#1077 – Radomiak Radom : Zieloni

Les verts. Pendant la Seconde Guerre mondiale, les clubs sportifs polonais étaient rarement autorisés à poursuivre leurs activités s’ils ne soumettaient pas à l’occupant et donc la jeunesse polonaise était régulièrement privée de la possibilité de pratiquer des sports de manière officielle. Cependant à Radom, comme dans d’autres villes de Pologne, des équipes clandestines se montaient et ce fut le cas parmi les ouvriers de l’usine locale de chaussures (de la marque BATA) et les étudiants de l’école de tannage. Depuis 1939, BATA possédait une usine à Radom, en plus de celle située à Chełmek près de Chrzanów.

Au lendemain de la guerre, l’usine BATA fut nationalisée par les autorités communistes. Włodzimierz Skibiński, son directeur, participa à la création d’une équipe de football au sein de l’usine en réunissant les joueurs des deux équipes clandestines précitées. La réunion fondatrice eut lieu le 7 avril 1945. Ayant reçu l’aide de l’usine de chaussures, le nouveau club a adopté le nom de l’entreprise mécène : KS Bata. Le 13 juillet 1945, une réunion des membres du club eut lieu, au cours de laquelle les statuts furent approuvés et un conseil d’administration de 9 personnes fut élu, Włodzimierz Skibiński devenant le premier président du club. Sur la même idée que le nom, il proposa que les couleurs du club reprennent celles de l’usine : vert et blanc. Le rouge sur l’écusson apparut quand le club fusionna en 1967 avec le vieux club Radomskiego Koła Sportowego, fondé en 1910 et dont le maillot était rayé rouge et blanc.

#971 – FC León : los Panzas Verdes

Les ventres verts. Evidemment, comme les joueurs du FC León portent une belle tunique verte, l’origine du surnom semble évidente. Mais, en réalité, il s’agit également d’un « gentilé » pour les habitants de la ville de l’état de Guanajuato. La couleur du maillot de l’équipe n’a donc pas inspiré ce surnom mais le hasard fait bien les choses. L’explication de ce sobriquet est multiple car je parviens à trouver au moins 3 versions.

Une des histoires les plus connues reposent sur une des activités phares de la ville qui en fait sa fierté : le travail du cuir et en particulier la production de chaussures. Afin de préparer la peau à la maroquinerie, les tanneurs passaient par divers processus chimiques. Puis, ils transportaient les peaux d’un endroit à l’autre en les soutenant, vu leurs poids, avec leur abdomen. Or, les substances chimiques utilisées laissaient des traces vertes sur les tabliers des ouvriers. Le mythe veut que les ouvriers partaient directement au stade avec leurs tabliers tachés.

L’autre version se base sur une autre production locale : la laitue. Deux histoires cohabitent avec toutefois le même cadre. Avant d’arriver en ville, les voyageurs en train pouvaient contempler les vastes champs de culture de cette salade qui entouraient la ville dans les premières décennies du XXème siècle. Leur couleur verte aurait alors inspiré tout d’abord l’équipe de baseball de la ville dans les années 1940. Le club de football aurait suivi. Puis, dans les années 1970, l’équipe de basket reprit la couleur mais également se dénomma Lechugueros (nom local de la laitue). Cette légende demeure plus méconnue que la suivante. Dans l’ancienne gare de León, les marchands étalaient leurs marchandises comme des fruits et des bonbons qu’ils tentaient de vendre aux voyageurs en transit et en attente. L’un des produits populaires que les voyageurs raffolaient étaient la laitue préparée avec du piment moulu, du sel et du citron. En manipulant la laitue, les mains des vendeurs se salissaient et ils les frottaient contre leurs tabliers blancs qu’ils portaient pour ne pas tacher leurs vêtements. En raison de la chlorophylle libérée par la laitue, les tabliers devenaient verts au niveau de l’abdomen et la poitrine.

#916 – Widzew Łódź : Władcy Miasta Włókniarzy

Les seigneurs de la ville des travailleurs du textile. 3ème ville de Pologne avec près de 700 000 habitants, Łódź n’était pourtant au début du XIXème siècle qu’une très petite bourgade. Intégré à la Prusse, le village ne comptait que 190 habitants et seulement 44 maisons, toutes les constructions étant en bois et aucune route goudronnée. Mais, elle connut un formidable boom économique au cours du XIXème siècle qui conduisit à sa position actuelle. Avec le congrès de Vienne en 1815, la Pologne semblait bénéficier d’une autonomie sous le nom de Royaume du Congrès, qui en réalité était sous tutelle russe. Néanmoins, les autorités polonaises, soutenues par le Tsar, engagèrent un plan ambitieux de développement de grands centres industriels à travers le pays. Łódź ne possédait pas de ressources minières qui auraient pu soutenir une industrie métallurgique. En revanche, sa région fut un centre important au XVII-XVIIIème de l’industrie drapière et une culture de lin et de laine existait. Ainsi, les autorités décidèrent la création d’un pôle textile dans une ville nouvelle proche de Łódź, Nowe Miasto (Nouvelle Ville). Le Tsar donna des titres de propriétés sur des terrains à des nouveaux migrants pour qu’ils construisent des usines et leur accorda également des privilèges telles que des exonérations fiscales, la gratuité des matériaux de construction ou l’exemption du service militaire. A compter des années 1820, des immigrants allemands qui étaient tisserands, filateurs et teinturiers, s’installèrent à Łódź et débutèrent l’exploitation de ce pôle textile. La guilde des drapiers fut fondée en 1825 et un an plus tard, la première usine textile fut construite par Christian Friedrich Wendisch. Outre le lin et la laine, le coton fut de loin la première ressource de cette industrie et la Russie ainsi que l’Extrême-Orient constituèrent d’importantes débouchés pour la production. Le développement de la ville fut intensif et l’apogée de l’industrie textile s’étala entre 1870 et 1910. La production de coton s’appuyait alors sur 41 000 ouvriers et 22 métiers à tisser, soit plus de 10% des métiers de tout l’Empire Russe. En 1904, il y avait 546 usines dans la ville employant 70 000 ouvriers, principalement dans l’industrie textile. Des empires industriels se constituèrent, dont les principaux étaient possédés par Ludwik Geyer, Izrael Poznański, Karol Scheibler et Ludwik Grohman. La population suivit se développement exponentiel. En 1865, la ville comptait 40 000 habitants. Puis, 314 000 en 1897. Enfin, 630 000 en 1915. La ville devint alors la plus densément peuplée au monde (13 200 habitants au km2). La Première Guerre mondiale cassa cette dynamique. Dans l’entre-deux guerre, la Russie n’était plus une débouchée possible et le seule marché intérieur polonais ne suffisait pas à absorber la production de Łódź. En 1929, 32 grands établissements abritaient chacun près de 5 000 ouvriers. En 1936, Łódź comptait 1 946 usines textiles et 106 800 employés, faisant de la ville la plus grande concentration d’ouvriers du textile. Après la Seconde Guerre mondiale, l’Etat communiste conserva cet outil industriel mais attendit les années 1970 pour le moderniser. Toutefois, les pays du bloc de l’Est, dont l’URSS, étaient de nouveaux des terrains d’exportation. En 1950, 120 000 ouvriers travaillaient dans le secteur du textile et dans les années 1970, la production s’étalait dans 23 communes voisines de Łódź pour 275 600 ouvriers en 1975. En 1980, cette région fournissait 46,6% des tissus en coton, 46,1% des tissues en laine et 33% de la soie de la production polonaise. Néanmoins, le déclin s’amorça et d’autres industries prirent le relais. L’industrie textile ne survécut pas à la période de transition économique des années 1990 en Pologne après la chute du communisme. Le renouveau de l’économie polonaise permit une renaissance de l’industrie textile de Łódź. Si, aujourd’hui, elle ne constitue plus la puissance de Łódź, elle demeure un pan important de son économie. L’histoire particulière de la ville qui connut un développement important avec la révolution industrielle, puis un fort déclin avant de renaître avec des industries technologiques, amena à surnommer la ville la Manchester de Pologne.

#891 – Eintracht Francfort : Schlappekicker

Ce mot est difficilement traduisible et souvent mal interprété. Il réunit le terme Schlappe qui signifie chausson dans le dialecte de Francfort et Kicker, le mot allemand désignant un footballeur. Les joueurs de Francfort seraient donc des footballeurs en pantoufle. Ils dormiraient sur la pelouse ou leur style de jeu serait ronflant ? Difficile à croire quand on connaît son palmarès et ses parcours européens, d’ailleurs encore confirmé hier soir avec la qualification du club au huitième de finale de la Ligue des Champions.

Tout remonte dans les années 1920. L’Eintracht avait une certaine notoriété en remportant une poignée de championnats locaux et régionaux. A cette époque, le club bénéficiait d’un soutien financier important de la société francfortoise J. & C. A. Schneider (JCAS prononcé Ikas), qui fabriquait des pantoufles. Dans le quartier de Gallus, plus de 3 000 ouvriers travaillaient pour JCAS. L’usine était alors l’un des principaux employeurs du quartier et la plus grande entreprise juive de Francfort. Les frères John et Carl August Schneider fondèrent en 1908 la « Frankfurter Spezialfabrik für Babyschuhe » qui fut reprise 3 ans plus tard par les frères Fritz et Lothar Adler. En s’associant avec leur cousin Walter Neumann, au lendemain de la Première Guerre Mondiale, leur société, devenue JCAS, connut une forte croissance, avec des exportations de pantoufles vers l’Angleterre, les Pays-Bas, la Belgique, le Danemark, la Norvège et la Suède. Elle était alors considérée comme la plus grande fabrique de pantoufles au monde et s’appelait simplement Schlappeschneider (les chaussons Schneider) ou Schlappe-Stinnes dans le langage populaire. Cette réussite et puissance financière, Walter Neumann les mit au service du club de sport de l’Eintracht Francfort. JCAS était alors le grand sponsor du club et les dirigeants de la société, les mécènes du club. Outre les dons que faisaient la société au club, elle pourvoyait en emplois les joueurs du club. A l’époque d’un football amateur (où le club ne pouvait pas rémunéré ses joueurs), ces emplois garantis étaient un avantage significatif pour attirer les talents. D’autant plus que ces emplois, sans être fictifs, n’étaient pas pénibles. Il s’agissait de job de bureaux où la présence du collaborateur-footballeur n’était pas indispensables. En revanche, ces employés-footballeurs donnaient tout sur le terrain. Ce soutien conduit rapidement à des résultats probants. En 1930, l’Eintracht remporta pour la première fois le championnat d’Allemagne du Sud. En 1932, ils étaient de nouveau en finale du Championnat d’Allemagne du Sud, où ils bâtirent le Bayern Munich. Le club bavarois prit sa revanche la même année lors de la finale des Championnats d’Allemagne. Sur la feuille de match de cette finale, presque toute l’équipe était sur la liste de paie de Schlappeschneider. Encore 6 joueurs de football du club (Karl Ehmer, Rudolf Gramlich, Willi Lindner, Hugo Mantel, Franz Schütz et Hans Stubb) émergeaient à l’usine vers 1935. Les succès se célébrèrent également dans les autres départements sportifs de l’Eintracht. En plus de 6 records du monde, les athlètes du club remportèrent des médailles olympiques. Par exemple, Tilly Fleischer gagna le bronze à Los Angels en 1932 et l’or au lancer du javelot à Berlin en 1936. L’équipe féminine de handball conquit le championnat d’Allemagne de handball en 1923. Enfin, en 1934, le membre Ernst Winter devint champion du monde à la barre fixe à Budapest. Cette forte collaboration entre l’entreprise et le club était bien connue dans la ville et c’est ainsi que les footballeurs de l’Eintracht ont obtenu le surnom Schlappekicker.

Mais, l’Allemagne bascula dans le nazisme et l’antisémitisme dans les années 1930 et ce soutien par une entreprise juive ne pouvait être bien vu par les autorités. En 1938, l’entreprise fut aryanisée, les 3 dirigeants juifs devant céder leur part. Comme les autres clubs allemands, l’Eintracht suivit le même chemin. Ancien joueur et donc employé de JCAS, Rudolf Gramlich prit la direction du club de 1939 à 1942. Puis, il rejoignit les WaffenSS. L’une des usines du quartier de Gaulus devint un camp de travail, notamment pour les prisonniers du camp de concentration français (Camp de concentration de Natzweiler-Struthof en Alsace). Après la guerre, les frères Adler récupérèrent l’entreprise. Mais, ils ne soutinrent plus le club et vendirent leurs parts en 1954. Pire, Rudolf Gramlich revint à la tête du club entre 1955 et 1969, le club connaissant alors une période dorée. Il fallut attendre 2020 pour que le club destituât Gramlich de son titre posthume de président honoraire en raison de sa participation active au parti nazi et aux SS.

Le terme Schlappekicker a été également repris par une association, soutenue par le quotidien « Frankfurter Rundschau ». Depuis 1951, cette dernière soutient des associations sportives et des initiatives engagées socialement. L’un de ses grands rendez-vous est la fête de noël (Schlappekicker-Weihnachtsfeier), auquel des joueurs de football illustres ont participé. Elle remet également chaque année un prix (Schlappekicker-Preisträger).

#879 – LR Vicence : Lane

Il s’agit du diminutif du nom de l’entreprise qui soutint durant de longues années le club de Vicence. Club formateur de Roberto Baggio et celui qui vit l’apogée de Paolo Rossi, Vicence est la doyenne des formations de football de la Vénétie et l’une des plus anciennes en Italie. Fondé en 1902, le club fit faillite en 2018 avant d’être relancé par l’entrepreneur Renzo Rosso, via son entreprise OTB Group (holding qui contrôle les marques de mode Diesel, Maison Margiela, Marni, Viktor & Rolf et Jil Sander). Mais, l’histoire du club fut marquée par une autre société, Lanerossi.

De 1902 à 1953, Vicence n’était pas un club anonyme mais comme toute équipe, il connut des hauts et des bas. L’apogée fut la finale du championnat d’Italie lors de la saison 1910-1911, malheureusement perdu contre Pro Vercelli. Dans les années 1930 et 1940, le club navigua entre la Serie A et Serie B et les premières années de 1950 s’établirent en seconde division, le club souffrant de la faiblesse de ses moyens financiers. Le 26 juin 1953, le géant de la laine basé à Schio, Lanificio Rossi (contracté en Lanerossi), changea l’histoire du club de football en le rachetant. Fondé en 1817 par Francesco Rossi, Lanerossi était cotée à la bourse de Milan dès 1873 et au début du XXème siècle, elle était la plus grande entreprise de laine italienne, avec de nombreuses usines dans la région de Vicence. L’implication de Lanerossi ne se limita pas seulement à du sponsoring puisque le club de football devenait une filiale de l’entreprise. Le club intégra le nom de l’entreprise dans le sien. Le « R », célèbre logo de la société textile, s’imposa également sur le maillot de l’équipe. Au delà des nouveaux moyens financiers, la confiance, le sérieux et la sérénité apportés par ce soutien permirent de bâtir une équipe en mesure de revenir dans l’élite italienne. Puis, pendant 20 ans, le club fut un pensionnaire de la Serie A, régulièrement présent dans la première partie du tableau mais sans jouer les premières places. En 1975, le club n’évita pas la rétrogradation et ce fut le début du déclin. Même si Lanerossi était toujours l’actionnaire du club, son soutien diminua au fil des années. Finalement, à l’été 1989, Lanerossi céda le club à Pieraldo Dalle Carbonare qui changea le nom en Vicence Calcio et fit disparaître le « R » du maillot.

Si le palmarès resta vierge sous le contrôle de Lanerossi, le club connut de belles années et permit à son actionnaire d’accroître sa notoriété. Pour démontrer ce lien particulier avec cette époque, lors de la célébration du centenaire en 2002, la direction du club opta pour le retour du « R » sur le maillot, avec l’accord du nouveau propriétaire de Lanerossi, le groupe Marzotto. Après le renouvellement de l’accord de Marzotto, à partir de la saison 2006-2007, le « R » devint une partie intégrante des maillots de Vicenza, étant alors un blason secondaire. En 2018, lors de la refondation du club et alors qu’il y eut quelques batailles sur l’héritage culturel du club, Renzo Rosso reprît le célèbre « R » et dénomma le club LR Vicence Virtus (LR étant les initiales de Lanificio Rossi).

#793 – Luton Town FC : the Hatters

Les chapeliers. Sur le blason du club, on retrouve les armes de la ville couronnées par un canotier. Depuis 1905, Luton est connue pour son usine Vauxhall de fabrication de voitures. Ces dernières années, cette activité a été complétée avec l’arrivée d’Easy Jet qui a contribué à transformer l’aéroport de Londres Luton en tant qu’aéroport régional de premier plan. TUI, le tour opérator, a confirmé cette position en installant son siège dans la ville. Mais, avant tout cela, la cité possède un riche héritage de fabrication de chapeaux depuis plus de 200 ans. En effet, au XVIIIème siècle, l’industrie anglaise de la chapellerie se concentrait principament sur Londres, Luton, Denton et Stockport (près de Manchester) ainsi que Atherstone (Warwickshire). Le métier se divisait en deux savoir-faire : d’un côté, la fabrication et le commerce des chapeaux de paille (chapeaux et bonnets pour femmes), de l’autre, celui du feutre (casquettes et chapeaux pour hommes). Luton se spécilisa d’abord dans le chapeau de paille car dès le XVIIème siècle, la tresse de la paille était le secteur dominant de l’économie locale. La croyance populaire veut que l’introduction du tressage de la paille en Grande-Bretagne puisse être attribuée à Marie Ier d’Écosse, qui aurait amené des artisans de Lorraine (d’où sa mère était originaire) et les aurait établis en Écosse. Son fils, Jacques Ier d’Angleterre, les aurait ensuite installés au sud de Luton, exploités par la puissante famille Napier. Au-delà de cette légende, il est prouvé que dès le milieu des années 1600, des personnes tressaient de la paille et fabriquaient des chapeaux de paille dans la région de Luton. L’essor de l’industrie chapellière fut encouragé par les guerres napoléoniennes. Avec le blocus imposé par l’Empereur français, l’importation de paille tressée en provenance d’Italie et de chapeau devint quasi-nulle. A la sortie de la guerre, les forts droits de douanes ne permirent pas aux importations de reprendre. Ainsi, les hommes et femmes d’affaires de Luton créèrent des usines pour approvisionner les marchés locaux et nationaux en chapeaux de paille. De modeste ville, Luton se transforma en un grand centre industriel. En 1871, la ville comptait 35 000 employés dans le secteur du chapeau. Mais, la campagne environnante dépendait également grandement de cette économie. 40% de tous les tresseurs de paille du pays (environ 22 000 personnes en 1851) étaient basés le sud du Bedfordshire où se trouvait Luton. En 1871, il y avait 20 701 tresseuses dans le Bedfordshire et 12 089 dans le Hertfordshire (comté limitrophe à Luton), avec environ 15 % de toutes les femmes du Bedfordshire qui se déclarait comme tresseuses de paille. A compter de 1870, l’industrie de Luton se tourna également vers les chapeaux en feutre, dans le but de fournir une source de travail moins dépendante de la récolte saisonnière de paille. L’apogée de la production se réalisa pendant 50 ans, entre 1880 et 1930. A cette dernière date, la région de Luton produisait jusqu’à 70 millions de chapeaux en une seule année. En 1935, il y avait sept grandes usines de fabrication à Luton employant 1 000 femmes et 900 hommes, complétés de petites entreprises plus artisanales. En 1939, il y avait au moins 125 fabricants de ce type, dont le plus grand employait environ 100 ouvriers, tandis que le plus petit se contentait de 5 ou 6. Mais, après la Seconde Guerre mondiale, le déclin commenca et la ville déclina rapidement. Le déclin de la tresse de paille démarra bien avant, dès 1880. En 1893, on estimait que moins de 5% de la tresse vendue au marché de Luton venait d’Angleterre et la fabrication était pratiquement éteinte dans la plupart des villes et villages environnants. En 1901, 98% des tresseurs avaient disparu dans le Bedfordshire et le Hertfordshire. Aujourd’hui, si Luton demeure encore synonyme de chapeau, son industrie est quasiment réduite à rien, quelques artisans tentant de perpertrer ce savoir-faire.

#721 – FC UTA Arad : Textiliștii

Les textiles. Au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, le 18 Avril 1945, la ville d’Arad accueillait un nouveau club de football, le FC UTA, issu de la volonté d’un seul homme, Francisc von Neuman, baron de Végvár. Passionné de football, aristocrate argenté, il tenta en 1938 de racheter l’équipe d’AMEFA, un club qu’il soutenait financièrement, mais son offre fut refusée. N’ayant pas abandonné l’idée de posséder une équipe de football capable de rivaliser avec les clubs voisins de Timișoara (Chinezul et Ripensia), le baron créa donc son équipe avec quelques membres de l’entreprise qu’il détenait, Uzina Textilă Arad (Usine Textile d’Arad).

Les ancêtres du baron venaient de l’ancien Empire austro-hongrois, quelque part près de Vienne. Puis, la famille Neuman s’installa en Roumanie, sur les terres d’Arad. Les premiers entrepreneurs de la famille Neumann furent les frères Moritz et Jakab qui établirent une usine de spiritueux. Les descendants se diversifièrent avec un moulin et une fabrique de levure, nommée Indagrara. Leurs produits devinrent célèbres dans tout l’Empire, avec des entreprises s’étendant dans plusieurs pays européens. Au début du XXème siècle, la famille Neumann avait accumulé une certaine richesse et créa, en 1909, l’usine textile d’Arad, qui devint rapidement la plus importante de Transylvanie. Francisc von Neuman étudia à Manchester en Angleterre l’ingenierie textile et reprît l’usine dans les années 1930. En 1936, UTA comptait plus de 2 000 employés. L’usine fut nationalisée par les autorités communistes en 1948 et était la seule de Roumanie à produire du velours et la deuxième, après Bucarest, à disposer de lignes de production de linge de maison, connu internationalement. En décembre 1989, UTA employait près de 8 000 personnes.

Donc en 1938, Francisc von Neuman réunit certains de ses amis et du personnel de l’usine pour fonder le nouveau club. Il leur demanda de trouver un nom et des couleurs. Une première proposition fut Gloria mais rapidement abandonnée. Finalement, d’autres souhaitèrent que le club porta le nom de l’usine auqeul il était lié, qu’il représentait. Pour les couleurs, le vert et le blanc sortirent du lot. Mais, rappelant celles du nazisme, récemment vaincu, le rouge et blanc fut proposé, couleurs du club d’Arsenal que le Baron avait supporté lors de ses aventures anglaises.

#657 – Airdrieonians FC : the Diamonds

Les diamants. Il n’existe pas de centre diamantaire à Airdrie et le club ne connut pas de période dorée qui aurait consacré des joueurs comme des joyaux. L’origine de ce surnom est beaucoup plus simple. Tout d’abord, il faut savoir que le club d’Airdrieonians actuel fut fondé en 2002 afin de poursuivre l’oeuvre de la précédente association du même nom qui fit faillite le 1er mai 2002. Cette banqueroute survint après la construction et le déménagement de l’équipe vers le stade d’Excelsior en 1998. En effet, suite à la vente du stade de Broomfield par le club en 1994, le conseil d’administration du club géra mal le projet de la nouvelle enceinte, difficulté accentuée par les retards du conseil de la région de North Lanarkshire pour accorder le permis de construire. Ces retards et mauvaise gestion mirent à mal ses finances. La direction du club ne put alors investir dans une équipe compétitive ce qui eut un impact sur la qualité du jeu proposé et au final sur la fréquentation du stade. Les revenus fondèrent et en 2000 le club fut placé sous contrôle judiciaire jusqu’à sa liquidation officielle en 2002. Un comptable du nom de Ballantyne porta alors un projet de rachat du club de Clydebank, qui après approbation de la ligue écossaise, changea de nom pour Airdrie United et déménagea à Airdrie. Clydebank jouait avec un maillot blanc incluant une frange diagonale rouge. Les couleurs étaient donc les mêmes que l’ancien Airdrieonians mais le maillot de ce dernier avait une singularité connue. En effet, il affichait un scapulaire sur le devant et l’arrière du maillot, les deux se rejoignant au niveau des épaules. Cette figure ressemblait à un diamant, ce qui donna le surnom the diamonds au club. Afin de s’identifier au club disparut et permettre une continuité historique, Airdrie United reprit cette originalité sur son maillot et donc se vit également affublé du surnom de the diamonds. Mais d’où vient cette originalité ? Une chose est sure. Le premier maillot à intégrer ce diamant remonte à 1912. De 1878 (date de création du club) jusqu’en 1885, Airdrieonians évolua avec un maillot bleu et blanc rayé verticalement. Puis de 1885 à 1912, le maillot passa au rouge et blanc tout en étant toujours rayé (alternant au fil des années des bandes verticales ou horizontales). Le choix de ce double scapulaire est inconnu mais certains avancent que le club se serait inspiré de Manchester United qui porta des maillots similaires (dans la même répartition des couleurs) lors de la finale de la FA Cup anglaise en 1909 (remportée face à Bristol City). Toutefois, ce n’était pas le maillot habituel et Manchester l’abandonna pendant quelques années avant. Mais, de 1922 à 1927, Manchester reporta ce maillot comme tenue à domicile. Or, de 1921 à 1926, le manager de l’équipe était l’écossais John Chapman, qui fut auparavant le manager d’Airdrieonians pendant 11 ans. En effet, ce dernier convainquit Manchester de revenir au maillot de la finale de FA Cup de 1909, qui était aussi celui de son ancien club.

#638 – 12 de Octubre FC : los Tejedores 

Les tisserands. A 30 km au sud de la capitale Asuncion, se situe la ville d’Itauguá, lieu de résidence du club mais également capitale du ñandutí, une dentelle typique du Paraguay. Importée par les espagnols entre le XVIIème et XVIIIème siècle, la technique provient de Tenerife, aux îles Canaries, et de sa dentelle nommée sols (dentelles soleils). Mais, les artisans paraguayens se le sont appropriés en l’enrichissant de motifs locaux tels que les astres, les fleurs et les animaux provenant de la forêt Guaraní. La fleur du Guayabo ou celle du Mburukuja sont les images les plus représentées. Ñandutí signifie toile d’araignée en guarani car cette dentelle ressemble à cette forme tissée par les aranéides. Ainsi, sur une toile tendue par un cadre en bois, la dentelle se compose de cercles brodés de fils blancs ou bien de couleurs vives et en son centre le fameux motif guarani (nommé apyte). Au XIXème siècle, le régime autoritaire établi par le Docteur Francia entreprit la modernisation économique du pays en organisant un protectionnisme dur. Dans ce contexte, l’artisanat fut favorisé pour permettre l’autosuffisance du pays. Ainsi, la production de dentelles locales se développa, notamment l’ao po’í, vêtement originaire de Yataity (une broderie sur tissu indigène, comme un nid d’abeille), laceyú provenant de Cordillera et donc le ñandutí d’Itauguá. Depuis, les femmes indigènes ou métisses d’Itauguá ont fait de cette dentelle leur gagne-pain et l’un des produit phares et typiques du Paraguay.

#575 – Derby County FC : the Rams

Les béliers. Le surnom est né quasiment en même temps que le club puisque les fondateurs choisirent de doter leur nouvelle association d’un blason en forme de bélier. Le choix de cet ovin s’explique par le fait que le mouton et la laine furent indissociables du comté de Derbyshire à l’époque médiévale. Dès l’antiquité, l’élevage de mouton était répandu et au moyen-âge, l’industrie lainière se développa fortement. Le filage était alors réalisé par les femmes célibataires ou des vieilles filles à l’étage des maisons de tisserand. D’ailleurs, filer se dit to spin et donna le mot spinster qui signifie vieille fille. Cette activité donna également naissance à une ballade populaire nommée The Derby Ram (le bélier de Derby) ou As I was Going to Derby (Comme j’allais à Derby). Les versions et les nombres de strophes purent varier au fil des années mais l’histoire principal demeurait la même : un bélier était amené au marché de Derby, il fut égorgé par un boucher et les différentes parties étaient utilisés par les habitants. Vraisemblablement que cette histoire dérivait de rites païens anglo-saxons où un bélier était sacrifié en hiver pour apporter chance et fertilité tout au long de l’année. Ces festivités impliquaient une procession de chants et de danses, accompagnée d’un homme habillait en mouton. Puis, avec la christianisation du pays, le rite disparut mais les festivités demeurèrent. Au moyen-âge, des pièces folkloriques joués par les mummers représentaient des hommes habillés en animaux, dont probablement le bélier Derby. La chanson se répandit dans tout le pays mais également en Irlande, en Ecosse et aux Etats-Unis.

La ballade était si populaire et attachée à la région de Derby qu’en 1855, le régiment du Derbyshire (First Regiment of Derbyshire Militia), dont la caserne et le quartier général étaient à Derby, opta pour un bélier comme mascotte (à l’image de la chèvre pour le régiment Welsh Fusileers). L’armée décida même de prendre cette chanson comme celle du régiment. Naturellement, le bélier s’imposa sur les armes de la ville ou comme symbole pour le nouveau club de football. Il existe également un certain nombre de représentations de bélier à Derby. La plus notable est peut-être une grande sculpture située à la jonction d’East Street et d’Albion Street.