#920 – América FC : Coelho, Coelhão

Le lapin. Mascotte du club, il est apparut pour la même raison que le coq de l’Atlético Mineiro (cf. #24) et le renard de Cruzeiro (#78). En effet, en 1945, Álvares da Silva, secrétaire du quotidien Folha de Minas, qui délivrait l’une des pages sportives les plus importantes et dynamiques de la presse du Minas Gerais à cette époque, décida d’imiter son confrère de Rio de Janeiro, Jornal dos Sports, qui avait décidé quelques années auparavant de personnaliser les équipes cariocas au travers de personnages de bande dessiné. Flamengo était Popeye, Fluminense était Pó-de-arroz, Vasco était Almirante, Botafogo était Donald Duck et America était le Diable. Álvares da Silva confia à Fernando Pierucetti (mieux connu sous le pseudonyme de Mangabeira), professeur de dessin et illustrateur du supplément littéraire et de la page pour enfants du journal, la réalisation de ces mascottes qui devaient puiser leur source dans l’univers des fables d’Ésope et de La Fontaine, mais en utilisant des animaux de la faune brésilienne. Pierucetti dessina alors la mascotte des 3 grands clubs de la ville : Atlético, Cruzeiro et América.

S’il put choisir les animaux pour l’Atlético et de Cruzeiro, le symbole pour l’América lui fut imposé. Le directeur du journal avait convaincu Mangabeira d’adopter le canard, sous les traits du plus célèbre : Donald Duck (Pato Donald au Brésil). D’une part, Donald apparaissait comme un personnage colérique et contestataire. Il était le seul club du Minas Gerais à s’être ouvertement et de manière véhémente opposé à la professionnalisation du football en 1933. Même si le club s’y résolut, la direction du club bataillait régulièrement avec la ligue sur ce sujet et d’autres. D’ailleurs, l’América avait quelque fois sollicité les tribunaux afin de régler ses différents avec la ligue, voire même demander l’annulation de matchs. D’autre part, Donald Duck était un personnage de l’univers Disney et donc américain. Or, l’América fut fondée le 30 avril 1912 par un groupe d’élèves du Gymnasium Anglo-Mineiro, une école primaire et secondaire où les cours étaient dispensés en anglais par des professeurs majoritairement nord-américains. Les fondateurs avaient une certaine admiration pour les Etats-Unis et le nom du club, même s’il avait été tiré au sort selon la légende, marquer tout de même cette passion. Ainsi, Donald Duck affronta donc le coq et le renard dans les caricatures de Mangabeira. Mais, les supporteurs de l’América ne furent pas séduit par ce parallèle et après quelques mois, Mangabeira réalisa un dessin de Donald se suicidant avec, en arrière-plan, la présence d’un lapin qui regardait la scène avec un air ironique. Il s’agissait de la première apparition de la nouvelle mascotte pour l’América. Pourquoi avoir choisi le lapin ? L’inspiration pour le choix des animaux est venue, en grande partie, d’éléments qui faisaient déjà partie de l’image des clubs. D’une part, dans les années 1940, América comptait parmi ses directeurs un certain nombre à s’appeler Coelho. D’autre part, l’animal correspondait bien au caractère gentil, doux de l’équipe et ses supporteurs (caractère dénommé fagueira en portugais-brésilien). Mangabeira déclara ainsi « coelho é um bicho que dorme de olho aberto, assim como o time do América dentro de campo e alguns dirigentes que o clube tinha e que mudaram a história da equipe » (Le lapin est un animal qui dort les yeux ouverts, tout comme l’équipe d’América sur le terrain et certains managers du club qui ont changé l’histoire de l’équipe) et « o América era um clube aceso, sempre pronto para o que desse e viesse. Ao mesmo tempo, era um clube de torcida fina. Um coelho, não é ?” (L’América était un club animé, toujours prêt à tout. En même temps, c’était un club de bons supporters. Un lapin, n’est-ce pas ?). Le lapin était donc certes intelligent mais avant tout un peu trop doux. Un animal aux antipodes de l’esprit du canard.

#919 – Unión Magdalena : el Ciclón Bananero

Le cyclone bananier. Ce club réside dans la ville de Santa Marta, capitale du département de Magdalena, et réussit l’exploit en 1968 à remporter le championnat colombien, une première pour une équipe de ce département. Ville côtière au Nord-Est du pays, Santa-Marta baigne dans la Mer des Caraïbes et connaît un climat tropical. De par cette situation, la cité enregistre aussi des vents importants et réguliers (notamment les alizées de nord-est), qui inspirèrent la première partie du surnom du club, ciclón.

L’économie du département de Magdalena est plus agricole que la Colombie dans son ensemble (le secteur agricole contribue à hauteur de 20% du PIB départemental contre 9 % au niveau national) et dans ce secteur, la banane occupe une place exceptionnelle, tant par la surface cultivée, le nombre d’emploi et la génération de revenus. Les bananes sont le principal moteur de l’économie et produit d’exportation du département de Magdalena depuis les premières années du XXème siècle. La première exploitation de bananes débuta en 1887 avec des hommes d’affaires colombiens. La culture de la banane se développa et prévalut sur les autres cultures en raison de divers facteurs: ce n’était pas intensif en capital, les rendements étaient plus rapides (la maturité est de sept mois pour la banane contre 3 ou 4 ans pour le café) et ne nécessitait aucun processus de transformation comme la canne à sucre. Rapidement, des capitaux étrangers investirent dans la région. En 1899, plusieurs sociétés étrangères se réunirent pour former une nouvelle compagnie sous le nom de United Fruit Company (UFC), avec pour objectif de concentrer et gérer l’activité bananière en Amérique centrale et dans le bassin des Caraïbes. Pendant des décennies, UFC contrôla le commerce de la banane dans cette zone et à destination des Etats-Unis. Dans les années 1960, UFC se retira du département de Magdalena pour investir dans d’autres régions. L’économie de Magdalena en souffrit mais la culture de la banane demeure aujourd’hui encore un pilier. Avec 47,1% de la production, la banane représente de loin la première culture du département (suivi par le manioc 20,6% et le palmier à huile 15,9%). Magdalena est le deuxième producteur national de bananes destinées à l’exportation en Colombie après Antioquia, avec une part de 30 % de la production nationale. Pour l’année 2019, la superficie plantée en bananes dans la zone de Magdalena était de près de 17 000 hectares et la productivité moyenne pour cette même année était de 2 155 caisses (environ 20 kg) par hectare. La production de bananes dans la région représente un peu plus de 20 000 emplois directs et environ 45 000 emplois indirects et se situe dans 800 propriétés, réparties sur 6 communes. Au niveau mondial, en 2020, la banane demeurait encore le fruit le plus exporté, avec 21,4 millions de tonnes (soit plus du double de celui de la pomme (7,6 millions de tonnes), second fruit le plus vendu au monde), soit environ 30 % du commerce global de fruits. Les exportations de bananes sont dominées par l’Equateur (380 millions de boîtes en 2021) et les autres principaux pays étaient les Philippines (entre 140 et 160 millions de caisses de bananes), le Guatemala (près de 130 millions de caisse) puis le Costa-Rica (près de 120 millions de caisse). La Colombie, qui était le 3ème exportateur mondial en 2011 (avec 1,7 millions de tonne), occupait en 2021 la 5ème place, avec 110 millions de caisse. A noter que trois des cinq principaux producteurs mondiaux de bananes – l’Inde, la Chine et le Brésil – produisent presque exclusivement pour leurs marchés nationaux.

#918 – Çaykur Rizespor : Atmacalar

Les éperviers. Au bord de la Mer Noire, entre Trabzon et la frontière géorgienne, la ville de Rize s’étale. Ville coincée entre la mer et les montagnes, les activités économiques se concentrent sur l’agriculture, particulièrement le thé noir. L’entreprise publique Çaykur, dont le siège est à Rize, organise la culture et la production dans cette région et constitue la plus grande et la plus importante entreprise de l’industrie turque du thé (avec 47 usines dont 33 à Rize). En 1991, le club de football, fondé en 1953, fut absorbé par Çaykur, qui devint le sponsor du club. Après la promotion de Çaykur Rizespor dans l’élite turque lors de la saison 2013-2014, deux groupes de supporters dénommés Göçebe (les nomades) et Derebeyler, décidèrent de s’unir sous le nom d’Atmacalar (les éperviers). Les deux groupes comptaient ensemble environ 1 500 fans et par ce mouvement espéraient convaincre les 6 à 7 autres groupes de supporteurs à les rejoindre, afin de mieux soutenir leur club. Göçebe avait pour symbole l’épervier et il fut reprit pour la nouvelle association de fans. Au côté du thé dont des feuilles ornent le blason depuis la création du club, Çaykur Rizespor choisit également à cette époque l’épervier comme symbole et surnom.

L’élevage de faucons (dont l’éperviers est une sous-famille) pratiqué dans la région de Rize remonte à l’Antiquité et se perpétue encore aujourd’hui comme une tradition (qui s’étend même au-delà de la frontière géorgienne). L’épervier sert à la chasse (connue sous le nom de Atmacacılık), en particulier de la caille. Située sur l’importante route de migration entre l’Eurasie et l’Afrique, le ciel de Rize est témoin de mouvements d’innombrables faucons, descendant vers le sud, entre Août et fin Octobre puis remontant vers le nord entre Avril et Juin. Après le 15 août, les habitants de la région partent en congé sans solde des usines où ils travaillent pour s’installer dans les montages environnantes et capturer des faucons qui seront éduqués pour la chasse. Cette tradition ancestrale est bien répandue dans la région et connue dans toute la Turquie. Les faucons sont divisés en trois groupes principaux selon la couleur (noir, rouge et jaune) et la forme de leurs plumes. Les rouges sont d’habiles chasseurs tandis que les jaunes apparaissent comme les plus nobles. Cette dépendance des habitants de la région à l’égard de l’épervier et leur amour sincère pour lui ont fait l’objet de nombreuses chansons folkloriques et de poèmes. On raconte même que les gens pleurent pendant des jours lorsque leur faucon meurt.

#917 – Leixões SC : os Bébés do Mar

Les bébés de la mer. Résidant dans la ville de Matosinhos, Leixões est un club omnisports fondé le 28 novembre 1907, l’un des plus vieux du Portugal. Son surnom se compose de deux aspects : les bébés d’un côté et la mer de l’autre. Commençons par la mer. Située face à l’Océan Atlantique et au nord de Porto, Matosinhos offrait un terrain favorable aux activités maritimes. En effet, sur une côte souvent tourmentée par les tempêtes et le brouillard, la crique de Leixões constituait un refuge idéal pour les marins, dès l’antiquité romaine. En 1812, le marin et homme politique portugais, Marino Miguel Franzini écrivait alors à propos de Leixões « talvez seja este o único ponto desta costa que oferece algum abrigo às embarcações acossadas pela travessia » (c’est peut-être le seul point de cette côte qui offre quelque abri aux navires harcelés par la traversée). Ainsi, les activités portuaires se développèrent rapidement et à la fin du XIXème siècle, un port moderne émergea à l’embouchure de la rivière Leça (Les travaux de construction commencèrent le 13 juillet 1884, furent dirigés par l’ingénieur français Wiriot et se terminèrent en février 1895). Plus grand port artificiel du Portugal, il est le débouché maritime naturel pour la production industrielle du grand Porto. Dénommé Porto de Leixões, 25% du commerce international portugais transitent par ses 5 kilomètres de quai, pour environ deux mille cinq cent navires, plus de 400 000 containers et 16 millions de tonnes de marchandises par an. Leixões est l’un des ports les plus compétitifs et polyvalents du pays. Egalement port de croisière, avant le Covid, il accueillait près de 100 000 voyageurs pour une centaine de navires. Naturellement portée vers la mer, l’économie de Matosinhos repose également sur les activités de pêche.

Les bébés rappellent une formidable épopée d’une bande de « gamins » qui représentèrent brillamment Leixões et ramenèrent le seul trophée de la section football. Club à faible moyen, Leixões s’attacha à former des jeunes pour renforcer l’équipe première. Au début des années 1960, des jeunes nés à Matosinhos et formés à Leixões comme Raul Machado et Jacinto Santos intégrèrent l’équipe première. A l’issue de la saison 1959-1960, Leixões monta en première division portugaise. En 1961, l’équipe réalisa un formidable parcours en Coupe du Portugal. Après avoir éliminé en demi-finale, le tenant du titre, Belenenses, Leixões devait affronter en finale ses voisins et rivaux du FC Porto. Match totalement contrasté entre le puissant Porto (déjà vainqueur de 5 championnats et 2 coupes nationals) et le petit club de banlieue, ce déséquilibre était accentué par le lieu de la finale. Comme usuellement, elle devait se dérouler à l’Estádio Nacional, à Lisbonne mais le FC Porto, arguant que les deux clubs étaient de la région de Porto, la fit délocaliser dans son antre, l’Estádio das Antas. La légende raconte qu’à la veille du match, les joueurs du FC Porto portaient un toast en l’honneur de la conquête d’un futur trophée et que les moins prévoyants s’endettaient en prévision du probable pari remporté. Pire, le périodique « Norte Desportivo » lançait en avance le tirage du journal en titrant sur la victoire du FC Porto. Mais, à la surprise générale, Leixões tint tête au FC Porto et, en seconde période, en l’espace de deux minutes, marqua deux buts par l’intermédiaire de Silva et Oliveirinha. Leixões remportait son premier et unique trophée. L’année suivante, le club atteignit les quart-de-finale de la Coupe d’Europe des vainqueurs de coupe. Les joueurs de Leixões furent alors surnommés par le journaliste Alfredo Farinha, os bébés do mar. Cette génération marqua le début de la politique de Leixões qui en fit l’un des bastions de la formation des joueurs au Portugal. De ses rangs sortirent des joueurs tels que Chico Faria, Jacinto, Folha, Fonseca, Tibi, Tozé.

#916 – Widzew Łódź : Władcy Miasta Włókniarzy

Les seigneurs de la ville des travailleurs du textile. 3ème ville de Pologne avec près de 700 000 habitants, Łódź n’était pourtant au début du XIXème siècle qu’une très petite bourgade. Intégré à la Prusse, le village ne comptait que 190 habitants et seulement 44 maisons, toutes les constructions étant en bois et aucune route goudronnée. Mais, elle connut un formidable boom économique au cours du XIXème siècle qui conduisit à sa position actuelle. Avec le congrès de Vienne en 1815, la Pologne semblait bénéficier d’une autonomie sous le nom de Royaume du Congrès, qui en réalité était sous tutelle russe. Néanmoins, les autorités polonaises, soutenues par le Tsar, engagèrent un plan ambitieux de développement de grands centres industriels à travers le pays. Łódź ne possédait pas de ressources minières qui auraient pu soutenir une industrie métallurgique. En revanche, sa région fut un centre important au XVII-XVIIIème de l’industrie drapière et une culture de lin et de laine existait. Ainsi, les autorités décidèrent la création d’un pôle textile dans une ville nouvelle proche de Łódź, Nowe Miasto (Nouvelle Ville). Le Tsar donna des titres de propriétés sur des terrains à des nouveaux migrants pour qu’ils construisent des usines et leur accorda également des privilèges telles que des exonérations fiscales, la gratuité des matériaux de construction ou l’exemption du service militaire. A compter des années 1820, des immigrants allemands qui étaient tisserands, filateurs et teinturiers, s’installèrent à Łódź et débutèrent l’exploitation de ce pôle textile. La guilde des drapiers fut fondée en 1825 et un an plus tard, la première usine textile fut construite par Christian Friedrich Wendisch. Outre le lin et la laine, le coton fut de loin la première ressource de cette industrie et la Russie ainsi que l’Extrême-Orient constituèrent d’importantes débouchés pour la production. Le développement de la ville fut intensif et l’apogée de l’industrie textile s’étala entre 1870 et 1910. La production de coton s’appuyait alors sur 41 000 ouvriers et 22 métiers à tisser, soit plus de 10% des métiers de tout l’Empire Russe. En 1904, il y avait 546 usines dans la ville employant 70 000 ouvriers, principalement dans l’industrie textile. Des empires industriels se constituèrent, dont les principaux étaient possédés par Ludwik Geyer, Izrael Poznański, Karol Scheibler et Ludwik Grohman. La population suivit se développement exponentiel. En 1865, la ville comptait 40 000 habitants. Puis, 314 000 en 1897. Enfin, 630 000 en 1915. La ville devint alors la plus densément peuplée au monde (13 200 habitants au km2). La Première Guerre mondiale cassa cette dynamique. Dans l’entre-deux guerre, la Russie n’était plus une débouchée possible et le seule marché intérieur polonais ne suffisait pas à absorber la production de Łódź. En 1929, 32 grands établissements abritaient chacun près de 5 000 ouvriers. En 1936, Łódź comptait 1 946 usines textiles et 106 800 employés, faisant de la ville la plus grande concentration d’ouvriers du textile. Après la Seconde Guerre mondiale, l’Etat communiste conserva cet outil industriel mais attendit les années 1970 pour le moderniser. Toutefois, les pays du bloc de l’Est, dont l’URSS, étaient de nouveaux des terrains d’exportation. En 1950, 120 000 ouvriers travaillaient dans le secteur du textile et dans les années 1970, la production s’étalait dans 23 communes voisines de Łódź pour 275 600 ouvriers en 1975. En 1980, cette région fournissait 46,6% des tissus en coton, 46,1% des tissues en laine et 33% de la soie de la production polonaise. Néanmoins, le déclin s’amorça et d’autres industries prirent le relais. L’industrie textile ne survécut pas à la période de transition économique des années 1990 en Pologne après la chute du communisme. Le renouveau de l’économie polonaise permit une renaissance de l’industrie textile de Łódź. Si, aujourd’hui, elle ne constitue plus la puissance de Łódź, elle demeure un pan important de son économie. L’histoire particulière de la ville qui connut un développement important avec la révolution industrielle, puis un fort déclin avant de renaître avec des industries technologiques, amena à surnommer la ville la Manchester de Pologne.

#915 – Blackburn Rovers FC : Rovers

Il s’agit du nom du club, qui signifie vagabond. Le terme est peu flatteur mais, comme pour son synonyme Wanderers, il fut utilisé par un certain nombre de clubs anglais (Bolton, Bristol, Cray, Doncaster, Forest Green, Tranmere, Wolverhampton, Wycombe) comme étrangers (Sliema à Malte, Bray, Shamrock et Sligo en Irlande, Albion et Raith en Ecosse, Santiago au Chili, Montevideo en Uruguay) pour souvent signifier leur statut précaire qui les faisait notamment vagabonder d’un terrain à un autre. Non seulement, les terrains pour jouer étaient rares mais en outre, les clubs ne disposaient pas de grands moyens pour les louer (le soutien des collectivités étaient rares), s’ils n’en étaient pas simplement chassés en raison d’un projet immobilier.

Fondé le 5 Novembre 1875, en tant que précurseur, Blackburn n’échappa pas à la règle. Le premier terrain de Blackburn était à Oozehead Ground, près de l’école St Silas à Preston New Road en 1876. Oozehead n’évoquait pas le football de haut niveau vu les installations rudimentaires (pas de tribune) et la piètre qualité du terrain (presque au milieu du terrain se trouvait un ancien bassin de drainage d’une ferme, qui avait été recouverte de planches de bois et d’herbes). Sans surprise, leur séjour ici fut de courte durée et les membres trouvèrent un nouveau lieu d’accueil en 1877 : le terrain de cricket de Pleasington. Mais ce dernier était en très grande banlieu de Blackburn. D’où, un an plus tard, ils déménagèrent à Alexandra Meadows, proche du premier terrain de Oozehead. Pour la saison 1881-82, le club loua un nouveau terrain à Leamington Street, non loin du précédent. Le club investit 500 £ pour fournir des installations aux spectateurs. Mais, en 1890, Blackburn fut obligé de changer une nouvelle fois de terrain car les propriétaires du terrain de Leamington Street augmentèrent le loyer de manière exorbitante. La direction se pencha sur un lieu, dénommé Ewood situé un peu plus au Sud que leur quartier d’origine. Ewood n’était pas inconnu pour le club car l’équipe y joua 4 fois en 1882. À l’époque, Ewood était un terrain de sport polyvalent qui accueillait du football, de l’athlétisme et des courses de chiens. Ce site avait été construit en 1882 par quatre entrepreneurs locaux. Blackburn loua le terrain pendant dix ans pour commencer, à un loyer annuel de 60 £ pour les cinq premières années et de 70 £ pour le reste. Mais, le coût du déménagement (environ 2 700 £) pesait sur les finances du club, les recettes de match étant peu élevées. En 1893, il fut décidé de racheter le stade de Ewood pour 2 500 £, chargeant un peu plus le fardeau financier à court terme mais qui devait permettre à long terme d’assurer l’autonomie financière du club.

#914 – Excelsior Rotterdam : Oud-Papier-Club

Le club des vieux papiers. Ecrasé par Feyenoord, la ville de Rotterdam compte tout de même d’autres clubs de football dont l’Excelsior qui est même une association historique. Excelsior fut fondée le 23 juillet 1902 sous le nom de Rotterdam Football and Athletics Association Excelsior par un groupe d’amis du quartier de Kralingen-Crooswijk. Il était le premier club hollandais de la classe ouvrière et fut longtemps un partenaire du Feyenoord (échanges de joueurs, prêts d’infrastructure et soutien financier), au point d’en être officiellement un club satellite pendant près de 20 ans (1997 à 2015). Même s’il vit dans l’ombre de Feyenoord, Excelsior fut un percusseur dans le domaine financier. Dans les années 1950, lorsque la fédération néerlandaise refusait d’autoriser la rémunération des footballeurs, le président de l’Excelsior, Henk Zon, prit les rênes du mouvement qui mit la pression et permit l’introduction du professionnalisme en 1954. 20 ans plus tard, Excelsior était le premier club à afficher un sponsor maillot de façon dissimulée puisque cela n’était pas licite. En effet, le club apposa un « A » sur le maillot de l’équipe. Cette lettre signifiait soit-disant qu’il s’agissait de l’équipe A (ie l’équipe première), mais en réalité il faisait la publicité de la marque japonaise Akai.

Malgré ces développements, Excelsior était un petit club aux moyens financiers limités et devaient faire preuve d’imagination pour boucler son budget. Cette politique était personnifiée pendant un quart de siècle (de 1952 à 1977) par son président Henk Zon. L’histoire raconte qu’après chaque discours, Henk Zon sortait son chapeau melon pour collecter de l’argent et tout le monde donnait. En outre, en tant que dirigeant de la fédération néerlandaise, il accompagnait régulièrement l’équipe nationale. Après le banquet, il se levait, chantait la chanson du club et récoltait des fonds auprès des participants. Mais son action la plus médiatisée concernait la collecte de vieux papiers. À l’aide d’une vieille camionnette, un groupe de bénévoles partait chaque semaine collecter de vieux papiers. Ces derniers étaient vendus à des usines de recyclage et cela rapportait à Excelsior des milliers de florins. Excelsior transformait donc des vieux papiers en billet de banque. Le président Henk Zon participait souvent personnellement à ses tournées. Une fois, Henk Zon était tombé sur une adresse où des vieux journaux étaient empilés jusqu’au plafond. Il se tourna vers les bénévoles en riant et déclara « Bel Jaap Bontenbal, we kunnen Cruijff kopen ! » (Appelle Jaap Bontenbal [vice-président du club], nous pouvons acheter Cruijff !). Cette politique menée pour des considérations économiques rejoint aujourd’hui les enjeux environnementaux et le club poursuit donc la collecte de vieux papiers. Des conteneurs sont placés sur le parking du stade pour récupérer cet « or » blanc.

#913 – FK Oleksandria : фараони

Les pharaons. Les pyramides ne sont pas légions dans la région de Kirovohrad mais la sonorité du nom de la ville Oleksandria (en ukrainien : Олександрія) rappelle étrangement celle d’Alexandrie en Egypte. Et c’est tout simplement pour cette homonymie que les supporteurs du club le surnommèrent en référence aux rois de l’Egypte antique. Pourtant, le nom de la ville ukrainienne n’a rien à voir avec celui de la cité égyptienne … ou plutôt le lien est lointain.

Les premières mentions de la ville remontent au XVIIIème siècle. L’Ukraine était alors partagé entre l’Empire Ottoman en Crimée, un état cosaque sur la partie orientale, et la République des Deux-Nations (Pologne-Lituanie) au Nord-Ouest, tout ceci sous l’œil attentif de l’Empire Russe voisin. Dès 1739, au confluent de la rivière Berezivka avec la rivière Inhoulets (ie aux environs d’Oleksandria), il y avait plusieurs colonies d’immigrants cosaques. En 1746, ces différentes colonies se réunirent sous l’impulsion du chef cosaque Hrytsky Usyk et formèrent un bastion fortifié dont l’objectif était de faire obstacle aux raids tatars (ottoman). La ville se nomma en l’honneur de Hrytsky Usyk, Oussivka. Au milieu du XVIIIème siècle, Catherine la Grande, impératrice de Russie, mit fin à l’état cosaque, le Hetmanat, et invita de nombreux peuples (dont des slaves, des allemands, des hollandais, des roumains, …) à venir coloniser ces terres nouvelles. La région de Kirovohrad (où se situe Oleksandria) accueillit ainsi une importante colonie serbe et fut renommée Nouvelle-Serbie. En 1751, une garnison de l’armée russe (3ème compagnie du régiment novo-serbe de Pandoure) s’installa à Oussivka et était composée de serbes, de roumains, de hongrois, de croates et de bulgares. La ville fut renommée en Becha, en l’honneur de la cité serbe de Bečej dont les serbes étaient originaires. En 1764, la Nouvelle-Serbie fut dissoute avec la volonté de réintégrer définitivement ces nouvelles colonies dans le système impérial russe. En 1784, un décret réorganisa les provinces de l’ancienne Nouvelle-Serbie et la fortification de Becha devint un chef-lieu, dénommé Oleksandriysk. Puis, vers 1806, Oleksandria fut adopté.

D’où vient ce nom ? Avec la colonisation de l’Ukraine au XVIIIème siècle, le pouvoir impérial russe décida de créer de nombreuses nouvelles villes, habitées par des migrants de tout l’Empire, et même d’Europe centrale. Pour nommer ces nouvelles cités, deux tendances étaient à la mode : la première consistait à rendre hommage à des membres de la famille impériale et l’autre s’inscrivait dans un mouvement européen d’exaltation de l’antiquité. Ainsi, l’antiquité grec s’imposa dans le nom de nombreuses villes ukrainiennes qui ont pour suffixe la syllabe « pol » qui provient du mot grec ancien πόλις (polis) signifiant cité. Simferopol résulta du mariage de simphero qui signifie « se rassembler, se connecter » ou « être utile, bénéficier » avec polis et véhicule l’idée d’une ville du bien commun. Ville portuaire sur la Mer Noire fondée en 1783, Sébastopol rassemble sebastos (majestueux, royal) et polis d’où la ville sacrée. Et la liste peut s’allonger : Nikopol (Niko étant le nom de la déesse de la victoire), Ovidiopol (du poète romain Ovide), Teofipol (la ville de Téophile) ou Melitopol (méli signifiant miel). Mais, le suffixe polis n’était pas la seule marque de cette vogue grecque. La ville de Kherson a été fondée en 1778 et Potemkine lui donna son nom en souvenir de l’antique Chersonèse, une colonie grecque à l’ouest de la Crimée, près de l’actuelle Sébastopol. A la fin du XVIIIème siècle sur le site de l’ancienne colonie slave de Kotsyubievo, une ville nommée Odessa apparut. Son nom était tiré de l’ancienne colonie grecque Odessos, dont on pensait à l’époque qu’elle se situait à cet endroit (en réalité elle se trouvait dans la région de la ville de Varna en Bulgarie). L’autre mode était donc de rendre hommage à la famille impériale. Avant de s’appeler Dnipro, la cité se nommait Ekaterinoslav ou Iekaterinoslav, qui signifiait gloire de Catherine, en l’honneur de l’impératrice Catherine II. Marioupol mixe même les deux tendances puisque le nom signifie en grec ville de Marie et fut nommée en 1779 en l’honneur de Marie Féodorovna (nom russe de Sophie-Dorothée de Wurtemberg), impératrice de Russie et femme du tsar Paul Ier. Même si les origines d’Oleksandria aurait pu s’attacher à la mode antique, il s’avère qu’elles pencheraient plutôt sur la seconde tendance. Des théories pensent que le nom rendrait hommage à Alexandre Nevski (prince de Novgorod, héros national russe suite à ses victoires militaires) ou à Alexandre le Grand (le célèbre conquérant macédonien pour lequel Catherine II aurait été une admiratrice. Or, roi bâtisseur, sa plus grande oeuvre fut la fondation d’Alexandrie). Mais, l’opinion la plus admise est que la ville fut nommée en l’honneur du tsarévitch Alexandre (fils de Paul Ier et Marie Féodorovna), le futur tsar Alexandre Ier.

#912 – HNK Gorica : Bikovi

Les taureaux. Le HNK Gorica est la 4ème génération de club à représenter la ville de Velika Gorica, située au sud de Zagreb. Les précurseurs du football à Velika Gorica étaient SK Olimpijski et HŠK Turopoljac, qui ont fait leurs premiers pas en 1920. Après la Seconde Guerre mondiale, Olimpijski et Turopoljec fusionnèrent dans une nouvelle association baptisée Radnik. Après avoir représenté la ville dans l’élite croate, Radnik fut relégué en 1995 et un long processus de déclassement débuta. En 2009, pour éviter la faillite, Radnik fusionna avec le club du village voisin, le NK Polet. Ainsi naquit le HNK Gorica, premier club à porter dans son intitulé le nom de la ville de Velika Gorica. Afin d’être le futur représentant de la cité, HNK reprit ses principaux symboles. Ainsi, le club utilise les trois couleurs de base du drapeau (rouge, noir et blanc) de Velika Gorica. Du côté du blason du club, il s’agit d’un bouclier rouge, avec une bande noire en bas et trois étoiles dorées au dessus. A l’intérieur de l’écu se situe un taureau rampant tenant un ballon de football. Les étoiles comme le taureau sont identiques à ceux apparaissant dans les armoiries de la ville.

Le taureau de Velika Gorica est une référence à Turopolje. Cette dernière est une région traditionnelle de Croatie dont Velika Gorica est la plus grande ville ainsi que le centre administratif. Selon l’opinion la plus répandue, Turopolje signifierait « les terres de tur », tur étant un vieux mot slave qui faisait référence à un bovin sauvage (soit un bison d’Europe, soit un auroch). Il s’agissait probablement plus d’un auroch, une espèce de bovidé, ancêtre des races actuelles de bovins domestiques. Le terme auroch a des origines celtique ou germanique, issu de ûro (moyen allemand ûr(e), vieil anglais ūr, vieux norrois úrr, latin urus) qui signifie vraisemblablement « celui qui répand sa semence humide », sur la base d’un vieux thème indo-européen ūr désignant l’humidité et la pluie fine (le mot urine dérive également de ce terme). En effet, ce bétail était un symbole de fertilité (car il permettait de labourer les champs) et un représentant du dieu soleil. En raison de la chasse et de la réduction de leur habitat, les aurochs disparurent d’Europe au XVIème siècle tandis que le dernier spécimen du bison d’Europe fut enregistré vers 1800 dans la région. Certainement par simplification sur les armoiries, ce bovin fut finalement remplacé par le taureau.

#911 – Glasgow Rangers : the Gers

Il s’agit clairement du diminutif de Rangers. Le nom exact du club est Rangers FC, la ville de Glasgow n’apparaissant pas dans son intitulé. Revenons à la fondation du club. Enthousiasmés après avoir vu une équipe locale de Glasgow, Queen’s Park, jouer une nouvelle forme de football, cinq jeunes sportifs (pratiquant essentiellement l’aviron) fondèrent les Rangers en mars 1872 : les frères Moses et Peter McNeil, et les amis Peter Campbell, David Hill et William McBeath. A l’époque, les clubs retenaient des noms comme Rovers, Wanderers, Daring … qui qualifiaient soit le style de jeu, soit une partie de l’histoire du club. Même si le terme Rangers n’est pas commun, il s’inscrit dans cette tendance.

Moses McNeil, qui est considéré comme la force motrice dans la formation du club, aurait vu le nom de « Rangers » dans un magazine intitulé « English Football Annual » rédigé par Charles Alcock (membre fondateur et plus tard secrétaire de la Football Association, et également créateur de la FA Cup). Dans ce livre, publié chaque année depuis 1868, Moses McNeil découvrit une équipe de rugby anglaise dénommée les Swindon Rangers qui jouaient en chaussette blanche, short blanc et maillot blanc avec une étoile bleue sur la poitrine. Le nom aurait tellement plu à Moses qui l’aurait proposé et fait adopté au reste de la troupe. Les fondateurs des Rangers copièrent non seulement le nom des rugbymen de Swindon, mais auraient également copié leur kit. Selon certain, Moses avait aimé ce nom car Rangers rimait avec strangers (étrangers), ce qui symbolisait le rassemblement sous la houlette du club d’hommes différents (mais tout de même protestants) provenant de toute la ville.

Un Swindon Rangers existe encore aujourd’hui mais il s’agit d’une équipe de football de la North Wilts League créée il y a une vingtaine d’année. Le club de Rugby qui inspira les jeunes protestants de Glasgow disparut en 1895 par manque de soutien. Il semble que personne ne sait quand les Swindon Rangers se formèrent, mais ce fut sous l’impulsion de John Armstrong, fils de l’ingénieur ferroviaire Joseph Armstrong, l’un des acteurs du rôle clé tenu par Swindon dans les chemins de fer anglais. Ce club de Rugby émergea semble-t-il d’une association de cricket nommée Swindon Rangers Cricket Club. Le club disparut donc en 1895 mais quelques mois plus tard, un nouveau club de Rugby se forma, le Swindon Rugby Football Club, avec à peu près par le même groupe de personnes qui animait les Rangers. Aujourd’hui, ce dernier existe toujours.