#1168 – Trabzonspor FT : Karadeniz Fırtınası

La tempête de la Mer Noire. Au Nord-Est de la Turquie, se dresse la ville de Trabzon (historiquement connue sous le nom de Trébizonde), avec ses plus de 800 000 habitants. Baignée d’un côté par la Mer Noire et coincée de l’autre par la chaîne montagneuse des Alpes pontiques, Trabzon bénéficie d’un microclimat, typique de la région orientale de la Mer Noire. Il est marqué par des hivers plutôt doux (en moyenne 5°C), bien que les tombées de neige y soit régulières et des étés chauds (23°C) et humides. La période entre la fin de l’été et la fin de l’hiver peut-être tempétueuse avec des précipitations particulièrement abondantes (les 2/3 des précipitions annuelles se concentrent pendant cette saison). Le mois d’Octobre demeure celui qui enregistre le plus de pluie (110 mm). Le reste de l’année, quoique moins nombreux, les épisodes de pluie demeurent forts et parfois orageux. Classé par les climatologues comme subtropical humide, il est appelé climat pontique doux (l’ancien nom de la Mer Noire était Pont-Euxin, d’où l’adjectif pontique pour qualifier le littorale de la Mer Noire). Ainsi, ce microclimat bien connu dans la région où les violents orages ne sont pas rares a permis d’identifier le club (tempête de la Mer Noire).

Et ce climat colle bien aussi à l’histoire du club qui a su s’imposer dans le football turque longtemps atrophié à Istamboul. Trabzonspor fut la première équipe anatolienne à briser l’hégémonie des 3 clubs stambouliotes (Fenerbahçe, Galatasaray et Beşiktaş) en remportant le titre de champion de Turquie lors de la saison 1975-1976, après seulement sa deuxième saison au sein de l’élite. Il parvint même à le conserver l’année suivante (1976-1977). Pendant 10 saisons, Trabzonspor balaya tout sur son passage comme une tempête. Le club devint une place forte du football turque et se constitua un solide palmarès (4 nouveaux titres de champion en 1979, 1980, 1981 et 1984, vice-champion en 1978, 1982 et 1983, 3 coupes nationales en 1977, 1978 et 1984, 3 fois finalistes de la coupe en 1975, 1976 et 1985 ainsi que 6 Supercoupes de Turquie en 1976, 1977, 1978, 1979, 1980 et 1983). Vous lisez bien : entre 1976 et 1984, Trabzonspor était soit champion, soit vice champion et entre 1975 et 1978 il atteignait au moins la finale de la coupe.

#1138 – Manisa FK : Tarzan

Le personnage de l’écrivain américain Edgar Burroughs s’est installé en Turquie dans la ville de Manisa et inspira un surnom à l’ensemble des équipes sportives de la cité. Né en 1899 à Bagdad ou à Samarra, Ahmet bin Carlak rejoignit, après la Première Guerre mondiale, le rang des insurgés turques et combattit lors de la guerre d’indépendance à Antep, Smyrne et Kilis. Après la guerre, Carlak se fixa à Manisa, qui avait été dévastée par un incendie provoqué par l’armée grecque en retraite, et se fixa pour objectif de reboiser la région, plantant et cultivant à lui seul de nombreux arbres sur le mont Sipylos. Vivant comme un ermite sur le mont, son surnom était alors Hacı (le pélerin) et son apparence se modifia : il laissa pousser sa barbe et ses cheveux et s’habillait uniquement en short. Durant les 40 années suivantes, il habitait très modestement dans une petite cabane sur le mont qu’il appela Topkale (château du canon), en raison d’un vieux canon dont il se servait quotidiennement pour signaler midi en tirant un coup de feu. Il se rendait régulièrement dans la ville de Manisa et servit parfois comme pompier ou jardinier. En 1934, suite à la projection du film « La Vengeance de Tarzan », avec Johnny Weissmuller, les habitants de la ville identifièrent Carlak au héros de la jungle et le surnommèrent Manisa Tarzanı (Tarzan de Manisa) en raison de son apparence (barbe, cheveu long et torse nu) et son mode de vie rudimentaire sur le mont. Ecologiste, il se servit de sa notoriété pour défendre les forêts autours de Manisa. Après un périple dans les Monts Taurus, à son retour à Manisa, il se rendit compte que la municipalité avait abattu des arbres en son absence. Il eut un choc cardiaque qui le conduisit à l’hôpital et il décéda le 31 mai 1963. Le lendemain, le quotidien national, Hürriyet, titra « Manisa’nın Tarzan’ı öldü » (Le Tarzan de Manisa est mort).

La ville de Manisa rend hommage à Carlak. La semaine de l’environnement a été baptisée du nom de Manisa Tarzanı. A cette occasion, la municipalité décerne les « Prix Tarzan ». Une école primaire ainsi qu’un boulevard ont été nommés en l’honneur de Carlak. Dans le parc Fatih de Manisa, une statue représentant Carlak a été érigée. Enfin, à chaque anniversaire de sa mort, les autorités de Manisa le commémorent, l’honorant comme un précurseur de l’écologie turc.

#1095 – Karşıyaka SK : Kaf Sin Kaf

Vous avez peut-être remarqué que la phrase Kaf Sin Kaf présente les mêmes initiales que le nom du club Karşiyaka Spor Kulübü : KSK. Ce n’est évidemment pas un hasard et tout simplement, Kaf Sin Kaf, est la prononciation en turc ottoman (ou turc osmanlı ou turc ancien) des initiales KSK. Lorsque Mustafa Kemal dit Atatürk fonda la Turquie après l’effondrement de l’Empire Ottoman et suite à la guerre d’indépendance (1919-192), il entreprit une véritable révolution des institutions et redéfinit l’identité du pays : déplacement de la capitale à Ankara, abolition du sultanat et du califat, proclamation de la République, expulsion de l’ancienne famille impériale, droit de vote accordée aux femmes, encadrement ferme de la religion musulmane, laïcité constitutionnalisée, instauration du mariage civil, adoption des systèmes internationaux pour l’heure, le calendrier et les poids et mesures … La Turquie rentrait dans l’ère moderne. Cela passa aussi par une évolution de la langue. Dans l’Empire Ottoman, le turc ottoman constituait la langue officielle de l’Empire depuis la constitution de 1876. Basée sur l’alphabet arabe, cette langue reprenait de nombreux termes venant de l’arabe ou du persan. Mais, cette arabisation ne plaisait pas aux mouvements nationalistes turques au XIXème siècle qui souhaitaient purifier la langue de ces influences. Atatürk lança cette réforme linguistique en 1928, connu sous le nom de Harf Devrimi (révolution des signes), et fit adopter l’alphabet latin enrichi de 6 lettres (ç, ğ, ı, ö, ş et ü). L’idée était que l’alphabet latin était plus approprié à la structure de la langue turque et à sa phonétique que l’alphabet arabe (en raison du nombre de voyelles). Cette simplification permit de réduire l’analphabétisation dans le pays.

Si le club a pour surnom sa prononciation dans l’ancienne langue, c’est que sa fondation date de l’époque ottomane. En 1908, le football en Turquie était généralement pratiqué par des étrangers. Ainsi, les équipes d’Izmir (où se situe KSK) représentaient chacune une des communautés grec, arménienne et britanniques et elles dominaient la pratique sportive. Un jour, 6 jeunes de Karşıyaka s’abritèrent sous un olivier sous la pluie battante et décidèrent de créer leur propre club, représentant la communauté turque, en signe de rébellion contre la domination des autres minorités. Le 1er novembre 1912, le Karşıyaka Türk Mümarese-i Bedeniyye Terakki Kulübü, aujourd’hui connu sous le nom de Karşıyaka SK, fut fondé.

#1055 – Bursaspor : Yeşil Beyazlılar

Les vert et blanc. A la fin des années 1960, le football turc se structura en créant une première division (1959) et une seconde division (1963) professionnelles. Afin de se donner la chance de participer à cette nouvelle élite, dans de nombreuses villes, les différentes équipes, parfois rivales, unirent leurs forces pour créer une nouvelle puissance. Ainsi, le 1er juin 1963, les clubs de Acar İdman Yurdu, Akınspor, İstiklal, Pınarspor et Çelikspor s’unirent pour donner naissance à Bursaspor, avec cette volonté de porter haut les couleurs de la ville. Pour les symboles de cette nouvelle entité, le choix aurait pu soit de privilégier l’héritage d’un des prédécesseurs, soit de combiner un peu de chacun des 5 anciens clubs. La première option aurait léser les autres clubs et la deuxième aurait donné lieu à un maillot harlequin (Acar İdman Yurdu jouait en noir, Akınspor en rouge, İstiklal en jaune, Pınarspor en vert et Çelikspor en bleu marine). Ainsi, les fondateurs décidèrent de faire table rase du passé et puisèrent plutôt dans l’imagerie de Bursa.

Lorsque le choix des couleurs fut débattu, Şükrü Akmansoy, avocat de formation et président de Pınarspor, questionna les autres membres « Qu’est-ce qui vous vient à l’esprit en premier lorsque on vous parle de Bursa ? ». Les participants de la réunion proposèrent en premier le vert des parcs et des forêts. En effet, la cité est surnommée Yeşil Bursa (Bursa la verte), en référence aux nombreux parcs et espaces verts qui jalonnent l’agglomération ainsi qu’aux forêts environnantes. A cela, Akmansoy répondit « La neige blanche de notre célèbre Uludağ ne peut-elle pas être utilisée avec du vert ? ». Le vert et le blanc remportèrent alors l’adhésion enthousiaste de l’assemblée. Il faut rappeler que, outre les forêts avoisinantes, Bursa se situe aussi au Nord de la montagne Uludağ, qui culmine à 2 543 mètres d’altitude. En Hiver, Uludağ devient un des plus beau domaine skiable de Turquie, apprécié de la bourgeoisie stambouliote, qui séjournent alors à Bursa et se rend sur le site grâce à 2 téléphériques partant de Bursa.

#1005 – Kasımpaşa SK : Apaçiler

Les apaches. Certainement pas d’indiens dans ce quartier d’Istanbul qui accueille l’un des clubs les moins connus de la capitale turque malgré plus de 100 ans d’existence. Mais bien que son histoire soit longue, il semble que ce surnom soit d’une apparition récente et demeure encore moyennement utilisé. Il ferait référence à une réplique d’un western turque, « Yahşi Batı » (L’Ouest Magnifique), sorti en salle en 2010. Le film raconte les péripéties de deux fonctionnaires ottomans, dénommés Aziz Vefa et Lemi Galip, qui ont été envoyés en Amérique par le sultan dans le cadre d’une mission spéciale au XIXème siècle. Lors d’un voyage, leur diligence se fait d’abord attaqué par des hors la loi puis par des indiens. Alors que les indiens les dépouillent, Aziz Vefa, joué par l’acteur comique, Cem Yılmaz, propose à son collègue de les amadouer en déclarant « ya biz istanbul’dan geliyoruz kizilderililer içinder türk’tür […] kasımpaşa dan apaçi selim in selamı var desek » (Nous venons d’Istanbul. On dit que les Indiens sont des Turcs […] Si nous disions que l’Apache Selim de Kasımpaşa les salue). Connaître un turc apache pourrait-il le sortir d’un mauvais pas ? Mais, d’où un habitant du quartier de Kasımpaşa pourrait-il être un apache, cette tribu amérindienne, célèbre pour leur bravoure et leur chef Geronimo ?

La réponse pourrait venir d’une vieille légende que les nationalistes turques propagent depuis longtemps, les racines turques des Amérindiens. Deux thèses sont souvent présentées en Turquie pour rappeler la grandeur de la nation : la théorie de la « langue soleil » qui veut que la langue turque est à l’origine de toutes les langues du monde et la thèse née durant la révolution kémaliste dans les années 30 selon laquelle les peuples Turcs d’Asie Centrale, par leurs migrations, ont fondé les brillantes civilisations de l’Antiquité. Mustapha Kemal estimait effectivement que les Hongrois ou les Amérindiens étaient d’origine turques. Comme les premiers Amérindiens auraient migré de Sibérie en passant par le détroit de Beiring durant la période glaciaire (entre 20 000 et 10 000 av. J.C.), cette migration étayait cette théorie. Mustapha Kemal avait également envoyé l’historien Tahsin Mayatepek comme ambassadeur de Turquie au Mexique pour faire des recherches sur les origines turques des Mayas et aussi sur le mystérieux continent Mu, qui dessinait une parenté entre les cultures amérindiennes et celles du bassin méditerranéen, du Moyen-Orient ou de l’Inde. De même, se basant sur les travaux de linguistes européens dont le français Georges Dumézil, la langue andine, le Quechua, présente, selon les tenants de cette théorie, des similitudes avec le turc dont les mots ata (père) et ana (mère) par exemple. Ultra-nationaliste et ancien professeur de l’Université de Colombia, Reha Oğuz Türkkan contribua à populariser cette théorie des Amérindiens turcs grâce à son ouvrage « Kızılderililer ve Türkler » (Les Amérindiens et les Turcs, édité en 1999). Même si ces thèses peuvent apparaitre farfelues, elles animent les débats en Turquie et favorisent des correspondances entre les descendants des apaches et les jeunes turques.

#957 – Fatih Karagümrük SK : Fatih’in Torunları

Les descendants de Fatih. Au printemps 1926, deux clubs du quartier de Fatih à Istanbul (Acıçeşme Gençleri et Karagümrük Gençleri) fusionnèrent pour donner naissance au Karagümrük İdman Yurdu. C’est en 1985 que la direction décida d’adjoindre le nom de Fatih à celui du club. Mais, plus que le nom d’un district, Fatih, qui signifie le conquérant, se réfère à Mehmed II, dit le conquérant, septième sultan de l’Empire ottoman. Il fut le Sultan qui étendit l’Empire Ottoman jusqu’en Europe et asservit la Grèce pour des siècles. Mais, pour Mehmed II, cette expansion ne pouvait se faire qu’en possédant Istanbul, qui s’appelait Constantinople et demeurait la capitale de l’Empire Romain d’Orient. Mehmed II entreprit en Avril 1453 le siège de la ville. Il fallut à peine un mois aux armées de Mehmed II pour faire tomber la ville et l’Empire Byzantin. Le Sultan pénétra dans la ville dans l’après-midi du 29 mai 1453 par le quartier de Karagümrük, situé dans le district de Fatih. Istanbul devint alors capitale de l’Empire Ottoman et le quartier de Fatih un haut lieu. Environ 10 ans après la conquête, Mehmed II ordonna la construction d’une mosquée et de son complexe en lieu et place de l’Église des Saints-Apôtres de Constantinople qui avait été démolie. L’ensemble se nomma d’après le nom du Sultan. Erigée entre 1462 et 1469, cette mosquée fut le premier projet monumental de Mehmed II et qui allait établir le style architectural ottoman. La mosquée accueille aussi les tombes de nombreux dignitaires de l’histoire ottomane, dont celle de Mehmed II. Autour de la mosquée, un ensemble de bâtiments (le complexe) fut également construit qui incluait 16 écoles coraniques, une bibliothèque, un hôpital, un hammam, un caravansérail, un marché, une école et des soupes populaires. Mehmed II fit également immigré des personnes d’Anatolie pour s’installer dans ce quartier. Ainsi, ce dernier devint le premier quartier musulman et turc de la nouvelle capitale, qui se nomme en l’honneur du conquérant. Représentant désormais l’ensemble du quartier et revendiquant cette affiliation historique (symbole à la fois nationaliste et attaché à une idée de conquête), les joueurs sont devenus les descendants de Mehmed II.

#918 – Çaykur Rizespor : Atmacalar

Les éperviers. Au bord de la Mer Noire, entre Trabzon et la frontière géorgienne, la ville de Rize s’étale. Ville coincée entre la mer et les montagnes, les activités économiques se concentrent sur l’agriculture, particulièrement le thé noir. L’entreprise publique Çaykur, dont le siège est à Rize, organise la culture et la production dans cette région et constitue la plus grande et la plus importante entreprise de l’industrie turque du thé (avec 47 usines dont 33 à Rize). En 1991, le club de football, fondé en 1953, fut absorbé par Çaykur, qui devint le sponsor du club. Après la promotion de Çaykur Rizespor dans l’élite turque lors de la saison 2013-2014, deux groupes de supporters dénommés Göçebe (les nomades) et Derebeyler, décidèrent de s’unir sous le nom d’Atmacalar (les éperviers). Les deux groupes comptaient ensemble environ 1 500 fans et par ce mouvement espéraient convaincre les 6 à 7 autres groupes de supporteurs à les rejoindre, afin de mieux soutenir leur club. Göçebe avait pour symbole l’épervier et il fut reprit pour la nouvelle association de fans. Au côté du thé dont des feuilles ornent le blason depuis la création du club, Çaykur Rizespor choisit également à cette époque l’épervier comme symbole et surnom.

L’élevage de faucons (dont l’éperviers est une sous-famille) pratiqué dans la région de Rize remonte à l’Antiquité et se perpétue encore aujourd’hui comme une tradition (qui s’étend même au-delà de la frontière géorgienne). L’épervier sert à la chasse (connue sous le nom de Atmacacılık), en particulier de la caille. Située sur l’importante route de migration entre l’Eurasie et l’Afrique, le ciel de Rize est témoin de mouvements d’innombrables faucons, descendant vers le sud, entre Août et fin Octobre puis remontant vers le nord entre Avril et Juin. Après le 15 août, les habitants de la région partent en congé sans solde des usines où ils travaillent pour s’installer dans les montages environnantes et capturer des faucons qui seront éduqués pour la chasse. Cette tradition ancestrale est bien répandue dans la région et connue dans toute la Turquie. Les faucons sont divisés en trois groupes principaux selon la couleur (noir, rouge et jaune) et la forme de leurs plumes. Les rouges sont d’habiles chasseurs tandis que les jaunes apparaissent comme les plus nobles. Cette dépendance des habitants de la région à l’égard de l’épervier et leur amour sincère pour lui ont fait l’objet de nombreuses chansons folkloriques et de poèmes. On raconte même que les gens pleurent pendant des jours lorsque leur faucon meurt.

#868 – Giresunspor : Çotanaklar

Il s’agit de l’involucre, cette enveloppe de feuilles qui recouvre le fruit du noisetier. On en retrouve 3 exemplaires sur le blason du club, qui est revenu dans l’élite turque en 2022 après 44 années d’absence. Si votre café provient certainement du Brésil, la fève de cacao principalement de Côte d’Ivoire (et depuis peu le consommateur a appris que le Canada était le premier producteur de graines de moutarde), les noisettes qui composent nos fameuses pâtes à tartiner sont essentiellement importées de Turquie. Les collines du nord de la Turquie bordant la Mer Noire (couvrant les provinces d’Ordu, Trabzon, Samsun et Giresun) concentrent la quasi-totalité de la culture nationale (90%) et représentent 70% de la production mondiale, faisant de la Turquie le premier producteur et exportateur de noisettes au monde. Giresun est l’un des principaux centres de culture. Ces régions présentent un climat favorable avec des températures entre 8 degrés Celsius et 30 degrés Celsius ainsi que des précipitations certaines. La nuciculture aurait débuté en Turquie entre 2800 et 1500 avant J.-C. tandis que Xénophon mentionnait la noisette dans la ville de Giresun au IVème siècle av. J.-C.. Au ΧΙΙΙème siècle, les Génois possédaient un comptoir à Trabzon et exportaient les noisettes vers l’Europe. En 1403, un document rédigé par Roy Gonzalez Clavio, chef de la délégation envoyée auprès de Tamerlan, par le roi Henri III d’Espagne, mentionnait le départ d’un bateau chargé de noisettes de Trabzon en direction de l’Espagne. Entre 1920 et 1950, la production était estimée à environ 30 à 50 000 tonnes. Dans les années 1950-1960, elle oscillait entre 44 et 130 000 tonnes. Sur la campagne 2021-2022, la production devrait atteindre 625 000 tonnes (pour une année normale, la moyenne est plutôt autour de 600 000 tonnes). Les pays de l’Union Européenne représentent le premier marché avec près de 80% des exportations de noisettes turques. Un tiers des exportations turques est même acheté uniquement par l’entreprise italienne Ferrero pour son Nutella (la noisette turque entra dans la recette de la célèbre pâte à tartiner après la Seconde Guerre Mondiale). En 2020, 35% des exportations de noisettes du pays étaient des produits transformés tandis que le reste était des noisettes crues, générant des revenus de près de 2 milliards de dollar par an. Aujourd’hui, les terres agricoles consacrées à cette culture atteignent près de 8 millions d’hectare pour 76 000 nuciculteurs. Dans son ensemble, le secteur fait vivre plus de quatre millions de personnes. D’où, en Turquie, la noisette est appelée l’ « Or Vert ».

#754 – Galatasaray : Avrupa Fatihi

Le conquérant de l’Europe. 17 Mai 2000 et 25 Août 2000, deux dates où l’équipe dorée de Galatasaray emmena sur le toit de l’Europe la Turquie. Depuis la première apparition d’un club turc en coupe d’Europe en 1956 jusqu’à l’année 2000, le football turc, dominé par les 3 grands clubs stambouliotes, s’était rarement distingué sur la scène européenne. En 1969, Göztepe fut le premier représentant turc à se hisser en demi-finale d’une compétition européenne (Coupe des Villes de Foire). Fenerbahçe et Galatasaray étaient parvenus quelques années auparavant en quart de finale respectivement en 1964 pour la Coupe des Coupes et en 1963 pour la Coupe des Clubs Champions. Par la suite, Göztepe, Bursaspor et Galatasaray s’illustrèrent parfois mais globalement les joueurs turcs regardaient les finales européennes à la télévision. En 1999, Galatasaray remporta son 3ème titre de champion de Turquie consécutif et abordait la Ligue des Champions. Nommé entraineur en 1996, Fatih Terim, ancien joueur du club (1974-1985) et ancien sélectionneur national, composa une solide formation avec quelques joueurs internationaux (les roumains Gheorghe Hagi et Gheorghe Popescu et le gardien brésilien Claudio Taffarel) et une talentueuse génération turque (avec le grand attaquant Hakan Sukur entouré de Umit Davala et Emre Belözoğlu). La phase de poule de la Ligue des Champions se solda par une 3ème place inespéré après une dernière victoire face au Milan AC (3 buts à 2) qui permit au club turc d’être repêché en 16ème de finale de Coupe de l’UEFA. En C3, Galatasaray réalisa un meilleur parcours face à de redoutables adversaires, éliminant respectivement les italiens de Bologne, les allemands du Borussia Dortmund, les espagnols de Majorque et en demi-finale les anglais de Leeds (après des heurts à Istanbul où deux supporteurs anglais perdirent la vie). Le 17 Mai 2000 au Parken Stadium de Copenhague, Galatasaray se retrouva opposé à la grande équipe d’Arsenal composé de Šuker, Berkamp, Viera, Petit, Henry et Overmars entre autres. Il s’agissait de la première finale européenne pour le club anglais. Mais, au terme d’un match dominée par les anglais (0-0 à l’issue du temps réglementaire), Galatasaray remporta aux tirs au but le premier trophée européen pour une équipe turque. 3 mois plus tard, renforcé de l’attaquant brésilien Jardel, le club réédita un nouvel exploit face au Real Madrid en gagnant la Super Coupe d’Europe. Galatasaray se retrouva sur le toit de l’Europe et cette dynamique profita à l’équipe nationale, qui se hissera en demi-finale de la Coupe du Monde en 2002.

#738 – Gaziantepspor : Şahinler

Les faucons. Le 31 juillet 2020, après 53 ans d’existence, les faucons s’écrasèrent définitivement, ne pouvant assumer leurs dettes envers les joueurs. Avant cette triste fin, ils bousculèrent un peu la domination stambouliote en terminant dans les premières places du championnat au début des années 2000. Le rapace déploit ses ailes sur le blason du club et fait référence à Mehmed Said, mieux connu sous le nom de Şahin Bey. Né à Gaziantep en 1877, il fut tout d’abord un militaire qui défendit l’Empire Ottoman au Yemen ou en Libye. Au lendemain de la Première Guerre mondiale qui vit l’Empire Ottoman s’effondrait et être partagé entre ou occupé par différents pays (Grèce, France, Grande-Bretagne, Kurdistan, Arménie), Şahin Bey intégra le Kuva-yi Milliye, une organisation de résistance turque qui, dans le sillage de Mustapha Kemal, cherchait à chasser les occupants et établir la République turque. Il entreprit la défense de la route Kilis-Gaziantep et organisa les forces miliciennes de la ville de Gaziantep. Fin février-début Mars 1920, il repoussa les forces françaises près de Gaziantep. Puis, le 24 mars 1920, une importante force française lança une opération contre la ville d’Urfa, à 140 km de Gaziantep. Une nouvelle fois, Şahin Bey et ses miliciens parvinrent à stopper le convoi français. Cependant, en raison de l’arrivée de renfort et de la puissance de feu des militaires fraçais, Şahin Bey et ses troupes durent battre en retraite. Il mourrut le 28 mars 1920, lors de cette retraite. Aujourd’hui, il est un personnage important de Gaziantep. Son nom a été donné à un quartier de Gaziantep en raison de ses efforts pour défendre la ville. Un mausolée a été construit en son honneur sur l’autoroute Gaziantep-Kilis, à l’endroit où il perdit la vie. La combativité et le courage qu’il démontra dans sa lutte sur le chemin d’Urfa amenèrent à son surnom de Şahin (faucon).

Outre la référence au héros de la résistance Şahin Bey, le club opta pour le noir et rouge comme couleurs pour rendre hommage aux 6 317 « martyrs » qui défendirent la ville pendant 10 mois face aux forces françaises en 1920-1921. Le noir est pour porter leur deuil et le rouge rappelle leur sang.