#774 – En Avant de Guingamp : En Avant

Le nom du club, assez unique dans le paysage français, se prête bien à la fois à une organisation sportive (il caractérise bien l’esprit sportif d’aller de l’avant) qu’à devenir le surnom du club, le cri de ralliement de ses supporteurs. Pour comprendre son origine, il faut replonger à la fin du XIXème siècle, quelques années avant la fondation du club (1912). Avec l’avènement de la IIIème république en 1870, le conflit entre les républicains et les catholiques monta crescendo jusqu’à la victoire définitive des laïcs au moment de l’adoption de la loi de 1905. Les républicains et progressistes laïcs voulaient un Etat qui s’affirme en se détachant défintivement de la main mise des catholiques et de leurs alliés conservateurs. Cette guerre des deux France se concentra surtout dans le domaine clé de l’éducation, là où les pensées du future génération se formaient. Historiquement, l’Eglise assurait l’éducation pour les jeunes français. Les Répub,licains passèrent à l’attaque. En 1880, les congrégations et les religieux étaient exclus des instances organisant l’éducation. En 1882, Jules Ferry fit voter la loi portant sur l’obligation et la laïcité de l’enseignement, supprimant la morale religieuse, promouvant l’instruction morale et civique et excluant du contenu de l’enseignement primaire tout dogme religieux. Un pas supplémentaire fut franchi en 1886 avec l’adoption de la loi Goblet interdisant aux religieux d’enseigner dans les établissements publics. La loi du 5 juillet 1904 interdit défitivement aux congrégations religieuses le droit d’enseigner. L’apothéose fut donc la loi de 1905 qui instaura défitivement la laïcité de l’Etat.

A cette époque, la Bretagne était un condensée de ce contexte avec des urbains progressistes et laïcs (à Rennes, Brest, Nantes …) et des campagnards attachés à leurs traditions, notamment catholiques. A Guingamp, le combat de la formation des futurs citoyens s’exporta hors de l’école pour s’installer dans le monde sportif. En effet, pour les deux camps, les sports étaient un autre moyen pour éduquer les jeunes. L’Institution Notre-Dame fonda un patronnage sportif du nom du Stade Charles de Blois. En réaction, Henri Deschamps, directeur de l’école primaire supérieure des garçons et militant laïc et républicain, fonda un nouveau patronnage, cette fois laïc, où les jeunes pouvaient pratiquer la gymnastique, l’athlétisme, l’escrime ou encore le football. Il décida de l’appeler « Société d’Éducation Physique En Avant ». Même s’il existait à Paris un club omnisport du nom d’En Avant de Paris depuis 1881, c’était un nom assez peu utilisé dans le monde sportif. En revanche, dans les milieux et journaux socialistes où évoluait Henri Deschamps, la formule était plus courante. Car l’expression collait bien à l’avant-gardisme du combat et mobilisait les militants dans la lutte. On retrouvait ainsi en Europe les publications Vorwätsen Allemagne, Forward en Grande-Bretagne ou Avanti ! en Italie. La Bretagne n’échappa pas à la mode puisque les communiqués de la structure régionale qui représentait les Républicains laïques, « Les Bleus de Bretagne » , étaient souvent signés A-raok (à l’avant en breton).