#1159 – Degerfors IF : Bruket

Aujourd’hui, Bruket est le nom d’un quartier à l’Est de la ville de Degerfors, qui en fur le cœur économique, car Bruket désigne aussi une usine sidérurgique. Le Degerfors IF a été fondée le 13 Janvier 1907, principalement avec l’appuie des employés et ouvriers de l’usine sidérurgique de la ville. Parmi les initiateurs de ce projet figuraient l’étudiant de l’époque, puis le directeur de l’usine H. v. Kantzow ainsi que l’ingénieur BD Enlund. Dans les premières années, l’athlétisme et le ski de fond dominaient les activités sportives mais la pratique du football y était développée.

Sur la rive orientale de la rivière Letälven, deux forges furent construites par l’entrepreneur Georg Camitz. Originaire de la Silésie autrichienne, Georg Camitz fut recruté en 1648 pour gérer des usines de fonte de Björkborn et Bofors. Puis, il quitta ses fonctions en 1659 pour lancer sa propre activité à Degerfors. Il reçut le privilège de construire une forge à Degerforsen (Nedre Degerfors), près de l’embouchure du Letälven dans le lac Möckeln. Puis, 6 ans plus tard, il reçut le privilège pour une autre forge au sud, appelée Övre Degerfors. Elles constituèrent deux usines sidérurgiques distinctes, exploitées séparément. La famille Camitz posséda Övre Degerfors jusqu’en 1809 et Nedre Degerfors jusqu’en 1855. Un haut fourneau fut mis en service en 1862 puis plusieurs laminoirs furent ajoutés par la suite. Les usines passèrent dans de nombreuses mains au fil des années pour être détenues par le groupe finlandais Outokumpu Oyj aujourd’hui. En Août 2023, les italiens de Cogne Acciai Speciali reprirent une partie des activités. Autour de ces deux usines, toute une ville se construisit au XIXème siècle avec des logements ouvriers, des écoles … qui donna la base de la nouvelle municipalité de Degerfors.

#1067 – Middlesbrough FC : the Smoggies

Le terme est dérivé de smog (brouillard) mais cet article vous permettra de sortir … de ce brouillard. Ce surnom s’attache à tous les habitants de Middlesbrough et ceux de la région du Teesside. Le terme désigne également l’accent local et le dialecte de la région. Il fut un peu plus tard utilisé ironiquement par les supporteurs adverses pour nommer les fans du club de Middlesbrough. Pour comprendre sa signification, il faut revenir à ce qui modela la région : la sidérurgie.

L’histoire de Middlesbrough se confond avec celle de la révolution industrielle et de l’avènement de la Reine Victoria et de l’Empire Britanique. Comme un certain nombre de villes du Nord de l’Angleterre, soutenues par les découvertes de mine de charbon, de fer ou d’autres minerais, Middlesbrough devint au cours du XIXème et XXème un important centre industriel mondial. L’essor de Middlesbrough fut d’ailleurs remarquable puisqu’en 1801, il s’agissait d’un petit hameau de 25 habitants qui se transforma en un siècle en une ville de plus de 90 000 habitants. Avec une infrastructure de transport naturelle (le fleuve Tees qui se jette dans la Mer du Nord) et des riches ressources (la découverte de réserves de fer dans les collines de Cleveland en 1850), la première usine sidérurgique (Henry Bolckow et John Vaughan) s’étendait dès 1864 sur plus de 280 hectares le long des rives de la rivière Tees. Puis, l’entreprise Dorman Long prit le relais et devint le principal producteur d’acier et le plus grand employeur. À l’apogée, 91 hauts fourneaux dans un rayon de 10 milles le long de la Tees fonctionnaient. En outre, le poids économique de la région faisait que le prix mondial de l’acier et du fer étaient fixés dans ce coin de l’Angleterre. Mais, au fil des années, la concurrence poussa au déclin. Dans les années 1960, afin de les sauver, de nombreuses entreprises (dont Dorman Long) furent nationalisées sous l’égide de British Steel. Ceci n’empêcha pas le déclin face à l’acier asiatique et les dernières aciéries fermèrent en 2015.

L’importance de l’industrie lourde et son empreinte dans le développement de Middlesbrough conduit la ville à gagner rapidement le nom d’Ironopolis. Mais, la contrepartie fut des niveaux élevés de pollution, qui se concrétisaient par un épais brouillard recouvrant régulièrement la région. Les supporters rivaux de Sunderland et Newcastle ne manquèrent pas de s’en moquer. A domicile, ils scandaient « What’s it like to smell fresh air ? » (Qu’est-ce que cela fait de sentir de l’air frais ?) et à l’extérieur « smog monsters » (les monstres du brouillard). Ce dernier terme se transforma par la suite en smoggies et finalement, les supporteurs de Middlesbrough se l’approprièrent et le revendiquèrent.

#1027 – SC Oțelul Galați : Oțelarii

Les sidérurgistes. Situé dans le sud-est de la Roumanie, Galați baigne sur la rive nord du Danube, à 80 km de la Mer Noire. Cette situation privilégiée, au carrefour des principales routes commerciales entre le Nord et le Sud de l’Europe et entre l’Europe et l’Asie mineure, a favorisé le commerce et le développement de la ville au fil des siècles. D’autant plus que son infrastructure portuaire constitue le plus grand port fluvial et maritime sur le Danube. L’activité de la ville a longtemps reposé sur la construction maritime.

En 1958, le gouvernement communiste souhaitait développer l’industrie lourde roumaine, en particulier une usine sidérurgique dans la partie orientale de la Roumanie, avec accès au Danube et à la mer Noire. Plusieurs localisations furent étudiés mais le dirigeant du pays, Gheorghe Gheorghiu-Dej, ayant des origines galates, imposa Galați. La construction du complexe débuta en juillet 1960 et il fut inauguré en 1966. Imposant site, 40 000 ouvriers y travaillaient en 1972. En 1988, la production attint son pic avec 8,2 millions de tonnes d’acier, l’entreprise devenant le plus grand producteur d’acier d’Europe du Sud-Est. L’entreprise fut le principal foyer de perte de l’Etat roumain qui fut contraint de la céder définitivement à Arcelor en 2001. A cette date, 27 000 personnes travaillaient encore sur le site pour une production descendue à 3,7 millions de tonnes. Le dégraissage se poursuivit avec en 2021 seulement 5 000 employés. Malgré cette baisse des effectifs, Liberty Galati (nom de l’usine qui fut rachetée à ArcelorMittal en 2019 par le fonds britannique Liberty House Group) demeure la plus grande aciérie de Roumanie, avec une capacité de production de 3 millions de tonnes d’acier par an et est un pilier de l’économie roumaine. Une étude de 2011 démontra que les deux tiers de la population de Galați travaillaient ou avaient travaillé dans l’usine ou ses fournisseurs.

Avant les années 1960, des clubs de football rattachés à des usines avaient déjà vu le jour tels que Metalosport en 1935 et Siderurgistul en 1955. Au début des années 1960, plusieurs clubs de la ville avaient disparu et la direction de l’usine prit la décision de promouvoir un nouveau club. En 1964, SC Oțelul Galați vit le jour, comme filiale de l’usine. Son nom intégrait Oțelul, qui signifie « acier » en Roumain. Le club quitta le giron de l’entreprise en 2003, racheté par un homme d’affaires local. Toutefois, Arcelor puis ArcelorMittal et enfin Liberty demeurèrent des sponsors principaux du club depuis 2003.

#1004 – Volta Redonda FC : Voltaço

Comme vous l’avez compris, ce surnom est basé sur le nom de la ville où réside le club. Puis, il est associé au mot aço qui signifie « acier » . Habitée par les Indiens Puris et Acaris, la région fut colonisée au milieu du XVIIIème siècle par des jésuites et des explorateurs. La rivière Paraíba do Sul dessinant une drôle de courbe, ils appelèrent cet espace Volta Redonda (Courbure ronde). Concentrée sur les activités agricole, le village de Volta Redonda commença son développement vers 1875 avec des comptoirs commerciaux installés le long de la rivière et l’arrivée du train.

Le tournant se situa pendant la Seconde Guerre mondiale qui favorisa l’industrialisation du Brésil. Afin de fournir les Etats-Unis en acier et développer l’indépendance du pays, le président de la dictature brésilienne décréta la création d’une aciérie et le colonel Macedo Soares, futur gouverneur de Rio de Janeiro, impulsa pour la réaliser à Volta Redonda. Le 9 avril 1941, la société publique Companhia Siderúrgica Nacional (CSN) fut créé et en 1946, débuta l’exploitation de l’usine, alimentée par les mines de Casa de Pedra. Dans les années 1980, l’entreprise connaît des agrandissements successifs, portant la capacité à 4,6 millions de tonnes d’acier produit par an tandis que la production de minerai de fer de la mine atteint 12,6 millions de tonnes par an. Près de 25 000 personnes travaillaient alors pour la CSN. Privatisée en 1993, la compagnie s’est diversifiée et est côté à la bourse de New York. L’usine de Volta Redonda demeure toujours un des principaux sites du groupe et surtout une des plus importantes aciérie d’Amériques du Sud, avec une capacité de production de 5,8 millions de tonnes d’acier brut par an.

En 1975, avec le regroupement des États de Rio de Janeiro et de Guanabara, les fédérations sportives des deux États fusionnent. Le président de la ligue de Volta Redonda poussa à la création d’un nouveau club qui pourrait représenter la ville dans la nouvelle ligue de l’Etat. Ainsi, naquit en 1976 le Volta Redonda FC. Naturellement le CSN fut un soutien du club, notamment en rénovant son stade de Estádio Raulino de Oliveira qu’il mit à la disposition du nouveau club.

#954 – Atlante FC : los Potros de Hierro

Les poulains de fer. Avec plus de 100 ans d’histoire, Atlante fait parti des clubs historiques et populaires du football mexicain mais malheureusement depuis près de 10 ans, l’équipe évolue en seconde division. Le championnat national mexicain fut créé en 1943 et Atlante fit parti des 10 premiers invités et participants. Atlante n’attendit pas longtemps pour obtenir son premier titre (4ème édition – saison 1946-1947). Les saisons précédentes, Atlante avait déjà marqué les esprits (Champion de Mexico en 1940, vice-champion en 1941 et 1942 et vainqueur de la Coupe de Mexico en 1942). Surtout, au terme de la saison 1945-1946, l’équipe avait réalisé un incroyable record, encore d’actualité de nos jours. Les joueurs d’Atlante, dont la quintette d’attaquants composée d’Horacio Casarín, Rafael Meza, Martí Ventolrà, Mateo Nicolau et Ángel Segura, marquèrent 121 buts en 30 matchs. A l’exception d’un match face à Puebla, Atlante scora lors de tous ses matchs et termina la saison avec une moyenne incroyable de 4,03 buts par partie. Mais, sa faible défense (80 buts encaissés contre une moyenne de 50 pour ses proches rivaux pour le titre) anéantit tout ses rêves de couronne nationale.

La saison suivante, le Hongrois Luis Grocz reprit les rênes de l’équipe, et s’appuyant sur la même ossature parvint à les emmener à la consécration. Son départ fut quasi-parfait, avec 6 victoires sur les 7 premiers matchs et même 8 lors des 10 premières journées (les 2 autres matchs se soldèrent par des nuls). Lors du premier match, Atlante, qui affrontait à domicile la très réputée équipe de Puebla, scora 5 buts en 11 minutes. La saison s’annonçait tout autant offensive que la précédente. Mais ce qui intéressait le président du club, José Manuel Núñez, s’était la victoire finale et non les records. Ainsi, la saison fut moins prolifique en but mais le but initial fut atteint. L’équipe dut tout de même attendre les dernières journées pour remporter le championnat, dans un final devenu épique. A 8 journées de la fin, 3 équipes se disputaient le titre : Atlante, León et Veracruz. A ce stade, Atlante avait toujours occupé la première place sans la partager mais n’avait que 5 points d’avance sur ses 2 poursuivants. Pour ces derniers matchs, Veracruz devait rendre visite à Atlante et ce dernier devait affronter León dans son antre. Le 4 mai 1947, Atlante, leader et vice-champion la saison précédente, recevait Veracruz, 2ème au classement à 2 points du leader et champion en titre, dans une enceinte de 50 000 places, Olímpico de la Ciudad de los Deportes. L’année précédente, Veracruz était devenu champion en rossant Atlante dans son stade. Autant dire que la pression était grande. Atlante domina de la tête et des épaules le match et le remporta 5 buts à 1. Arriva la seconde finale pour l’attribution du titre : le match à León. Quelques jours avant le match, Oscar Flores, sous-secrétaire à l’élevage et chef du comité de campagne contre la fièvre aphteuse, suspendit sa tenue, en raison d’une épidémie de fièvre aphteuse dans la région de León. Après moultes tergiversations, la fédération, en accord avec les deux clubs, décida de délocaliser la rencontre à Mexico, à l’Olímpico de la Ciudad de los Deportes. En clair, Atlante allait jouer son match à l’extérieur à domicile. Le matin du 1er juin 1947, 48 622 personnes (record de l’époque), assistèrent à cette rencontre pour le titre (León était devancé de 3 points par Atlante). Comme il ne fallait qu’un point pour être champion, Atlanta joua pour ne pas perdre et le match se solda par un 0-0. La petite histoire raconte que le président d’Atlante, un proche du président Miguel Alemán Valdés, sut jouer de son influence pour diriger le match à Mexico et favoriser son équipe.

Au final, avec le meilleur joueur mexicain (Horacio Casarín) et les meilleurs étrangers du championnat, Atlante gagna son premier titre, lors d’une saison aboutie (18 victoires, 6 nuls et 4 défaites, 82 buts marqués pour 43 encaissés pour un total de 42 points en 28 matchs). Surtout, l’équipe sembla survoler les rencontres, démontrant une grande maîtrise et un jeu dynamique. Au point, qu’un reporter les surnomma les potros de hierro après avoir écrit « El Atlante juega y corren como potros desvocandose de atras hacia delante ademas de jugar aun mejor en campos llenos de lodo » (L’Atlante jouent et courent comme des poulains, se déplaçant d’arrière en avant et jouant encore mieux sur les terrains boueux).

Article réalisé avec le concours de Eduardo Ramirez (du Mexique).

#940 – RFC Seraing : les Métallos

S’il y a deux pays européens dont le football national a souffert ces 20 dernières années, ce sont la Roumanie et la Belgique. Nombre de clubs, notamment des historiques, s’évanouirent dans leurs gouffres financiers. Mais, leurs prestiges et une vie locale orpheline conduisirent à tenter de les ressusciter au travers de fusion, de rachat de licence et d’acquisition du nom/marque qui donna lieu à de nombreux imbroglios juridiques et à l’existence parallèle de club réclamant le même héritage. La ville de Seraing en est un exemple en Belgique. Le club historique naquit entre 1900 et 1904 et obtint le matricule 17 lorsque la fédération tint son registre officielle. Après une première faillite en 1984, le club fut abandonné par son président en 1996 qui le « céda » à son voisin du Standard de Liège. Un autre club, Royale Union Liégeoise (matricule 23), profita du vide pour s’installer à Seraing et endosser l’héritage du précédent club, avec la bénédiction de la municipalité. Toutefois, en 2014, le club de Seraing se fit une nouvelle fois absorbé par une union de 3 autres clubs de la région, entérinant une nouvelle fois la disparition du football à Seraing. Dans la ville de Boussu, le club local était en difficulté financière et se trouva en 2014 racheté par le propriétaire du FC Metz. Voyant le club de Seraing disparaître, le club de Boussu (matricule 167) s’exila alors à Seraing pour occuper la place vacante et bénéficier de l’aura des précédents clubs. Après quelques changements de nom et quelques débats avec la fédération, il récupéra le nom du RFC Seraing. Mais, même s’il s’appropria de nombreux attributs (nom, couleurs, surnom), les supporteurs historiques ne lui reconnaissent pas l’héritage de l’ancien RFC. Toujours club satellite du FC Metz, le RFC Seraing a retrouvé cette année le chemin de l’élite belge et peut-être retrouvé tous ses supporteurs.

Située sur la Meuse, en amont de Liège, la cité Seraing est synonyme en Belgique de fumée d’usines, de mines et de classes ouvrières. Au début du XIXème siècle, Seraing était une modeste bourgade de moins de deux mille habitants, principalement tournée vers l’Agriculture mais également l’extraction de houille. Or, cette ressource abondante, qui donnait l’énergie ainsi qu’un minerai appelé coke, essentielle dans la métallurgie, la présence de minerai de fer, couplée avec une voie de circulation, la Meuse, et une population connaissant le travail de la mine et de la métallurgie depuis des siècles, transformèrent le paysage et l’économie local. En 1809, la Fabrique de Fer d’Ougrée, une métallurgie, ouvrit et plusieurs mines, allant au delà de l’extraction en surface, débutèrent leur exploitation. Mais, ce fut surtout l’installation, en 1817, de deux frères britanniques, John et Charles-James Cockerill, qui révolutionna Seraing et ses alentours. Ils commencèrent par ouvrir, dans le le château de Seraing, l’ancienne résidence d’été des princes-évêques de Liège, un atelier où ils construisaient des machines à vapeur. Ayant un schéma industriel intégré, ils fabriquaient également leur propre fonte et fer. Puis, un haut-fourneau à coke, le premier du genre en Belgique, fut mis à feu en 1826. Cockerill y ajouta des fonderies, forges, laminoirs et ateliers de construction mécanique ainsi qu’une filature. Dans son sillon, d’autres s’établirent comme le Charbonnage de Marihaye (à Ougrée, Espérance et Six-Bonniers), des entreprises métallurgiques (l’Espérance, la Fonderie Quiriny-Goreux et la Fabrique de Fer d’Ougrée), ainsi que la cristallerie du Val-Saint-Lambert. La région croqua alors à pleine dent dans la Révolution Industrielle, faisant de la Belgique la deuxième puissance économique du monde, derrière le Royaume-Uni au milieu du XIXème siècle. Jusqu’à l’aube de la Première Guerre Mondiale, la région demeura un des cœurs industriels de l’Europe, grand producteur de fer, d’acier et de verre. Les 21 hauts-fourneaux produisaient près de 40 % de la production belge d’acier en 1914. Après avoir été démantelée durant le conflit par l’occupant allemand, l’outil industriel belge fut reconstruit et jusqu’à la crise énergétique des années 1970, développa encore sa production. Malgré un regain dans les années 1980, les mines et les usines métallurgiques licencièrent puis fermèrent face à la concurrence asiatique. Aujourd’hui, la production d’houille, de fer et d’acier est nulle. Néanmoins, pendant plus d’un siècle, la région viva au rythme de cette activité. Au fil des installations et du développement des usines, la ville de Seraing attira une population ouvrière nombreuse. En 1846, Seraing comptait 10 000 habitants, en 1868, le double et en 1883, le triple. En 1825, 800 ouvriers travaillaient pour Cockerill et dès l’année suivante son nombre d’employés doublait. En 1840, il était estimé que sept ou huit mille personnes dépendaient de ces ateliers. Puis, de 1842 à 1913, le nombre d’ouvriers travaillant pour Cockerill était quasiment multiplié par 5, pour atteindre 10 427 ouvriers. De 1850 à 1899, le nombre de mineurs passait de 3 000 à près de 5 000. Puis, l’immigration italienne, portugaise et polonaise fournit les bras manquant au développement de l’industrie. A la veille de la crise énergétique de 1973, le nombre de travailleurs étaient de 20 000. Autant dire que nombre de familles dépendaient des activités minières et métallurgiques. Naturellement, les luttes ouvrières furent aussi fortes dans le bassin. Enfin, au bord de la Meuse, les usines et les maisons des ouvriers s’installèrent côte à côte et encore aujourd’hui, les deux sont inextricables. Seraing était donc connu comme la ville du fer et ses habitants y étaient viscéralement attachés.

#882 – Tersana SC : الشواكيش

C’est un terme argotique égyptien qui signifie les marteaux. Fondé en 1921 et basé à Gizeh (dans le quartier de Mit Okba) près du Caire, le club naquit sous le régime du protectorat britannique. Or, l’occupation britannique de l’Égypte depuis 1882 importa le football dans la vallée du Nil, via les expatriés anglais travaillant pour la Compagnie du canal de Suez. La création du club fut donc l’oeuvre d’un anglais, le Major E.W. Slaughter. Initialement basé à Boulaq, un des principaux ports de la capitale égyptienne, le club était destiné au personnel de l’administration maritime et des chantiers navals de ce district. Ainsi, l’ensemble des symboles du club se réfèrent au port et à ses activités. Le nom du club « tersana » est l’équivalent en arabe d’arsenal (parmi les constructeurs navals, certains devaient certainement bâtir des navires militaires). Les couleurs bleu et blanc de son maillot rappellent directement la mer. Enfin, son écusson affiche une ancre, symbole de l’univers marin.

Pour autant, le surnom du club, الشواكيش, ne le relie pas directement au monde maritime. Il existe différentes explications pour ce surnom. La première raconte que ce terme décrivait la rudesse et la force de l’équipe, qui frappait ses adversaires comme un marteau. La deuxième histoire, qui est la plus connue de toute, indique qu’à une époque, Tersana avait recruté dans ses rangs un certain nombre d’anciens fedayins. Dans les années 1940, des nationalistes égyptiens appelés fedayins formaient des petits commandos dont l’objectif étaient d’harceler les troupes britanniques qui défendaient le canal de Suez. Le marteau pouvait donc symboliser leurs actions coup de poing et leurs duretés. Enfin, la dernière version se rapproche des origines du surnom des anglais de West Ham United (cf article #313). Certains des membres initiaux travaillaient sur les chantiers navals de Boulaq. C’était pour la plupart des ouvriers qui travaillaient l’acier pour construire les navires. Le marteau était un symbole qui les représentait bien. Il semble en tout cas que le surnom fut popularisé par les célèbres commentaires sportifs, Abdul Majid Noman, écrivant pour le journal « Al Goumhoria » , et Najib Almstkawi, du quotidien national « Al Ahram » . Ayant attribué des surnoms à la plupart des clubs égyptiens, ils auraient affublé « hammers » à Tersana à la suite d’une intervention rugueuse du défenseur Fouad Gouda, qui provoqua la blessure au pied du joueur adverse, Saleh Selim.

#805 – RKS Raków Częstochowa : Hutnicy

Les métallurgistes. En 1921, soutenu par l’Organisation de la jeunesse de la Société universitaire des travailleurs, affiliée au Parti Socialiste Polonais (PPS), le club de sport et de football vit le jour sous le nom de Klub Sportowo-Footballowy Racovia. Dans une Pologne qui venait de retrouver son indépendance (1918) et qui s’opposait déjà à ses voisins (Guerre soviéto-polonaise de 1919-1921), la jeune démocratie était fragile et les partis politiques cherchaient à s’imposer par tous les moyens. L’encadrement de la jeunesse était un des moyens de diffuser ses idées. Ainsi, le PPS favorisa l’emergence de ce club dans l’une des grandes villes ouvrières du sud du pays. Le club fut rapidement fréquenté par les adhérents du PPS et par ceux de la section locale du syndicat des métallurgistes. Sous le patronage de ces deux institutions, le club bénéficia des aides également des usines sidérurgiques et métallurgiques de la ville. Le premier terrain fut construit sur un emplacement mis à disposition par la direction de l’aciérie de Częstochowa en échange de son entretien. En 1935, le directeur de l’aciérie de Częstochowa alloua des fonds pour acheter des équipements et aménager le terrain. Mais ce soutien n’était pas inconditionnel. Pendant la grande crise économique, le club connut des difficultés financières et les joueurs devaient acheter leurs tenues et financer par leurs propres moyens leurs déplacements. Pour les aider, un groupe de musique et de théâtre fut créé pour collecter des fonds. Avec l’avènement d’une démocratie populaire après la Seconde Guerre Mondiale, le club demeura évidemment sous le patronage du syndicat de la métallurgie. Le blason traduisit cette appartenance avec les cheminées fumantes des hauts fourneaux qui rappelaient les rayures du maillot. Le nom même du club intégra le terme « acier » (stal) pendant quelques années.

Selon certaine recherche archéologique, la cité de Częstochowa fut un centre de métallurgie dès l’age du bronze. Evidemment la présence en abondance de minerai de fer (ainsi que de charbon et de rivières) en Silésie favorisa le développement de l’industrie métallurgique. Dans la région de Częstochowa, la première forge fut construite en 1374. Dès 1577, 32 forges existaient déjà et les usines locales étaient alors devenues les leaders de la métallurgie polonaise, tant en termes de technologie que d’organisation. Au début du XVIIème siècle, l’un des premiers hauts fourneaux polonais fut établi dans la région de Częstochowa et en 1782, il y en avait 5 autres de plus. En 1840, douze hauts fourneaux fonctionnaient, produisant près de 8 000 tonnes de fonte par an. A partir de la seconde moitié du XIXème siècle, l’industrie métallurgique déclina face à la concurrence des aciéries de Zagłębie Dąbrowskie (Cracovie). En 1878, le haut-fourneau de Mijaczów fut fermé suivi en 1881 par celui de Panki, en 1891 de Przystajnia, en 1895 de Poręba Mrzygłodzka et en 1901 ceux de Stara Kuźnica et Blachownia. L’arrêt de ces derniers hauts fourneaux était lié à la construction d’une grande usine sidérurgique moderne à Raków près de Częstochowa en 1896-1901 employant bientôt environ 2 500 ouvriers. Même si la métallurgie était désormais supplantée par l’industrie textile, elle demeurait une activité majeure de la région. Une grande partie du minerai de fer extrait en Silésie tchèque était d’ailleurs encore exporté vers Częstochowa. La région en elle-même était devenue la plus grande région d’extraction de minerai de fer de Pologne. Aujourd’hui, cette industrie demeure présente. Construite en 1896, l’usine Huta Częstochowa à Raków fonctionne toujours et constitue l’une des plus grandes aciéries et le plus grand fournisseur de tôles fortes en Pologne. Une cokerie subsiste aussi (Koksownia Częstochowa Nowa).

#731 – Pohang Steelers : 강철전사

Guerrier d’acier. Au vue de son nom, steelers, ce surnom apparaît logique. Mais il est encore plus logique quand on connaît les origines du club. Fondé le 1er avril 1973, ce dernier était une association corporatiste d’un chaebol (les fameux conglomérats coréens) dénommé POSCO. Lors de la création du championnat coréen en 1983, il fut l’un des 5 membres fondateurs. Vainqueurs de 5 championnats et de 3 ligues des champions asiatiques, il demeure l’un des grands clubs du jeune football coréen. Mais, pour revenir au début, l’équipe fut montée par la volonté de Park Tae-joon, alors président de POhang iron and Steel COmpany dit POSCO. POSCO n’avait alors que 5 ans d’existence car, dans les années 1960, l’administration sud-coréenne considéra que le développement économique du pays passait par l’indépendance dans la production d’acier. En 1968, POSCO vit donc le jour avec le soutien financier du Japon et du gouvernement. POSCO concentra sa production pour alimenter les besoins des entreprises nationales avec de l’acier compétitif. La croissance du groupe accompagna le développement des chaebols coréens tels que Samsung ou Hyundai. A la fin des années 1980, elle était la 5ème plus grande entreprise sidérurgique au monde, avec une production annuelle approchant les 12 millions de tonnes. Aujourd’hui, POSCO demeure l’un des plus grands sidérurgistes mondiaux, 4ème producteur avec 42 000 millions de tonnes en 2015. Le club de football, qui appartient toujours à POSCO, a suivi le développement de l’entreprise. Initialement semi-professionnel , le club opta pour le statut professionel en 1984 et changea son nom en POSCO Dolphins. Un an plus tard, il fut renommé POSCO Atoms. Enfin, en 1997, le club adopta le nom de Pohang Steelers. Quelques soit le nom du club, son logo comme sa mascotte firent toujours référence au propriétaire du club, au steelers. Les mascottes sont Soedori et Soesooni, personnages mi-humains mi-robots avec un corps en acier, une tête qui symbolise les vagues bleues de la mer de Pohang, et une marque V sur le front, signe de victoire.

#691 – FCBW Linz : Blau Weiss

Les bleu et blanc. Facile de comprendre qu’il s’agit des couleurs de l’équipe, qui s’imprègnent jusque dans le nom du club : BW sont les initiales de Blau Weiss. Ok vous vous dîtes que l’article va encore porter sur les couleurs de ce club. Mais, en l’espèce, elles apparaissent importantes. Le 26 Juillet 1946, le SV Eisen und Stahl 1946 Linz (SV Fer et Acier 1946 Linz) fut fondé avec le soutien de l’aciérie locale (l’une des principales d’Autriche) nommée VÖEST et adopta les couleurs noires et blanches de l’usine. En 1949, le nom du club fut rebaptisé SK Voest. En 1972, l’équipa modifia ses couleurs pour le bleu et blanc. La raison m’est encore inconnue. L’entreprise mécène changea-t-elle également de couleurs (son héritière arbore le bleu) ? La volonté de se distinguer de son rivale locale, le Linz ASK, qui évoluait également en noir et blanc ? L’important est que les nouvelles couleurs s’imposèrent vite car le club remporta son premier et unique Championnat d’Autriche en 1974. Malheureusement, entreprise d’Etat, VÖEST fut privatisé au début des années 1990 et ne voulut plus continuer à financer le club (qui s’appelait désormais FC Linz). Sans ce soutien, en 1997, les difficultés sportives et financières apparurent et son président vendit la fusion avec son rival du Linz ASK pour réunir leurs forces et poursuivre leur existence. Toutefois, au lieu d’une fusion, ce fut une absorption et disparition du SK Voest. En effet, le soi-disant nouveau club s’appela LASK et reprit les couleurs noires et blanches. Il était donc clair que pratiquement rien n’avait changé pour le Linz ASK alors que le champion de 1974 disparaissait de la scène du jour au lendemain, ses supporteurs des bleus et blancs étant désemparés. Emmené par un fan et entrepreneur local, Hermann Schellmann, les supporteurs convainquirent un autre club amateur de la ville, le SV Austria Tabak (lui-même soutenu par l’usine locale du cigarettier autrichien qui ne voulait également plus financer ces activités sportives), de devenir le 1er août 1997, le FCBW Linz. Pour établir la continuité avec l’ancien club, quoi de mieux que de reprendre les couleurs auxquels les fans s’identifier, qui n’étaient pas protégées par un quelconque droit de propriété intellectuel (contrairement au blason) et qui ne nécessitait pas d’accord de la fédération. Le sauvetage en urgence des bleus-blancs rencontra un franc succès : lors des matchs à domicile, le stade se remplissait de 1 000 à 2 000 spectateurs (alors que le club repartit en 4ème division) et plus de 400 abonnements furent vendus (plus qu’à l’époque du FC Linz). Seulement, à croire que l’Autriche souhaita imiter la confusion Roumaine (cf articles #687 et #371), en 2013, un nouveau club naquit avec la volonté d’être le successeur officiel du FC Linz. Il prît les couleurs bleus et blanches ainsi que le nom de FC Stahl Linz (Stahl signifiant acier en allemand).