#958 – Exeter City FC : the Grecians

Les grecs. Je vous rassure tout de suite. Les îles britanniques n’ont pas dérivé pour atteindre les côtes hellènes. Ce surnom a toujours laissé perplexe de nombreux fans d’Exeter City, ce qui donne naturellement lieu à de nombreuses spéculations et débats.

Rappelons d’abord que le club fut fondé officiellement en 1901 sous le nom de Sidwell United, les joueurs venant notamment de l’Ecole de St Sidwell située sur Sidwell Street. Ensuite, ce surnom des Grecians n’est pas attaché uniquement aux joueurs mais aux habitants de la paroisse de St Sidwell et finalement à ceux de la ville d’Exeter. L’historienne locale Hazel Harvey dans son histoire de Sidwell Street retrouva des publications de 1737 où les résidents de Sidwell se désignaient eux-mêmes comme des Grecs. En 1835, Charles Dickens mentionnait aussi ce sobriquet dans le magazine « All Year Round ». Pour le club, après quelques tentatives comme United ou Saints qui ne prirent pas, le journaliste de l’Evening Post utilisa le terme grecians pour la première fois le 6 décembre 1901. Parlant de l’affrontement du lendemain contre St David’s dont l’enjeu était la première place du classement, il écrivit « if the Grecians should pull the match off they feel assured of obtaining the trophy » (si les Grecs réussissent le match, ils sont assurés d’obtenir le trophée).

Commençons par les légendes peu probables mais qui circulent. Certains disent que les supporteurs chantaient « We hate the Green Ones » (Nous détestons les verts) qui se serait transformé en « We are the Grecians » (Nous sommes les Grecs). D’autres fans préfèrent dire que le nom est né parce que les joueurs jouaient comme des dieux grecs. Un peu plus flatteur que des erreurs de prononciation. Une autre version propose que le surnom provient d’une bijouterie de Sidwell Street, située près du terrain du club, qui avait accroché à l’extérieur de sa vitrine une horloge affichant le nom grecians sur son cadran. Il est également suggéré que le surnom dérive d’un groupe d’enfants de St Sidwell qui étaient appelés les « Greasy Un’s » (les graisseux, du fait qu’ils étaient sales en raison de leur pauvreté). Greasy Un’s serait devenu Grecians. Une autre histoire avance que le nom gallois de la ville d’Exeter, Caerwysg, donna le gentilé de Caer Iscuns, qui éventuellement muta en grecians. Il y a aussi la possibilité que ce surnom provienne de la présence d’une forte communauté Grec orthodoxe qui s’installa au XIXème siècle dans le quartier où fut érigé en 1904 le stade du club, St James Park.

Voila donc résumé un certain nombre de légendes qui entourent ce surnom. Mais, elles paraissent toutes pour des raisons différentes improbables. En fait, les versions plausibles tournent autour d’un point commun : la position du quartier de Sidwell par rapport au centre ville d’Exeter. Situé en dehors des murs du centre ville cossu, Sidwell regroupait des classes laborieuses et pauvres qui se sentaient un peu exclu. Historiquement, les personnes qui habitaient dans l’enceinte d’Exeter étaient souvent appelées les Romains. La raison est qu’ils vivaient à l’emplacement de la ville romaine (Isca Dumnoniorum) mais aussi parce que ces citoyens étaient considérées comme l’élite riche et dirigeante de la région. Les habitants de St Sidwell voulaient se distinguer des « Romains » et considèrent le surnom de Grecs. Ils trouvèrent intéressants de se comparer aux héros grecs rusés qui eurent raison des Troyens qui se pensaient en sécurité, protégés par leurs murs (comme les « Romains » d’Exeter). Cela donnait aussi une meilleure image à ses habitants pauvres de la ville. Une autre version se rapproche de celle-ci avec un peu plus de précisions. En effet, en 1726, lors d’une foire à Southernhay, un autre district près du centre-ville, pour une raison obscure, le siège de Troie fut reconstitué. Lors de la distribution des rôles, les habitants du centre-ville (à l’intérieur de l’enceinte d’Exeter) jouèrent les Troyens assiégés, tandis que ceux de Sidwell (à l’extérieur des murs) furent les assaillants Grecs. De ce spectacle, les habitants de St Sidwell en tirèrent leur surnom. Si les mythes grecs, et en particulier l’Iliade, étaient si connus à Exeter et Sidwell, c’est que des pièces du théâtre grec étaient régulièrement jouées sur le parvis de la Cathedral tout au long du XVIIIème siècle et surtout, Joseph d’Exeter écrivit une Iliade en Latin en 1183 dont le titre est Phrygii Daretis Yliadis libri sex (L’Iliade de Darès le Phrygien en six livres) et qui relate la guerre de Troie.

Pas étonnant alors que le premier stade du club fut orné d’une porte grecque.