrent le commerce, introduisirent des changements dans l’architecture et propagèrent de nouvelles habitudes alimentaires. Aujourd’hui, la colonie allemande est la deuxième plus grande de l’Etat du Paraná. En tout cas, au début du siècle dernier, la communauté allemande était bien intégrée au sein de la municipalité comme au Brésil de manière générale. Toutefois, lors de la Seconde Guerre Mondiale, le Brésil s’engagea au côté des alliés. Les associations sportives allemandes et italiennes subirent alors la foudre des autorités comme des supporteurs des autres équipes. Par exemple, la Societá Sportiva Palestra Italia, fondé par les immigrants italiens, dut changer de nom pour devenir le Palmeiras. Pour Coritiba, en 1941, lors d’un Atletiba (le derby entre Coritiba et Atlético Paranaense), un joueur adverse, Jofre Cabral e Silva, décida de provoquer Hans Breyer, l’un des meilleurs joueurs de Coritiba. Comme Breyer était né en Allemagne (il vint au Brésil avec sa famille à l’âge de six ans), il lui déclara « Alemão, quinta coluna ! » (Allemand, 5ème colonne). Lorsqu’il se rendit compte que Breyer ne l’écoutait pas, Jofre Cabral e Silva accentua ses moqueries et cria « Coxa-Branca ! Coxa-Branca !« . Il faisait alors référence non pas au maillot blanc de Coritiba mais aux jambes du joueur de Coritiba. Les paroles de Jofre avait en effet un relent raciste puisque les joueurs de Coritiba qui étaient d’ascendance allemande étaient censés avoir une peau plus claire (blanche) que les autres. Malgré la provocation, Coritiba remporta le match 3 buts à 1. Toutefois, cette comparaison heurta les fans de Coritiba comme la direction du club, particulièrement dans le contexte de la Seconde Guerre Mondiale. Il blessa encore plus Breyer qui préféra arrêter sa carrière en 1944. Jusqu’à la fin des années 60, ce surnom demeura une insulte scandée par les adversaires de Coritiba. Puis, en 1969, lors de la célébration de la conquête du titre de l’Etat, les supporteurs de Coritiba choisirent comme cri de guerre « Coxa, Coxa, Coxa« . En effet, les fans se rendirent compte qu’il n’y avait aucune raison d’avoir honte des origines allemandes du club (la guerre était terminée depuis longtemps et l’influence allemande fut déterminante pour la croissance de la ville). L’expression perdit ainsi son caractère péjoratif, à tel point que les fans chantent aujourd’hui un hymne nommé « Coxa eu te amo ! » (Coxa je t’aime !). Le terme est même apposé sur la pierre tombale de Breyer.