#1000 – Boca Juniors : el Único Grande

L’unique grand. Il y a 3 ans, je démarrais ce site avec Boca Junior et son surnom spécifique de Xeneize. Depuis, de nombreux autres clubs et surnoms l’ont enrichi mais, pour le millième article, je devais revenir à Boca, qui ne manque pas de surnoms, et en présenter un qui soit à la hauteur. Si le club, par ses présidents et ses supporteurs, s’est autoproclamé el Único Grande, il ne s’agit pas d’un vol. Certes, ses détracteurs et rivaux ne manqueront pas d’invalider ce titre non-officiel mais en regardant le palmarès et la popularité de Boca, on ne peut pas dire que ce n’est pas mérité.

De base, Boca fait parti des 5 grands. Dans le football argentin, les clubs de Boca Juniors, Independiente, Racing Club, River Plate et San Lorenzo de Almagro sont considérés comme les cinq principaux clubs du pays. A ce titre, on les nomme los cinco grandes del fútbol argentino (les cinq grands du football argentin). Pour illustrer ce propos, ces 5 clubs ont remporté environ les 2 tiers des championnats d’Argentine et concentre près des 3 quarts des Copa Libertadores gagnés par l’Argentine.

Sur le plan national, Boca n’est pas le champion le plus titré, devancé par son rival de River mais le club affiche tout de même 35 championnats argentins au compteur (le premier gagné en 1919, deuxième détenteur de titres de champion). Surtout, parmi les 5 grandes, et depuis la relégation de River en 2011 et d’Independiente en 2013 en seconde division, il est le seul à ne pas avoir quitté l’élite argentine depuis son accession en 1914. Du côté de la Coupe nationale, Boca remporta la première édition en 1969 et 3 autres suivirent (en 2012, 2015 et 2020), en faisant le recordman de titres. Le club détient aussi le record de SuperCoupe d’Argentine remporté avec deux victoires (2018 et 2022) ainsi que de Coupe de la Ligue avec également deux trophées (2020 et 2022). Sur le plan international, Boca peut se vanter d’avoir conquis 3 Coupes Intercontinental (1977, 2000 et 2003 face respectivement au Borussia Mönchengladbach, au Real Madrid et au Milan AC), 6 Copa Libertadores (1977, 1978, 2000, 2001, 2003 et 2007 auquel s’ajoute 5 finales perdues), 2 Copa Sudamericana (2004 et 2005 – record de la compétition), 4 Recopa Sudamericana (1990, 2005, 2006 et 2008 – record de la compétition), 1 Supercopa Sudamericana (1989), 1 Copa Máster de Supercopa (1992) et 1 Copa de Oro Nicolás Leoz (1993). Boca Juniors est le club sud-américain qui a disputé le plus de finales de compétitions internationales, avec un total de 29 finales. A cela s’ajoute une multitude de tournois régionaux.

Il a été désigné comme le meilleur club d’Amérique du Sud du 21ème siècle par la Fédération internationale de l’histoire et des statistiques du football (IFFHS) en 2011, club le plus mythique de l’histoire de l’Amérique et le huitième plus mythique du monde selon le magazine allemand Kicker en 2014 et club de football le plus emblématique du monde pour le magazine anglais FourFourTwo en 2015. Boca Junior est le club argentin qui compte le plus grand nombre de peñas (clubs de supporters) en Argentine, avec 269 recensés, ainsi que dans divers pays du monde (Brésil, Mexique, États-Unis, Canada, Espagne, Italie, Israël et Japon). Selon de nombreux sondages, le club est le plus populaire d’Argentine, adoré par environ 35%-40% des fans argentins de football, devant River et loin devant les autres.

#999 – GIF Sundsvall : Norrlandslaget

L’équipe du Norrland. Le club réside dans la ville de Sundsvall, sur la côte de la mer baltique, au centre de la Suède. La ville appartient à la région historique du Norrland qui couvre tout le nord du pays, comme l’indique son nom (littéralement « le pays du Nord »). Elle est la région la plus grande du pays, avec une aire de 261 292 km², soit 59,1 % de la superficie de la Suède. La région Norrland s’étend le long de la chaîne de montagnes des Alpes scandinaves et l’intérieur des terres, recouverte de forêts, n’est pas favorable à l’agriculture. Finalement, seule la côte a un intérêt et concentre donc la population (63%). Mais, sa position septentrionale la rend peu habitable avec une population s’élevant à 1 188 031 habitants en 2021, soit à peine 11,3 % de la population suédoise. Naturellement, sa densité se révèle faible avec moins de 5 habitants par km². Même si la présence humaine remonte à l’age de pierre, le développement et la colonisation de la région furent longs. L’urbanisation se fit tardivement, les premières villes étant fondées seulement à la fin du XVIème siècle (Sundsvall fut fondé en 1621 sur un pâturage jusque-là non aménagé). La région ne comptait qu’une seule forteresse, château de Gävle, et la littérature au Moyen-Âge, mentionnait que le Norrland manquait de noblesse. Assez pauvre, sa population souffrit de la famine lors des mauvaises récoltes entre 1867 et 1869. En 1880, la densité de population n’était que de 1,5 habitants par km². La présence d’importantes forêts et de ports sur la côte offrit tout de même une ressource économique qui ouvrit la voie au développement de la région, lors de l’ère industrielle au XIXème siècle. Dans le sillage de l’industrialisation, des mouvements folkloriques naquirent. Car par rapport aux autres régions du pays, le Norrland semble souffrir d’un déficit d’identité. Pourtant, la culture du nord existe et GIF y contribua.

Fondé le 25 août 1903, GIF Sundsvall est un club historique de la région. Lors de sa création, le club avait une vocation omnisports avec des sections de bandy, handball, ski de fond, saut à ski ou hockey sur glace. Le football n’apparut qu’en 1919 et le club réussit à s’imposer comme un des meilleurs clubs du Championnat du Norrland (victoire en 1942 et en 1957). Jusqu’en 1953, en raison de leur éloignement et du challenge logistique que les déplacements auraient représenté (le Norrland était doté de réseaux de transport et de communication limités), les clubs de football du Norrland n’étaient pas autorisés à participer au plus haut niveau des ligues de football suédoises (ie pas au-delà de la 3ème division). Grâce à l’amélioration des infrastructures, en 1953, les clubs du Norrland furent donc admis au sein des ligues nationales (seconde division et Allsvenskan), ce qui fut appelé Norrlandsfönstret (fenêtre vers le Nord). GIS accéda immédiatement à la seconde division et en 1965 fut le premier club du Norrland à atteindre l’élite suédoise. Même s’il n’y avait pas de ressenti dur par rapport aux terres du Sud, les habitants et les fans de football du Norrland subissaient cette fracture (aussi bien historique, économique, culturelle que sportive) avec le reste du pays et avaient donc envi de revendiquer leur identité. Depuis cette date, GIS fut donc le digne représentant du Norrland dans la ligue suédoise.

#998 – Alemannia Aix-la-Chapelle : Kartoffelkäfer

Les doryphores. Oui, ce petite insecte, ennemi bien connu des cultivateurs de pomme de terre, à l’aspect peu séduisant, est le surnom d’une équipe de football. Or, son aspect est à l’origine direct du surnom des joueurs d’Aix la Chapelle. Ses œufs sont de couleurs jaune vif. À l’état de larve qui mesure environ 1 cm de long, l’insecte est rouge orangé avec des stigmates noirs sur les côtés. Puis, à ,l’âge adulte, il arbore une carapace jaune rayée de bande noire dans le sens de la longueur. Or, les couleurs du club sont le noir et le jaune. Et pendant de nombreux années, le maillot d’Alemannia était rayé de bandes noires et jaunes. De quoi rappeler ce coléoptère que les allemands venaient de découvrir. En effet, l’aire d’origine du doryphore se situait au Mexique central. Puis, au XIXème siècle, il se propagea aux Etats-Unis à partir du Sud-Ouest et attint l’Europe, par la région de Bordeaux, dans les années 1920. A l’aube de la Second Guerre Mondiale, le Doryphore s’installa en Allemagne.

A la fin du XIXème siècle, les étudiants de 3 lycées de la ville, Kaiser-Wilhelm-Gymnasium, Oberrealschule et Realgymnasium, se rencontraient régulièrement sur une aire de jeux de la rue Franzstraße. En mai 1900, ils décidèrent de fonder un nouveau club. Dans un Empire Allemand naissant (sa proclamation datait de 1871, soit à peine 30 ans avant), le sport était un catalyseur de la jeunesse et un moyen d’y affirmer l’identité d’une nation. Ainsi, de nombreuses nouvelles associations sportives firent le choix de s’approprier ou de se référer à des symboles forts d’une prétendue éternelle nation allemande. Dans le nom de clubs, ce choix fut flagrant : Borussia qui signifie Prusse en latin (à Dortmund, Mönchengladbach et un club de Berlin), Preussen qui signifie prusse en allemand (à Hamm et à Berlin), Germania nom latin de l’Allemagne (à Berlin, Brême, Francfort, Mühlhausen, Mannheim et Braunschweig), Arminia, en rapport avec le chef barbare Arminus, présenté comme un héros national (à Bielefeld), Teutonia détivé du peuple germanique Teuton, parfois synonyme d’Allemagne (pour un club de Berlin) et Deutscher, Allemand en allemand (à Hannovre). Pour les étudiants-fondateurs d’Aix-la-Chapelle, le choix se porta sur un peuple germanique qui fut présent dans la région d’Aix-la-Chapelle, les Alamans.

Pour les couleurs, la décision fut plus facile puisque les couleurs de la cité du Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie sont le noir et le jaune. Elles sont tirés directement des armes de la ville qui représentent, sur un fond jaune, un aigle noir, copie quasi-parfaite des armoiries du Saint-Empire romain germanique (d’or, à l’aigle déployé à bec de sable et membré de gueules). Cette tradition de l’aigle noir sur fond jaune comme armes d’une ville était largement diffusée au sein du Saint-Empire tels que pour les villes de Besançon (France – ville impériale en 1290), Dortmund (Allemagne – ville impériale en 1236), Essen (Allemagne – ville impériale en 1377), Lübeck (Allemagne – ville impériale en 1226), Nimègue (Pays-Bas – ville impériale en 1230), Nördlingen (Allemagne – ville impériale en 1215) ou Reutlingen (Allemagne – ville impériale vers 1240). En effet, la cité qui obtenait le statut de ville-libre ou ville impériale, n’était plus soumis à aucun souverain local mais dépendait directement de l’Empereur. Cette grande liberté se traduisait donc dans les armoiries en reprenant le bouclier du Saint-Empire. L’avantage pour les fondateurs étaient donc d’honorer les couleurs de la ville tout en revendiquant une identité allemande, en se référant au Saint-Empire.

#997 – Querétaro FC : los Gallos Blancos

Les coqs blancs. En 1949, la Fédération mexicaine de football invita l’Association de football de Querétaro à créer un club pour rejoindre la toute nouvelle deuxième division professionnelle. Après l’organisation d’un tournoi local, l’association décida que l’équipe vainqueur, Piratas, formerait la base du nouveau club de la région. Ainsi, le 8 juillet 1950, le club de Querétaro vit le jour. Pendant près de 20 ans, l’équipe de Querétaro erra entre les deuxième et troisième divisions du pays et finit enfin par atteindre l’élite mexicaine en 1980. Mais, les défaites s’enchainèrent et le club fut vendu et déménagea. Dès 1981, un nouveau club, du nom de Gallos Blancos, émergea au travers de l’Université locale (UAQ). Une autre équipe, Querétaro FC, fut créée en 1988 qui atteignit rapidement la première division. Mais, en 1994, ce dernier fut relégué et redescendit bas dans l’échelle, suite à une réorganisation des championnats nationaux. Ces remous provoquèrent, en 1996, la fusion des Gallos Blancos de l’UAQ et Querétaro FC, donnant naissance à l’entité actuelle.

De toutes ces aventures et rebondissements qui faillirent mettre à mal le football dans l’Etat de Querétaro, l’une des constantes fut l’attachement au surnom de Gallos Blancos. Il apparut au début de l’histoire. En 1954, le propriétaire de l’équipe, l’avocat Herrera Pozas, suggéra de prendre ce surnom car, admiratif de l’esprit combatif et du courage des coqs de combat, il souhaitait que son équipe de football ait les mêmes valeurs. En outre, comme les joueurs évoluaient avec un maillot blanc (marqué d’un Q comme écusson), il ajouta cette couleur à l’animal. De cette idée, l’entraineur de l’équipe, Felipe Castañeda, et le président, Ezequiel Rivera, décidèrent de faire une blague à leurs joueurs. Avant un match, ils remirent à chaque joueur un coq blanc. L’équipe fit ainsi une photo avec un coq blanc dans les bras de chaque joueur. Ezequiel Rivera remit également une truie à la peau claire (quasi-blanche) à Felipe Castañeda en raison de son sobriquet. Ancien gardien de but à la grande renommée au Mexique, Castañeda était surnommé La Marrana (le cochon combatant) car il avait pour habitude de cracher sur le ballon dès qu’il le récupérait dans ses gants.

Avec ce surnom, le choix évident pour leur mascotte était une représentation de l’animal et c’est ainsi qu’est né « Cocoyo », un coq avec le maillot du club. Depuis, l’apparence a changé, avec une mascotte plus proche du dessins des cartoons, dont le nom est « Gallo Gallardo », mais il demeure toujours un coq blanc portant le maillot de l’équipe.

#996 – Bradford City AFC : the Bantams

C’est le nom anglais pour les poules naines. En fonction des régions, cette variété de volailles a différents noms (gallinette,  poule de Cayenne, fanchette, bassette …). Dans les pays anglo-saxons, la poule naine prit le nom du port indonésien de Bantam (aujourd’hui Banten), dans l’ouest de Java. En effet, les marins hollandais se ravitaillaient de ces petites races de poulets d’Asie du Sud-Est lors de l’escale et finirent par les ramener en Europe au XVIIème siècle.

Fondé en 1903 et promu en 1ère division en 1908, Bradford City épousa rapidement la mode des clubs de football anglais qui consistait à adopter un surnom. Plus qu’un surnom, l’objectif du club était de se doter d’une mascotte qui ameuterait la foule à chaque match. Car, le club avait perdu son porte bonheur, un fer à cheval, et la fille de Tom Fattorini, directeur du club, suggéra de trouver une nouvelle mascotte. Dans une stratégie marketing réfléchie, le choix se porta sur cette poule naine de Batam. De prime abord, le club évoluait dans des couleurs bordeaux et ambre qui rappelait le plumage de cette volaille. Mais, la poule naine présentait aussi la caractéristique d’être un animal petit et combatif, une image que le club voulait défendre. En effet, les bantams étaient des oiseaux bien connus à l’époque pour être attrayants mais féroces. Même si la pratique était interdite depuis 1835, des concours clandestins de combats de bantams avaient toujours lieu au début du XXème siècle. En outre, comme elle est naine, le bantam apparaît comme plus faible et cette image servit par le passé à démontrer le caractère d’outsider d’autres clubs de la région. Par exemple, le quotidien « Leeds Times » du 27 mars 1886 décrivait la victoire du Bradford FC sur Bradford Trinity au deuxième tour de la Yorkshire Cup comme « the bantam pitted against the Cochin china cock » (le bantam opposé au coq de Cochinchine), soulignant la différence de niveau, notamment financier, entre les deux clubs. Cette image d’outsider, de courage et d’esprit de combat seyait à l’équipe et, régulièrement reprise par la presse et faisant appel à la culture populaire, devait vite trouver un écho auprès des fans et des adversaires.

Avant l’apparition de ce surnom, l’équipe était à la dérive, occupant la dernière place de la division avec une seule victoire en 13 matchs joués. Le surnom aurait été introduit en Novembre 1908 lors du match face à Everton, alors premier du classement, et inspira les joueurs de Bradford, qui obtinrent un match nul. Ce résultat fut suivi par deux victoires. La métamorphose de l’équipe fut toutefois de courte durée, le club évitant la relégation qu’à la dernière journée. On pourrait aussi supposer que ce furent ces évènements qui inspirèrent le surnom (un peu l’histoire de l’œuf et la poule …).

Après 1909, on ne trouve aucune trace sur le fait que le club avait adopté un bantam vivant comme mascotte. Néanmoins, des articles de presse d’avant la Première Guerre mondiale faisaient référence à des bantams emmenés à des matchs par des supporters de Bradford. En février 1909, un bantam factice fut placé sur la barre transversale pendant la mi-temps de la rencontre de FA Cup face à Sunderland. Il serait resté en place pendant toute la seconde mi-temps. Une semaine plus tard, lorsque City se rendit à Sunderland pour un match de championnat, les fans laissèrent s’échapper un bantam sur le terrain. De même, le club entretenait cette image. Le manuel du club pour la saison 1909-1910 affichait un bantam sur sa couverture. Pour autant, le surnom ne s’imposa pas et tomba en désuétude. La presse continuait à appeler le club par ses vieux surnoms de Paraders et Citizens. Mais, en octobre 1948, un nouveau conseil d’administration relança le club et raviva l’identité des Bantams. L’animal s’imposa alors sur l’écusson. Un immense panneau surplombait également le Kop et sur lequel était peint un bantam avec ballon, semblable à l’écusson des Spurs. Pendant les années 1960, un nouveau blason apparut pour quelques saisons, avec une tête de sanglier (tiré des armoiries de la ville). Mais, au début des années 1980, le bantam revint et ne quitta quasiment plus les armes du club. Aujourd’hui, une mascotte dénommée Billy Bantam circule dans le stade les jours de match.

#995 – IR Tanger : فارس البوغاز

Les chevaliers du détroit. 5 ans après avoir remporté son premier et unique titre de champion du Maroc, l’IR Tanger vit des heures difficiles en cette année 2023 : changement forcé de gouvernance en début d’année, changement d’entraineur et grèves des joueurs en Mai, toujours relégables à quelques journées de la fin du championnat. Une situation inquiétante pour la municipalité et cette ville de près de 1,5 millions d’habitants, deuxième poumon économique du pays (après Casablanca). De par sa situation et son histoire, elle constitue un point de rencontre entre la Mer Méditerranée et l’Océan Atlantique d’une part, et entre les continents européen et africain d’autre part. En effet, Tanger se situe au nord-ouest du Maroc, sur le détroit de Gilbratar (à une douzaine de kilomètres à l’est du cap Spartel, qui forme l’entrée ouest du détroit de Gibraltar) et est donc surnommé la ville du détroit.

Le détroit est l’unique passage maritime entre l’Océan Atlantique et la Mer Méditerranéen. Emprunté par plus de 100 000 navires annuellement, elle représente une étape incontournable du commerce international de marchandises et la deuxième voie maritime la plus fréquentée au Monde. On estime que 20% du trafic mondial de conteneurs le traverse et que 75 % des marchandises importées en Europe transitent par ce détroit. Le port de Tanger est un des principaux centres d’activité de la région. En 2018, 3,5 millions de conteneurs avaient transité par ses quais et les derniers investissements permettront d’atteindre une capacité de traitement de 9 millions de conteneurs, couronnant Tanger premier port méditerranéen. Large de 14,4 km à son point le plus étroit, le détroit offre également un lien entre l’Afrique et l’Europe. Pour les Grecs et les Romains, le détroit constituait la limite du monde civilisé. En 429, les vandales franchissaient le détroit pour envahir le Maghreb. En sens inverse, en 711, à partir de Tanger, Tariq ibn Ziyad, gouverneur omeyyade, lançait la conquête musulmane de l’Espagne. Aujourd’hui, 5 millions de personnes et un million de véhicules feraient le chemin entre les deux continents via le détroit.

#994 – AS Monaco : le Club Princier

Monaco a un statut à part (je ne rentrerai pas dans les considérations fiscales). En effet, Monaco est un état indépendant de la France mais il possède une équipe qui évolue dans le championnat de France. Ce type de curiosité n’est pas unique en Europe. Derry City, club nord-irlandais, affilié à la fédération de la République d’Irlande. Les gallois de Swansea et Cardiff City évoluent également dans les championnats anglais. A l’inverse, les anglais du Berwick Rangers participe au championnat écossais. Cette particularité ne se limite pas aux anglo-saxons. En Espagne, Andorra FC joue en seconde division. Sept clubs du Liechtenstein (dont le FC Vaduz) et un club amateur allemand (FC Büsingen) évoluent dans les ligues Suisses.

Dès sa création en 1924, l’AS Monaco, qui est un club et non l’équipe nationale de Monaco, fut affilié à la Fédération Française de Football et fit ses débuts en première division française lors de la saison 1953-1954. Ce lien footballistique avec la France s’explique par les relations étroites entre la Principauté et la République Française. Enclavée dans le territoire français, la cité-Etat de la French Riviera est indépendante de la France depuis 1489 mais en était devenu un protectorat à compter du XVIIème siècle. A la fin de la Première Guerre Mondiale, un traité franco-monégasque était signé et établissait que Monaco devait s’aligner sur les intérêts politiques, militaires et économiques de la France. En outre, Union douanière, utilisation du Français, monnaie commune, code civile basée sur le code napoléonien … l’influence française sur la vie monégasque est forte.

Il n’en demeure pas moins que Monaco est un Etat indépendant et une principauté. La famille Grimaldi, par son ancêtre François Grimaldi dit Malizia, mit le grapin sur le rocher en janvier 1297. Au fil des ans, le Saint Empire Romain Germanique, le Royaume Espagnol et le Royaume de France reconnaitront la souveraineté de Monaco tout en faisant un protectorat. Etant donné sa faible étendue (à peine 24 km2 dans ses temps les plus forts) et son lien de vassalité avec d’autres royaumes, Monaco ne pouvait alors qu’être une principauté et son suzerain, un prince. Le club représentant la principauté et étant même détenu par elle (à hauteur du tiers du capital aujourd’hui), il est devenue le club princier.

#993 – CD Coronel Bolognesi : Bolo, el Coronel

Diminutifs du nom du club. Colonel Bolognesi, drôle de nom pour un club de la ville de Tacna mais qui s’explique par l’histoire de la province du même nom. Située à l’extrême sud du Pérou, Tacna est l’un des 25 départements qui composent le pays et est bordé à l’Est par la Bolivie et au Sud-Est par le Chili. Cette proximité avec d’autres pays rendit la région disputée. Entre 1879 et 1884, un conflit opposa d’un côté le Chili et de l’autre une coalition réunissant la Bolivie et le Pérou. Si la séparation entre le Chili et la Bolivie était un héritage des colonies espagnoles, la région minière et frontalière du désert d’Atacama était fortement disputée. Le Chili avait des ambitions expansionnistes qui s’étaient déjà exprimées par le passé. En 1879, suite à des décisions fiscales de la Bolivie, le Chili annexa la ville bolivienne d’Antofagasta. Le 1er Mars, la Bolivie, avec comme allié le Pérou, déclara la guerre au Chili. La guerre, dénommée « guerre du Pacifique », prit fin le 20 octobre 1883 par la victoire du Chili qui récupéra plusieurs territoires qui appartenaient au Pérou, dont la région de Tacna. Durant près de 50 ans, ces territoires perdus furent administrés et incorporés au Chili. Puis, sous l’égide des USA, une solution pacifique fut trouvée pour permettre la restitution de ces régions au Pérou entre 1925 et 1929.

Ainsi, le 28 août 1929, Tacna réintégra la nation péruvienne. A peine quelques mois après, le 18 octobre 1929, un groupe d’avocats et d’hommes d’affaires dont Fausto Gallirgos et Manuel Chepote, se réunirent pour fonder un club de football. Evidemment, dans ce contexte de retour dans le giron péruvien, les fondateurs souhaitaient au travers de leur association exprimer leur amour du pays, enfin retrouvé. Fausto Gallirgos proposa de prendre pour nom du club celui d’un héros national, qui défendit le pays pendant la guerre du Pacifique, Francisco Bolognesi. Francisco Bolognesi, né à Lima le 4 novembre 1816, était un soldat péruvien, ayant le grade de colonel. Après avoir fréquenté le séminaire et tenté une aventure entrepreneuriale, il débuta sa carrière militaire en 1853, en commandant en second un régiment de cavalerie. Il participa aux grands affrontements et batailles qui constituèrent les étapes de la construction du Pérou moderne comme la guerre civile (1856-1858) et la guerre péruano-équatorienne (1858-1860). Mais, son principal fait d’armes demeura ses combats lors de la guerre du Pacifique. Ainsi, il participa activement aux actions contre les forces chiliennes lors les batailles de San Francisco et de Tarapacá. Lors de cette dernière bataille, il combattit 10 heures durant bien qu’il avait une très forte fièvre. Enfin, le 3 avril 1880, Francisco Bolognesi prit le commandement du port d’Arica, assiégé par les forces chiliennes du général Manuel Baquedano. Il fit face avec ses hommes à des forces chiliennes bien supérieures en nombre et en puissance et promit alors de combattre « hasta quemar el último cartucho » (jusqu’à que la dernière cartouche soit brulée). Jetant toutes ses forces et malgré une bataille acharnée, Bolognesi mourut au combat et la ville tomba aux mains de l’armée chilienne. Son corps repose dans la crypte des héros de la guerre du Pacifique dans le cimetière Presbítero Maestro. En 1905, une statue en son hommage fut érigé à Lima. En 1951, il fut déclaré patron de l’armée du Pérou et élevé au rang de grand maréchal du Pérou en 1989. Face à une telle aura, gagné notamment pendant la guerre qui scella le sort de la région de Tacna, la proposition de Fausto Gallirgos fut immédiatement acceptée.

#992 – FK Voždovac : Zmajevi

Les dragons. Un beau dragon rouge déployé orne l’écusson du club de la banlieue peuplée de Belgrade (près de 155 000 habitants). Ecrasé par la rivalité Etoile Rouge – Partizan, Voždovac ne fait même pas office de petit poucet dans le football de la capitale, rôle tenu par l’OFK Belgrade. Pourtant, l’équipe évolue dans l’élite serbe, le club est un historique (fondé en 1912) et possède la particularité d’avoir un stade de 5 000 places bâti sur le toit d’un centre commercial.

Ce dragon vise à rappeler les soulèvements serbes du XIXème siècle qui permirent aux pays de s’affranchir du joug ottoman. Pendant près de 400 ans, la Serbie et les territoires voisins étaient des vassals de la sublime porte. Mais, après la défaite contre l’Empire Autrichien au XVIIIème siècle, l’Empire Ottoman ressortit affaibli, offrant l’opportunité aux populations Slaves de tester leurs idées nationalistes. Ainsi, une première révolte des Serbes se déroula entre 1804 et 1813. Ce soulèvement débuta dans la région de Šumadija, au Sud de Belgrade et de Voždovac. Les rebelles Serbes étaient dirigés par Georges Petrović, surnommé Karageorges. L’un de ses lieutenants était Vasa Čarapić, né à Beli Potok, un village au pied de la montagne Avala, à quelques kilomètres de Voždovac. En 1806, alors que Karageorges hésitait à chasser les représentants des Ottomans de Belgrade, Čarapić fut le seul à croire à la libération de la ville et réussit à convaincre Karageorges. Avec ses 3 000 soldats, Čarapić attaqua Belgrade par le Sud mais fut mortellement blessé. Dans la construction du récit national, il devint le héros qui donna sa vie pour la libération de la capitale. Les différentes troupes de rebelles Serbes étaient souvent nommées dragon et leurs chefs héritèrent de ce surnom. Ainsi, Stojan Čupić était Zmaj od Noćaja (Dragon de Noćaj). Vasa Čarapić fut surnommé Zmaj od Avala (Dragon d’Avala).

#991 – Bnei Yehoudah Tel-Aviv FC : השכונה

Le quartier. Dans un football israélien qui n’a pas été épargné par la vague de sport business, où les clubs appartiennent à des fonds ou de riches hommes d’affaires, Bnei Yehoudah fait figure d’exception. Comme le déclarait en 2014 le comédien, Shaul Badishi, ardent fan du club, dans le quotidien Yisrael Hayom, « Bnei Yehuda is the only team in the Premier League that is associated with a neighborhood. Bnei Yehuda reminds us of our lost innocence. With all the oligarchs and people with money coming and going in Israeli soccer, Bnei Yehuda is the only team that is still unpretentious and likable. If Israeli soccer is a big shopping mall, Bnei Yehuda is that little old falafel stand behind the mall. » (Bnei Yehuda est la seule équipe de Premier League associée à un quartier. Bnei Yehuda nous rappelle notre innocence perdue. Avec tous les oligarques et les gens riches qui vont et viennent dans le football israélien, Bnei Yehuda est la seule équipe qui reste sans prétention et sympathique. Si le football israélien est un grand centre commercial, Bnei Yehuda est le petit stand de falafels derrière le centre commercial ».

Il est vrai que sa forte identité lui permet de résister même si cela lui coute sportivement. Le club fut créé en Janvier 1936 par les membres de la communauté juive yéménite vivant dans le quartier d’Hatikva au sud de Tel Aviv. Il débuta par des matchs contre les autres quartiers de la ville, ce qui renforça encore son identification à Hatikva. Il finit tout de même par devenir un club professionnel. Mais, face aux deux grands de la ville, le Maccabi et l’Hapoël, Bnei Yehoudah apparaît comme le petit poucet qui a pu grandir et se faire une place grace à ses liens qui ne distendirent pas avec le temps avec ce quartier d’Hatikva. Le club finit même par remporter le titre suprême de champion d’Israël lors de la saison 1989-1990. Quartier ouvrier et pauvre dans les années 1930, sa population et son atmosphère n’ont pas bougé depuis. Bien qu’éloigné de quelques minutes de route seulement du centre-ville florissant de Tel-Aviv, le développement de la cité n’a pas atteint le quartier. Résultat, à chaque fois que l’équipe rentre sur le terrain, les habitants de Hatikva lèvent la tête avec un sentiment de fierté. Mais, en cas de défaite, le lendemain, le quartier rentre en deuil. Alors quand le club remporta le championnat, l’explosion de joie fut totale dans le quartier. Réactions facile à comprendre car comme le racontaient les supporteurs, « Here in the Hatikva neighborhood, everything revolves around soccer. If you take soccer away from this neighborhood, there is no neighborhood. There’s no reason to live. It’s all we had […] We live for moments like that. What else is there in this neighborhood besides that? Look around you. All you see is poverty. All we have is misery » (Ici, dans le quartier de Hatikva, tout tourne autour du football. Si vous éloignez le football de ce quartier, il n’y a pas de quartier. Il n’y a aucune raison de vivre. C’est tout ce que nous avions […] Nous vivons pour des moments comme ça. Qu’y a-t-il d’autre dans ce quartier à part ça ? Regarde autour de toi. Tout ce que vous voyez, c’est la pauvreté. Tout ce que nous avons, c’est la misère). Pourtant, Hatikva signifie « espoir » en hébreu.