#916 – Widzew Łódź : Władcy Miasta Włókniarzy

Les seigneurs de la ville des travailleurs du textile. 3ème ville de Pologne avec près de 700 000 habitants, Łódź n’était pourtant au début du XIXème siècle qu’une très petite bourgade. Intégré à la Prusse, le village ne comptait que 190 habitants et seulement 44 maisons, toutes les constructions étant en bois et aucune route goudronnée. Mais, elle connut un formidable boom économique au cours du XIXème siècle qui conduisit à sa position actuelle. Avec le congrès de Vienne en 1815, la Pologne semblait bénéficier d’une autonomie sous le nom de Royaume du Congrès, qui en réalité était sous tutelle russe. Néanmoins, les autorités polonaises, soutenues par le Tsar, engagèrent un plan ambitieux de développement de grands centres industriels à travers le pays. Łódź ne possédait pas de ressources minières qui auraient pu soutenir une industrie métallurgique. En revanche, sa région fut un centre important au XVII-XVIIIème de l’industrie drapière et une culture de lin et de laine existait. Ainsi, les autorités décidèrent la création d’un pôle textile dans une ville nouvelle proche de Łódź, Nowe Miasto (Nouvelle Ville). Le Tsar donna des titres de propriétés sur des terrains à des nouveaux migrants pour qu’ils construisent des usines et leur accorda également des privilèges telles que des exonérations fiscales, la gratuité des matériaux de construction ou l’exemption du service militaire. A compter des années 1820, des immigrants allemands qui étaient tisserands, filateurs et teinturiers, s’installèrent à Łódź et débutèrent l’exploitation de ce pôle textile. La guilde des drapiers fut fondée en 1825 et un an plus tard, la première usine textile fut construite par Christian Friedrich Wendisch. Outre le lin et la laine, le coton fut de loin la première ressource de cette industrie et la Russie ainsi que l’Extrême-Orient constituèrent d’importantes débouchés pour la production. Le développement de la ville fut intensif et l’apogée de l’industrie textile s’étala entre 1870 et 1910. La production de coton s’appuyait alors sur 41 000 ouvriers et 22 métiers à tisser, soit plus de 10% des métiers de tout l’Empire Russe. En 1904, il y avait 546 usines dans la ville employant 70 000 ouvriers, principalement dans l’industrie textile. Des empires industriels se constituèrent, dont les principaux étaient possédés par Ludwik Geyer, Izrael Poznański, Karol Scheibler et Ludwik Grohman. La population suivit se développement exponentiel. En 1865, la ville comptait 40 000 habitants. Puis, 314 000 en 1897. Enfin, 630 000 en 1915. La ville devint alors la plus densément peuplée au monde (13 200 habitants au km2). La Première Guerre mondiale cassa cette dynamique. Dans l’entre-deux guerre, la Russie n’était plus une débouchée possible et le seule marché intérieur polonais ne suffisait pas à absorber la production de Łódź. En 1929, 32 grands établissements abritaient chacun près de 5 000 ouvriers. En 1936, Łódź comptait 1 946 usines textiles et 106 800 employés, faisant de la ville la plus grande concentration d’ouvriers du textile. Après la Seconde Guerre mondiale, l’Etat communiste conserva cet outil industriel mais attendit les années 1970 pour le moderniser. Toutefois, les pays du bloc de l’Est, dont l’URSS, étaient de nouveaux des terrains d’exportation. En 1950, 120 000 ouvriers travaillaient dans le secteur du textile et dans les années 1970, la production s’étalait dans 23 communes voisines de Łódź pour 275 600 ouvriers en 1975. En 1980, cette région fournissait 46,6% des tissus en coton, 46,1% des tissues en laine et 33% de la soie de la production polonaise. Néanmoins, le déclin s’amorça et d’autres industries prirent le relais. L’industrie textile ne survécut pas à la période de transition économique des années 1990 en Pologne après la chute du communisme. Le renouveau de l’économie polonaise permit une renaissance de l’industrie textile de Łódź. Si, aujourd’hui, elle ne constitue plus la puissance de Łódź, elle demeure un pan important de son économie. L’histoire particulière de la ville qui connut un développement important avec la révolution industrielle, puis un fort déclin avant de renaître avec des industries technologiques, amena à surnommer la ville la Manchester de Pologne.