#1124 – 1. FC Sarrebruck : die Molschder

Ceux de Malstatt. La ville comme le club, frontaliers de l’hexagone, ont un lien avec la France. En effet, pendant un an (1948-1949), alors que la région de la Sarre était sous protectorat français depuis 1947 (et jusqu’en 1956) suite à la Seconde guerre mondiale, le FC Sarrebruck affrontait « secrètement » les clubs français de seconde division sans que son affiliation à la FFF fusse accepté. Il parvint même à remporter ce championnat de manière officieuse. Mais, finalement, à l’issu des atermoiements des clubs français à ouvertement jouer contre un club allemand et donc à accepter sa promotion dans l’élite française, le FC Saarebruck réintégra le système allemand en 1951. Mais, son surnom est purement local et même attaché au dialecte de la région.

Les origines du FC Saarebruck remontent au début du XXème siècle. En 1903, quelques passionnés de football se rencontrèrent dans un restaurant avec l’idée de créer un club de football. Ce fut fait le 18 avril 1903 en affiliant cette section au club omnisport du TV 1876 Malstatt, qui existait depuis 1876. A cette époque, Malstatt, dont la première mention remonte à 930, était une ville indépendante, qui s’était unie en 1874 avec la cité voisine de Burbach. Le nom de la ville de Malstatt provient d’un lieu de justice qui y était établi (en allemand ancien, mahal désignait une assemblée publique judiciaire, où l’on discutait des lois et où l’on tranchait les litiges en plein air). En dialecte locale, le nom de la ville se dit Mòòlschd, d’où le dérivé Molschder qui est devenu le surnom du club. Puis, le 1er avril 1909, les municipalités de Sarrebruck, Saint-Jean et Malstatt-Burbach fusionnèrent pour donner naissance à une Sarrebruck élargie, comptant 105 000 habitants. Malstatt devint alors un quartier de cette nouvelle cité.

#1105 – SV Werder Brême : Millionenelf

Le onze du million. Membre fondateur de la Bundesliga, le Werder traversa les années 1960 en connaissant des hauts et des bas, ponctué tout de même d’un titre de champion en 1965. A cette époque, les règles de la Bundesliga plafonnaient le montant des transferts à 100 000 Marks ainsi que le salaire des joueurs. Mais, l’évolution du football conduisit la DBF à abroger ces règles au début des années 1970. Hans Wolff, directeur général du Werder, anticipant ce changement, déclara au conseil d’administration qu’il fallait investir massivement avant sa mise en oeuvre. Le club obtient un prêt de 700 000 Marks de la municipalité et des entrepreneurs locaux s’associèrent à ce projet. A l’aube de la saison 1971-1972, le Werder renforça son équipe en faisant l’acquisition de sept nouveaux joueurs pour un montant total de un million de Mark. Le milieu Willy Neuberger et l’attaquant Werner Weist quittèrent Dortmund pour le Werder et l’attaquant Carsten Baumann revint du VfL Osnabrück. Le Werder attira également Herbert Laumen et Peter Dietrich en provenance du Borussia Mönchengladbach, champion l’année précédente (le club ne parvint pas à se mettre d’accord avec le 3ème membre du trio, Günter Netzer).

Mais, cette stratégie se fit sans concertation avec le staff et sans cohérence sportive, conduisant malheureusement à un échec. 6 entraineurs se succédèrent au fil de la saison et l’équipe termina péniblement à la 11ème place, enregistrant 14 défaites. Après cette épisode, le club évolua dans le ventre mou et évita même de justesse la relégation lors des saisons 1974-1975 et 1975-1976. Finalement, après la saison 1979-1980, le Werder dut se contraindre à rejoindre la seconde division. En outre, cette politique eut un prix. En échange de l’argent de la ville, le Werder abandonna ses couleurs traditionnelles, verte et blanche, contre un maillot rayé rouge et blanc, reprenant les teintes du drapeau de Brême. En outre, l’écusson du club fut remplacé également par le symbole des armoiries de la ville, une clé. Les supporteurs s’hérissèrent de ce choix, surtout lorsque lors d’un derby contre Hambourg, le Werder dut emprunter des maillots à son rival, car ceux du Werder étaient trop ressemblants à ceux du HSV. L’autre prix à payer fut le poids financier de cette politique qui pesa longtemps sur les finances du club.

#1074 – Energie Cottbus : Energie

Lorsque votre nom n’est pas commun, il a l’avantage de bien vous identifier et donc la presse comme vos supporteurs se simplifient la vie en l’utilisant comme raccourci et surnom. Ce fut naturellement le cas pour ce club de l’ex-RDA. Le 7 Octobre 1949, l’Allemagne de l’Est se sépara officiellement de la partie occupée par les troupes alliées et devint la République Démocratique d’Allemagne (RDA). Les autorités communistes entreprirent alors d’importantes réformes en ligne avec leur idéologie. Le sport n’y échappa pas. Dans le nouveau district de Cottbus, une première équipe de football vit le jour, le SC Aktivist Brieske-Senftenberg, sous le patronage d’Aktivist, qui regroupait les associations sportives d’entreprise des industries minières et des matériaux de base de la RDA. Mais, au début des années 1960, les autorités décidèrent une restructuration du système des clubs sportifs qui conduisait à un club sportif par district, situé dans la capitale. Résultat, le club omnisport du SC Cottbus fut créé. Situé à 40 km de la capitale du district et déclinant sportivement, le SC Aktivist Brieske-Senftenberg disparût au début de la saison de football 1963-1964 en se fondant dans le SC Cottbus. Mais, fin 1965, l’Association de football de la RDA prît le partie de séparer les sections de football des clubs omnisports et d’en faire des clubs à part entière. Ainsi, la section football du SC Cottbus devint indépendante en se transformant en une association sportive corporatiste, sous le nom d’Energie Cottbus à partir du 31 janvier 1966.

Le quotidien locale, « Lausitzer Rundschau » , organisa un concours pour trouver le nom de ce nouveau club. Bodo Krautz, l’un des 450 passionnés de sport qui participèrent, proposa le terme « Energie ». Car, la région de Cottbus était connue comme un producteur d’énergie grace à ses nombreuses centrales électriques et mines de lignite. Rien donc d’étonnant que son prédécesseur, le SC Aktivist Brieske-Senftenberg, fusse sous le patronage des industries minières. Cottbus-Senftenberg est l’un des principaux centres d’exploitation du bassin de lignite de Lusace, qui s’étend dans le sud-est du Brandebourg et le nord-est de la Saxe (même aux frontières avec la Pologne et la Tchéquie auapravant). Il s’agit du 2ème plus grand gisement de lignite d’Allemagne après le bassin rhénan. L’exploitation de ce bassin démarra vers 1789 mais, avec la révolution industrielle, elle s’intensifia. Après la Première Guerre mondiale, les mines à ciel ouvert de Lusace devinrent névralgiques pour l’économie allemande en alimentant les centrales à charbon. L’utilisation du lignite fut par la suite particulièrement intensive en RDA. Les gisements fossiles étaient de loin la première source d’énergie du pays et servait pour tout (électricité, chauffage urbain, briquettes, coke, goudron, pétrole, gaz). Au plus fort de l’exploitation minière du lignite, un tiers du district de Cottbus, qui avait gagné le surnom Energiebezirk (district énergétique), était consacré à l’exploitation minière. La centrale électrique de Boxberg (à 50 km de Cottbus) consommait environ 100 000 tonnes de lignite par jour. Aujourd’hui, environ un tiers du lignite allemand est extrait dans la région de Lusace. En 2018, 60,7 millions de tonnes était extrait en Lusace (provenant de 4 mines à ciel ouvert) sur les 166,3 millions produites en Allemagne. Ses débouchés portent essentiellement vers les centrales électriques de Jänschwalde, Schwarze Pumpe, Boxberg et Chemnitz-Nord. L’industrie du lignite emploie environ 4 500 personnes dans le Land de Brandebourg actuellement, l’un des plus grands employeurs privés. Cottbus, qui accueille aujourd’hui le Braunkohlenausschuss (Comité Lignite) qui prend des décisions régionales en matière de planification et de rénovation, connaissait une première mine, dont l’exploita débuta en 1981 et s’arrêta le 23 décembre 2015. La seconde mine de Jänschwalde se situe au nord-est de Cottbus. Environ 10 millions de tonnes de lignite y sont extraites chaque année, qui sert exclusivement à alimenter en combustible la centrale électrique de Jänschwalde.

#1025 – FC Sankt Pauli : Weltpokalsiegerbesieger

Vainqueur de la Coupe du monde. Le club a pris l’habitude de se surnommer ainsi et de nombreux t-shirts portés par ses supporteurs arborent fièrement ce surnom. Mais prétendre à ce titre alors que le palmarès du club se limite à un championnat de seconde division en 1977, n’est-ce pas un peu prétentieux ? Evidemment ce n’est pas ce sacre qui conduisit à ce surnom un peu tape-à-l’œil. Mais, une simple victoire contre le Bayern Munich suffit au bonheur des fans de Sankt Pauli.

A l’issu de la saison 2000-2001, Sankt Pauli accéda à la Bundesliga. Mais, au sein de l’élite, l’équipe de Hambourg s’écroula. Le club termina à la dernière place avec seulement 4 victoires à son compteur et à 12 points du premier non-relégable. Seulement, dans cette saison noire, il y eut une éclaircie le 6 février 2002. 21ème journée du championnat, Sankt Pauli, déjà dernier du championnat, accueillit le Bayern Munich, 2ème, dans son stade du Millerntor. La partie semblait déséquilibrée pour une équipe de Sankt Pauli qui n’avait remporté que deux matchs depuis le début du championnat. En face, l’ogre bavarois qui comptait dans ses rangs Willy Sagnol, Bixente Lizarazu, Mehmet Scholl, Stefan Effenberg, Ciriaco Sforza, Giovane Élber et bien d’autres stars. Surtout, quelques mois auparavant le Bayern avait remporté sa deuxième coupe intercontinentale face à Boca Junior. L’équipe munichoise avait donc gagné le titre officieux de « champion du monde » . Mais, le scénario du match ne se déroula pas comme prévu. A la 30ème minute, le milieu Thomas Meggle marqua le premier but pour Sankt Pauli, suivi 3 minutes plus tard par un second de Nico Patschinski. Le Bayern était abasourdi et ne réagit qu’à la 87ème en réduisant le score par l’intermédiaire d’une tête de Willy Sagnol.

Même si la suite de la saison fut catastrophique, cette victoire redonna un peu d’espoir et d’honneur aux fans de Sankt Pauli. 10 ans plus tard, lors d’une célébration de cette victoire (car oui Sankt Pauli fête cette victoire à défaut de célébrer d’autres titres), Nico Patschinski déclarait « Der Sieg war eine Sensation zu der Zeit, ganz klar. Wir hatten lange nicht gewonnen und schlagen dann ausgerechnet die Bayern » (La victoire fit sensation à l’époque, c’est clair. Nous n’avions pas gagné depuis longtemps et nous avons battu le Bayern). Mais Sankt Pauli n’avait pas seulement battu le Bayern, l’équipe avait gagné face au dernier vainqueur de la Coupe du Monde. Le battage médiatique autour de cette victoire qui s’en suivit fut important. Dans la foulée, les t-shirts imprimées spécialement pour l’occasion, sur lesquels le club se célébrait comme Weltpokalsiegerbesieger, se vendirent comme des petits pains auprès des fans. En battant le dernier vainqueur de la Coupe du Monde, Sankt Pauli avait l’impression aussi de remporter cette coupe.

#998 – Alemannia Aix-la-Chapelle : Kartoffelkäfer

Les doryphores. Oui, ce petite insecte, ennemi bien connu des cultivateurs de pomme de terre, à l’aspect peu séduisant, est le surnom d’une équipe de football. Or, son aspect est à l’origine direct du surnom des joueurs d’Aix la Chapelle. Ses œufs sont de couleurs jaune vif. À l’état de larve qui mesure environ 1 cm de long, l’insecte est rouge orangé avec des stigmates noirs sur les côtés. Puis, à ,l’âge adulte, il arbore une carapace jaune rayée de bande noire dans le sens de la longueur. Or, les couleurs du club sont le noir et le jaune. Et pendant de nombreux années, le maillot d’Alemannia était rayé de bandes noires et jaunes. De quoi rappeler ce coléoptère que les allemands venaient de découvrir. En effet, l’aire d’origine du doryphore se situait au Mexique central. Puis, au XIXème siècle, il se propagea aux Etats-Unis à partir du Sud-Ouest et attint l’Europe, par la région de Bordeaux, dans les années 1920. A l’aube de la Second Guerre Mondiale, le Doryphore s’installa en Allemagne.

A la fin du XIXème siècle, les étudiants de 3 lycées de la ville, Kaiser-Wilhelm-Gymnasium, Oberrealschule et Realgymnasium, se rencontraient régulièrement sur une aire de jeux de la rue Franzstraße. En mai 1900, ils décidèrent de fonder un nouveau club. Dans un Empire Allemand naissant (sa proclamation datait de 1871, soit à peine 30 ans avant), le sport était un catalyseur de la jeunesse et un moyen d’y affirmer l’identité d’une nation. Ainsi, de nombreuses nouvelles associations sportives firent le choix de s’approprier ou de se référer à des symboles forts d’une prétendue éternelle nation allemande. Dans le nom de clubs, ce choix fut flagrant : Borussia qui signifie Prusse en latin (à Dortmund, Mönchengladbach et un club de Berlin), Preussen qui signifie prusse en allemand (à Hamm et à Berlin), Germania nom latin de l’Allemagne (à Berlin, Brême, Francfort, Mühlhausen, Mannheim et Braunschweig), Arminia, en rapport avec le chef barbare Arminus, présenté comme un héros national (à Bielefeld), Teutonia détivé du peuple germanique Teuton, parfois synonyme d’Allemagne (pour un club de Berlin) et Deutscher, Allemand en allemand (à Hannovre). Pour les étudiants-fondateurs d’Aix-la-Chapelle, le choix se porta sur un peuple germanique qui fut présent dans la région d’Aix-la-Chapelle, les Alamans.

Pour les couleurs, la décision fut plus facile puisque les couleurs de la cité du Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie sont le noir et le jaune. Elles sont tirés directement des armes de la ville qui représentent, sur un fond jaune, un aigle noir, copie quasi-parfaite des armoiries du Saint-Empire romain germanique (d’or, à l’aigle déployé à bec de sable et membré de gueules). Cette tradition de l’aigle noir sur fond jaune comme armes d’une ville était largement diffusée au sein du Saint-Empire tels que pour les villes de Besançon (France – ville impériale en 1290), Dortmund (Allemagne – ville impériale en 1236), Essen (Allemagne – ville impériale en 1377), Lübeck (Allemagne – ville impériale en 1226), Nimègue (Pays-Bas – ville impériale en 1230), Nördlingen (Allemagne – ville impériale en 1215) ou Reutlingen (Allemagne – ville impériale vers 1240). En effet, la cité qui obtenait le statut de ville-libre ou ville impériale, n’était plus soumis à aucun souverain local mais dépendait directement de l’Empereur. Cette grande liberté se traduisait donc dans les armoiries en reprenant le bouclier du Saint-Empire. L’avantage pour les fondateurs étaient donc d’honorer les couleurs de la ville tout en revendiquant une identité allemande, en se référant au Saint-Empire.

#947 – VfL Bochum : die Graue Maus

La souris grise. En allemand, l’expression graue maus caractérise une personne discrète, pudique, même un peu triste, généralement utilisée pour une femme. Dans le football, elle qualifie une équipe qui joue un football peu flamboyant (pour ne pas dire ennuyeux, sans ambition) et dont les résultats conduisent à évoluer dans le ventre mou du championnat. S’il s’agit d’une expression commune et utilisable pour toutes les équipes, elle est également aujourd’hui très attachée au club de football de Bochum, qui l’illustra dans les années 1970 et 1980.

Ville de la région industrielle de la Ruhr, qui compte près de 5 200 000 d’habitants concentrés sur plusieurs cités, le club de football de Bochum est coincé footballistiquement entre Dortmund, avec son Borussia, et Gelsenkirchen, et son Schalke 04. Difficile alors d’exister entre ces deux géants historiques du football allemand. Pourtant, entre 1971 et 1993, Bochum fut un membre sans discontinuité de l’élite allemande. Mais, cette présence ne se caractérisa pas des résultats étincelants. En effet, plus que d’évoluer dans le ventre mou du championnat, Bochum fleurta plusieurs fois avec la relégation. Le meilleur classement durant cette période fut une 8ème place en 1978-1979. Sur ces 22 saisons d’affilée en Bundesliga, Bochum conclut 15 fois son exercice dans la seconde partie du classement dont 10 fois au-delà de la 14ème place. A partir de la saison 1986-1987, le club ne connut que le bas du classement. En 1990, le VfL termina la saison à la 16ème place et fut donc contraint de joueur une confrontation de barrage face au 1.FC Sarrebruck. Bochum remporta le match aller à Sarrebruck grace à un penalty (victoire 1-0). Au retour, à domicile, Bochum fit seulement match nul (1-1). A force d’évoluer sur le fil du rasoir, Bochum chuta finalement lors de l’exercice 1992-1993, après avoir fréquenté la zone de relégation depuis la 9ème journée (et même la dernière place lors de 12 journées en cumulé). Durant ces 22 saisons, l’équilibre financier du club était également fragile et pour boucler son budget, le club se séparait de ses meilleurs éléments à l’intersaison. Sur le plan de jeu, son style n’était pas flamboyant mais il semble un peu sévère de le juger comme ennuyeux. En tout cas, ce débat anime les supporteurs du club et les journalistes. Certains avancent qu’à défaut de génie, les joueurs étaient tenaces sur le terrain et qu’ils pouvaient parfois titiller les « gros chats » du championnat. Pour d’autres, il était assommant de fréquenter les travées du Vonovia-Ruhrstadion.

#929 – FC Ingolstadt 04 : die Schanzer

Terme que l’on pourrait traduire par les fortifiés, les retranchés. Barrant en diagonale l’écusson du club, schanzer identifie non seulement le club mais de manière générale, tous les habitants de la ville bavaroise d’Ingolstadt. Le terme schanzer dérive du mot allemand verschanzen qui signifie fortifier et rappelle que les habitants vivaient à l’intérieur d’une place forte. En effet, la cité d’Ingolstadt fut pendant de nombreuses années un pilier de la défense de l’Etat bavarois, en plus d’être une ville universitaire et commerçante. Situé sur le Danube, au centre d’un triangle constitué des 3 grandes villes de Munich, Nuremberg et Augsbourg, Ingolstadt possédait une position stratégique en Bavière tant militaire que commerciale, renforcée par ses plaines agricoles environnantes qui assuraient un bon approvisionnement en denrée alimentaire. Mentionné pour la première fois en 806 dans l’acte de partage de l’Empire de Charlemagne, Ingolstadt devint une cité vers 1250 puis, de 1392 à 1447, la capitale du duché de Bavière-Ingolstadt. Un chroniqueur médiéval écrivait « Wer Ingolstadt besaß, besaß den Schlüssel zu Bayern » (Quiconque possédait Ingolstadt possédait la clé de la Bavière). Ainsi, à partir du XIVème siècle, Ingolstadt reçut de fortes fortifications, qui au cours des siècles suivants furent continuellement renforcées.

Dès 1363, un mur de briques de trois kilomètres de long avec 87 tours crénelées et portes fortifiées furent édifiées autour de la ville. En 1418, Louis VII de Bavière dit le Barbu posa la première pierre de la forteresse d’État d’Ingolstadt, qui se voulait être la plus importante et innovante de la Bavière. Un deuxième rideau de remparts fut construit et achevé en 1430. Au XVIème siècle, les défenses de ce bastion furent encore renforcées lors de la guerre entre l’Empereur Charles Quint et la ligue de Smalkalden. En 1570, la garnison comptait 50 hommes mais monta en 1598 déjà à 170 hommes. En 1600, les effectifs atteignaient 920 soldats. Le rôle de gouverneur d’Ingolstadt devint alors l’un des postes les plus importants de l’armée bavaroise. La guerre de 30 ans (1618-1648) donna l’occasion de réaffirmer le rôle d’Ingolstadt et d’améliorer encore le bastion, en particulier ses positions sur le Danube. Le Roi de Suède, Gustav Adolf, attaqua vainement Ingolstadt. Cette défaite constitua son premier échec militaire de la guerre et coupa son avancée en Bavière. Une conséquence de cet assault raté fut d’annihiler toute autre attaque pendant cette guerre pour prendre la forteresse. Ingolstadt était le seul lieu important de l’ancien électorat de Bavière qui ne fut jamais pris pendant la guerre de 30 ans. Pendant cette période, les forces militaires varièrent considérablement. En 1632, il y avait plus de 2 600 hommes, qui pouvaient compter sur 50 canons lourds et 86 canons légers et près de 900 quintaux de poudre dans la forteresse. En 1646, les effectifs étaient d’environ 1 500 hommes et vers la fin de la guerre seulement entre 200 et 400 hommes.

En 1701, il y avait plus de 350 hommes à Ingolstadt. En temps de paix, il y avait un maximum de deux régiments d’infanterie dans la forteresse au XVIIIème siècle, soit un effectif total d’un peu plus de 1 500 hommes. Ces militaires étaient logés chez les habitants et la cohabitation devint difficile, les plaintes se multipliant. Ainsi, au XVIIIème siècle, de nombreuses casernes furent édifiées pour accueillir les troupes. Durant les deux guerres de succession (d’Espagne (1701 à 1713) puis d’Autriche (1740-1748)), en manque de soutien extérieur, le bastion d’Ingolstadt céda plusieurs fois.

A la fin du XVIIIème siècle, en raison des finances déplorables de l’Etat bavarois et du manque d’expérience militaire de ses suzerains, l’armée bavaroise atteignit son plus faible niveau et la forteresse d’Ingolstadt était dans un état de dégradation avancée. Alors qu’il y avait, en 1668 51 canons lourds à Ingolstadt, la forteresse n’en comptait plus que 13 en 1778. En 1797, des travaux furent entrepris pour rétablir les défenses mais finalement, le 23 septembre 1799, les troupes impériales autrichiennes rendirent la place forte aux armées révolutionnaires françaises. Napoléon Bonaparte donna l’ordre de raser la forteresse d’Ingolstadt, ce qui fut exécuté entre novembre 1799 et mars 1801. Quelques années seulement après la démolition de la forteresse, il était déjà envisagé de la reconstruire. La décision fut prise en 1806, mais les travaux ne commencèrent qu’en 1828, lorsque les finances gouvernementales le permirent. La construction de la forteresse royale bavaroise constitua le projet de construction le plus important et le plus coûteux sous le règne de Louis Ier de Bavière et employa environ 5 000 ouvriers jusqu’en 1848. En 1851, 433 canons et 155 mortiers étaient stockés dans la forteresse et en 1874, il y avait encore 1 007 canons et mortiers mais plus de la moitié étaient obsolètes. En 1861, la ville comptait 7 193 résidents civils contre 12 750 militaires. Si tout le développement de la ville dépendait des autorités militaires (dans le bon sens (connexion au réseau ferré, système d’approvisionnement en eau et d’évacuation des déchets) comme dans le mauvais (les développements civils étaient empêchés par les besoins militaires prioritaires), l’intérêt stratégique comme l’importance du fort diminua au fil du XIXème siècle. Lors de la Première Guerre mondiale, le bastion servit seulement de prison. En mai 1914, l’artillerie d’Ingolstadt se résumait à 180 canons, dont certains étaient déjà considérablement dépassés. Les fossés furent comblés pour permettre à la ville de construire des immeubles d’habitations. Les grands bâtiments militaires furent petit à petit convertis en immeuble administratif. Aujourd’hui, ce système sophistiqué de fortifications bien conservées fait d’Ingolstadt un musée à ciel ouvert unique.

#905 – Berlin FC Dynamo : die Weinroten

Les bordeaux. Aujourd’hui dans les ligues régionales allemandes, le Dynamo domina le football de l’ex-Allemagne de l’Est (la fameuse RDA) durant une décennie. Club des forces de police, des douanes, des pompiers et de la Stasi (la police politique de la RDA), le Dynamo était dirigé par le redoutable et redouté Eric Mielke, ministre de la Sécurité d’État, de sa création jusqu’à la chute du mur en 1989. Cette accointance avec les autorités leva des doutes sur l’équité du championnat lors des dix titres remportés d’affilée par le Dynamo. En tout cas, cela lui valut d’être nommé « club de la Stasi » ce qui évidemment n’aida pas à sa popularité. Le Dynamo Berlin faisait parti de l’organisation omnisport SV-Dynamo et reprit donc ses couleurs, bordeaux et blanc. Dans tous les pays du bloc de l’Est, le sport était cornaqué par des organisations syndicales et omnisports. En particulier, l’administration policière fut une des épines dorsales de cette structuration et des Dynamo naquirent dans les nations communistes. Mais, tous ces clubs, calqués sur le modèle du grand frère russe, adoptèrent ses couleurs bleue et blanche (cf #117). Mais, Berlin fit différemment donc en prenant le bordeaux. Avec la chute du mur, le Dynamo Berlin perdit le soutien du Ministère et se réinventa pour se détacher des anciens symboles pesants. Le club se rebaptisa FC Berlin le 19 février 1990 puis adopta de nouvelles couleurs rouge et blanche lors de la saison 1990-1991. Mais, ce changement ne convint pas les supporteurs, notamment car ces couleurs étaient celles de l’éternel rival du quartier de Köpenick, l’Union Berlin. Néanmoins, ces couleurs furent portées jusqu’en 1996. Puis, le kit domicile de l’équipe devint rayé noir et rouge, associé à un short noir et des chaussettes noires jusqu’en 1999. A cette date, ce fut le retour aux sources avec le nom Dynamo qui réapparut ainsi que la réintégration du bordeaux et du blanc. Néanmoins, la direction, certainement par son inexpérience et que la protection des marques n’était ni nécessaire ni courante en Allemagne de l’Est, avait négligé de protéger les droits sur l’écusson du club de l’époque est-allemande. Or, un célèbre fan du Hertha, Peter Klaus-Dieter Mager, ne loupa pas cette opportunité. Résultat, le plus important symbole du club ne put être repris.

#891 – Eintracht Francfort : Schlappekicker

Ce mot est difficilement traduisible et souvent mal interprété. Il réunit le terme Schlappe qui signifie chausson dans le dialecte de Francfort et Kicker, le mot allemand désignant un footballeur. Les joueurs de Francfort seraient donc des footballeurs en pantoufle. Ils dormiraient sur la pelouse ou leur style de jeu serait ronflant ? Difficile à croire quand on connaît son palmarès et ses parcours européens, d’ailleurs encore confirmé hier soir avec la qualification du club au huitième de finale de la Ligue des Champions.

Tout remonte dans les années 1920. L’Eintracht avait une certaine notoriété en remportant une poignée de championnats locaux et régionaux. A cette époque, le club bénéficiait d’un soutien financier important de la société francfortoise J. & C. A. Schneider (JCAS prononcé Ikas), qui fabriquait des pantoufles. Dans le quartier de Gallus, plus de 3 000 ouvriers travaillaient pour JCAS. L’usine était alors l’un des principaux employeurs du quartier et la plus grande entreprise juive de Francfort. Les frères John et Carl August Schneider fondèrent en 1908 la « Frankfurter Spezialfabrik für Babyschuhe » qui fut reprise 3 ans plus tard par les frères Fritz et Lothar Adler. En s’associant avec leur cousin Walter Neumann, au lendemain de la Première Guerre Mondiale, leur société, devenue JCAS, connut une forte croissance, avec des exportations de pantoufles vers l’Angleterre, les Pays-Bas, la Belgique, le Danemark, la Norvège et la Suède. Elle était alors considérée comme la plus grande fabrique de pantoufles au monde et s’appelait simplement Schlappeschneider (les chaussons Schneider) ou Schlappe-Stinnes dans le langage populaire. Cette réussite et puissance financière, Walter Neumann les mit au service du club de sport de l’Eintracht Francfort. JCAS était alors le grand sponsor du club et les dirigeants de la société, les mécènes du club. Outre les dons que faisaient la société au club, elle pourvoyait en emplois les joueurs du club. A l’époque d’un football amateur (où le club ne pouvait pas rémunéré ses joueurs), ces emplois garantis étaient un avantage significatif pour attirer les talents. D’autant plus que ces emplois, sans être fictifs, n’étaient pas pénibles. Il s’agissait de job de bureaux où la présence du collaborateur-footballeur n’était pas indispensables. En revanche, ces employés-footballeurs donnaient tout sur le terrain. Ce soutien conduit rapidement à des résultats probants. En 1930, l’Eintracht remporta pour la première fois le championnat d’Allemagne du Sud. En 1932, ils étaient de nouveau en finale du Championnat d’Allemagne du Sud, où ils bâtirent le Bayern Munich. Le club bavarois prit sa revanche la même année lors de la finale des Championnats d’Allemagne. Sur la feuille de match de cette finale, presque toute l’équipe était sur la liste de paie de Schlappeschneider. Encore 6 joueurs de football du club (Karl Ehmer, Rudolf Gramlich, Willi Lindner, Hugo Mantel, Franz Schütz et Hans Stubb) émergeaient à l’usine vers 1935. Les succès se célébrèrent également dans les autres départements sportifs de l’Eintracht. En plus de 6 records du monde, les athlètes du club remportèrent des médailles olympiques. Par exemple, Tilly Fleischer gagna le bronze à Los Angels en 1932 et l’or au lancer du javelot à Berlin en 1936. L’équipe féminine de handball conquit le championnat d’Allemagne de handball en 1923. Enfin, en 1934, le membre Ernst Winter devint champion du monde à la barre fixe à Budapest. Cette forte collaboration entre l’entreprise et le club était bien connue dans la ville et c’est ainsi que les footballeurs de l’Eintracht ont obtenu le surnom Schlappekicker.

Mais, l’Allemagne bascula dans le nazisme et l’antisémitisme dans les années 1930 et ce soutien par une entreprise juive ne pouvait être bien vu par les autorités. En 1938, l’entreprise fut aryanisée, les 3 dirigeants juifs devant céder leur part. Comme les autres clubs allemands, l’Eintracht suivit le même chemin. Ancien joueur et donc employé de JCAS, Rudolf Gramlich prit la direction du club de 1939 à 1942. Puis, il rejoignit les WaffenSS. L’une des usines du quartier de Gaulus devint un camp de travail, notamment pour les prisonniers du camp de concentration français (Camp de concentration de Natzweiler-Struthof en Alsace). Après la guerre, les frères Adler récupérèrent l’entreprise. Mais, ils ne soutinrent plus le club et vendirent leurs parts en 1954. Pire, Rudolf Gramlich revint à la tête du club entre 1955 et 1969, le club connaissant alors une période dorée. Il fallut attendre 2020 pour que le club destituât Gramlich de son titre posthume de président honoraire en raison de sa participation active au parti nazi et aux SS.

Le terme Schlappekicker a été également repris par une association, soutenue par le quotidien « Frankfurter Rundschau ». Depuis 1951, cette dernière soutient des associations sportives et des initiatives engagées socialement. L’un de ses grands rendez-vous est la fête de noël (Schlappekicker-Weihnachtsfeier), auquel des joueurs de football illustres ont participé. Elle remet également chaque année un prix (Schlappekicker-Preisträger).

#870 – TSG 1899 Hoffenheim : Hoffe, Hoppenheim

Ces deux surnoms sont des combinaisons, des jeux de mot constitués à partir du nom de la ville de Hoffenheim et celui du propriétaire du club, l’entrepreneur Dietmar Hopp. D’un côté, le nom de Hopp s’est inclus assez naturellement dans le nom de la ville, soulignant l’imbrication entre le club et son président. De l’autre côté, Hoffe apparaît comme le diminutif du nom de la ville mais, en allemand, « Ich hoffe » signifie « j’espère ». Or, an anglais, cela se traduit par « I hope » , qui est un homonyme du nom du président. Alors pourquoi le club s’assimile autant à son président-propriétaire et pourquoi, de l’espoir, il fallait en avoir pour diriger ce club. Remontons le temps en 2008. Cette année-là, le TSG 1899 Hoffenheim apparut pour la première fois de son histoire en Bundesliga et parvint à réaliser une superbe phase aller, terminant champion d’automne. La performance était d’autant plus remarquable que Hoffenheim est un village de 3 000 âmes. Oui, en Bundesliga, dans un pays de 80 millions d’habitants, comptant de grands clubs européens comme le Bayern et le Borussia Dortmund, un tout petit poucet menait la danse, en pratiquant un football offensif et direct. Cet exploit fut réalisable car le club était porté à bout de bras par le milliardaire Dietmar Hopp. Fondé en 1945, par la fusion du Turnverein Hoffenheim (1899) et du Fußballverein Hoffenheim (1921), le club demeura dans les bas-fonds des championnats régionaux allemands (8ème division) jusqu’en 1990, date à laquelle Dietmar Hopp arriva à la présidence du club.

Dans sa jeunesse, il avait été un attaquant du club mais surtout, en 1972, il fonda avec 4 autres anciens employés d’IBM, la désormais fameuse société de progiciels SAP. Dietmar Hopp fut le PDG de ce leader mondial des ERP de 1988 à 1998, puis devint le président du conseil de surveillance jusqu’en 2003. Il possède aujourd’hui 5,03% des actions du groupe, qui a fait sa fortune estimée à 18 milliards de dollars US (soit la 86ème fortune mondiale en 2020). Forcément, avec cette force de frappe financière, Hoffenheim grimpa vite les différents échelons, gagnant cinq divisions en onze ans. Dietmar tenta de fusionner plusieurs clubs avec le sien et de s’installer dans une plus grande ville, Heidelberg (150 000 habitants), qui étaient aussi sa ville natale, afin de devenir la référence footballistique du land de Bade-Wurtemberg. Mais, son opération échoua et il consacra alors encore plus de moyens pour permettre à Hoffenheim d’atteindre les sommets. Le succès fut donc au rendez-vous en 2008 et depuis, le club évolue au sein de l’élite, venant parfois titiller les grosses écuries. Dietmar Hopp finança la construction d’un stade de 30 000 places, localisée dans la cité voisine de Sinsheim. Hoffenheim accueillit quelques belles références comme David Alaba, Roberto Firmino, Timo Hildebrand, Luiz Gustavo, Kevin Volland ou Demba Ba. Le club est donc viscéralement lié à son propriétaire milliardaire, qui devait avoir de l’espoir à revendre pour rêver d’emmener ce petit club vers les sommets.